
Si l’aventure se vit bien au long cours sans arguments magiques, force est de constater que pas mal de récits fondateurs de ce genre sans peur et sans reproche sont dotés d’une aura fantastique, de créatures, de monstres capables de faire vaciller les héros et de créer l’inattendu et un supplément de divertissement. C’est le cas dans Conan, Indiana Jones, Les Goonies et tant d’autres. La BD n’y fait pas exception, forgeant des légendes de fantasy, de mille et une nuits et d’autres ans ce bon mélange qui s’ouvre sur des histoires héroïques et palpitantes. La preuve avec ce théma regroupant quelques parutions marquantes de ces dernières semaines. Après Alamander, Arjuna, Capitaine Vaudou, Furieuse et (Avant) La quête de l’oiseau du temps, avec Le rite, Amaury Bündgen livre une aventure suspendue, entre méditation et colère.

Résumé de Casterman pour Le Rite d’Amaury Bündgen :Kéva, petit royaume perché dans les montagnes, est réputé pour son peuple pacifique, naturellement tourné vers l’étude et le maintien des équilibres naturels. Aussi, lorsque ce pays est attaqué par un empire expansionniste, les Kévarks, malgré une résistance farouche, sont-ils annihilés brutalement. Mais un prêtre a survécu, dernier représentant de sa culture. Il se dirige vers le Lac Miroir, centre spirituel de sa contrée aujourd’hui asservie, afin d’assouvir, seul, la vengeance de son peuple !

Un homme qui marche, un centaure scorne et son chien (enfin, une drôle de créature bossue), et un camp de soldats qui avancent dans leur conquête, pour l’empire. Puis le lac sur les berges duquel tout ce petit monde, animé d’intentions différentes, va se tenir dans un mouchoir de poche.

Une fois que chacun trouve sa place, confortable car le combat à distance et la discussion seront longs, c’est une sorte de réinvention des duels finaux de western, en terres mystiques, qu’Amaury Bündgen installe durant des dizaines de pages. En effet la tension est là, comme le ressentiment. Et s’il n’y a pas de trésor, il y a bien un cimetière dans lequel chacun peut finir si cette grande conversation-méditation qui désarçonne ceux qui ont l’habitude de parler avec les armes tourne au drame.

Avec un bestiaire fantastique mais finalement un déroulé épuré, Amaury Bündgen suspend le temps sans jamais faire sentir l’attente qui tenaille les trois groupes. Tension, compréhension, peur, sentiment de puissance, agacement, les protagonistes passent par tous les sentiments dans cette sorte de David contre Goliath qui se ferait par la force de la pensée et des idées. De cet homme seul au milieu de son lac, qui aspire à la vengeance mais pas forcément à la violence, on tire des enseignements, un questionnement de la guerre et des rapports de force, y compris quand ils sont bien absurdes et qu’ils seront tôt ou tard remis en question.

En noir et blanc, aérien et à la fois terre à terre, ce Rite est un OVNI, une malédiction qui tourne à la bénédiction tant il marie l’essai philosophico-politique à l’heroic fantasy finement exécutée. Loin des clichés.

À lire chez Casterman.