Si l’aventure se vit bien au long cours sans arguments magiques, force est de constater que pas mal de récits fondateurs de ce genre sans peur et sans reproche sont dotés d’une aura fantastique, de créatures, de monstres capables de faire vaciller les héros et de créer l’inattendu et un supplément de divertissement. C’est le cas dans Conan, Indiana Jones, Les Goonies et tant d’autres. La BD n’y fait pas exception, forgeant des légendes de fantasy, de mille et une nuits et d’autres ans ce bon mélange qui s’ouvre sur des histoires héroïques et palpitantes. La preuve avec ce théma regroupant quelques parutions marquantes de ces dernières semaines. Après Alamander, Arjuna, Capitaine Vaudou, Furieuse, (Avant) La quête de l’oiseau du temps, Le rite et Lord Gravestone (premier et second du nom), la jeunesse n’est pas oubliée puisque voilà déjà le sixième tome de Ninn, Lune de glace, de Jean-Michel Darlot et Johan Pilet (avec la collaboration de Hamo aux couleurs), dans un bateau ivre et à l’envers.
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Résumé des Éditions Kennes pour le tome 6 de Ninn : Terminus. La cité des ferrailleurs, une gigantesque forteresse de métal nichée au cœur des Grands Lointains. C’est là que nous retrouvons Ninn et ses amis, talonnés par l’hiver glacial qui vient de s’abattre sur le monde souterrain. À peine rescapés des pièges de Magic City, ils se retrouvent confrontés au Baron Ferraille, le mystérieux tyran qui règne en maître absolu sur le peuple des sous-sols. Cernés par leurs adversaires et par le climat de plus en plus hostile, ils vont devoir, pour survivre, tenter de résoudre le mystère qui entoure Terminus: Quel est le secret du Baron Ferraille? Pourquoi un froid glacial s’est-il abattu sur les Grands Lointains?… Et si la réponse se trouvait dans cet étrange rêve collectif, cette vision d’un navire pris dans les glaces qui semble hanter le sommeil du peuple ferrailleur?…

Dans l’envers du monde du métro parisien, où se cache un monde à part entière, Ninn et ses compagnons de route (et de déroute, il faut bien le dire, tant cette nouvelle terre recèle des merveilles et des atrocités. Comme le petit groupe va en être témoin dans la cité des ferrailleurs. Une ville grise, froide, dont les esclaves doivent aller au charbon pour tenter de réchauffer leurs pairs et l’insondable Baron Ferraille, sous son masque (qui n’est pas sans rappeler celui du Maître des couteaux dans Seuls). Oh, il n’en fut pas toujours ainsi, la ville fut autrefois une ville libre et démocratique, mais depuis que ce gourou, et l’oiseau de mauvais augure qui le suit partout (certains méchants ont des chats, ça change), tout le monde boit et exécute ses paroles.

Mais se pourrait-il que Ninn change les choses? Elle qui, depuis cinq tomes et tant d’aventures au sein des Grands Lointains, a su conjuguer son insouciance à son irrévérence face aux monstres qui font pourrir ces merveilleuses contrées. En tout cas, la jeunesse et les idéaux, la curiosité et l’idée que rien n’est impossible sont autant d’atouts pour permettre d’inverser la tendance et de se dresser contre une armée à l’esprit embrumé par un tyran qui ne doute de rien.

Parlant de politique, de montée des extrêmes, de refroidissement climatique, de la faculté à se plier aux ordres ou à s’y opposer et de surveillance (ici pas de caméra, mais un affolant jeu de miroirs), Darlot et Pilet n’en oublient jamais la poésie et la magie, même obscure à certains moments, de leur univers. L’amitié qui en émane aussi. Et si l’argument magique du tigre de papier s’estompe un peu, l’affaire se passe entre humains, aussi dans le dialogue, avec des volte-face qu’on n’attend pas. Les idées graphiques sont belles mais, en plus, font sens. Malgré les doutes dont il fait état dans ses remerciements, Johan Pilet réalise une nouvelle fois un travail grâcieux, amenant de l’âme et de la chaleur dans ce décor glacé.

À lire chez Kennes.
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