
Si l’aventure se vit bien au long cours sans arguments magiques, force est de constater que pas mal de récits fondateurs de ce genre sans peur et sans reproche sont dotés d’une aura fantastique, de créatures, de monstres capables de faire vaciller les héros et de créer l’inattendu et un supplément de divertissement. C’est le cas dans Conan, Indiana Jones, Les Goonies et tant d’autres. La BD n’y fait pas exception, forgeant des légendes de fantasy, de mille et une nuits et d’autres ans ce bon mélange qui s’ouvre sur des histoires héroïques et palpitantes. La preuve avec ce théma regroupant quelques parutions marquantes de ces dernières semaines. Après Alamander et Arjuna, on change de cap pour se rendre dans les Caraïbes, archipel d’eaux et de terres, de liberté surtout. Quitte à libérer les fauves et les esprits vaudous. Jean-Pierre Pécau, Darko Perovic et Nuria Sayago, sous une couverture d’Ugo Pinson (superbe, mais pourquoi ce choix d’une illustration par un autre artiste, qui donne inévitablement une mauvaise idée de ce qui se trouve à l’intérieur, même si cet intérieur est de grande qualité?), ne se font pas prier.
Résumé des Éditions Delcourt pour le tome 1 de Capitaine Vaudou – Baron mort lente : Voici l’histoire des pirates, la véritable histoire, celle qu’on ne raconte pas aux enfants. L’histoire des marins, installés dans les Caraïbes et conquis par la magie vaudou. L’histoire d’un jeune irlandais capturé par les Anglais. Cormac Mac Leod, à sa grande surprise, va faire preuve d’un don certain pour le vaudou et va devoir affronter son représentant le plus terrible : le Baron mort Lente. Cormac ne sait pas que son destin intéresse les puissants Loa, les divinités du panthéon vaudou.

Alors là. Pour une fois, le résumé n’exagère pas, on n’avait jamais vu les pirates dans cet état. En tout cas pas moi. Sauf peut-être, ceux qui avaient joué au jeu de rôle (également pensé par Jean-Pierre Pécau qui se retrouve, logiquement, à la barre de cet album) ici adapté. Tout commence pourtant de manière assez classique avec un bateau, des prisonniers à fond de cale, et tout d’un coup le flot qui perd son calme et l’attaque qui survient, au départ d’un bateau battant pavillon noir et peuplé de frère de la côte qui seraient plus du côté des « galériens » que des marins à l’air libre. Le combat fait rage, des hommes tombent des deux côtés, y compris parmi les condamnés, en sursis, dans le ventre du bateau officiel.

Cormac Mac Leod survit, au contraire de son frère. Enterré dignement sur une île située sur le nouveau trajet, sur la nouvelle vie de ces gens embarqués chez les pirates. Avec des liens qui se font, avec ses pairs ou le surnaturel.

Et c’est réellement une fois débarqué à Port-royal que les événements étranges surviennent. Dans le grand bain de la liberté, là où les filles de joie choisissent leurs clients, et pas l’inverse; où toutes les confessions se retrouvent, toutes les classes. Où les morts et les vivants cohabitent, sans pacte de non-agression ce qui va faire dériver la situation et amener tout le monde à perdre le contrôle. Jean-Pierre Pécau tire un parti très divertissant et étonnant de ce petit village-monde de Jamaïque, où s’ouvre une porte avec les dieux ou les démons.

Entre frères de la côte et ennemi de l’autre bord (l’insondable Baron mort lente, qu’aucune loi ne semble arrêter), autour de la pierre angulaire du vaudou, dont Cormac semble être investi (un peu à la façon d’un super-héros se découvrant des pouvoirs… mais dans un environnement tout différent des grandes villes hollywoodiennes); se succèdent un golem, un garou, des zombies, et d’autres nous attendent encore. Ça pourrait être kitsch, trop série B, pourtant l’emballage est beau et rythmé, convaincant dans l’inattendu. Comme un bon rhum qui nous fait halluciner!

À lire chez Delcourt.
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