Six, le western haletant de Pelaez et Casado : l’étoile du shérif a 6 branches, mais ces six-là brilleront autrement, au ban de la société mais mus par l’énergie du désespoir

© Pelaez/Casado chez Dargaud

Celui-là, on l’attendait depuis longtemps. Depuis que Philippe Pelaez et Javier Casado ont mis fin (prématurément?) aux folles aventures de Marie-Madeleine Madac-Miremont (Un peu de tarte aux épinards) tout en nous promettant de s’aventurer désormais sur les terres du western. L’heure a enfin sonné, la petite musique morriconienne aussi. Avec Le massacre de Tanque Verde, le duo dégaine le premier acte de Six, une épopée violente et fondatrice en… quatre volumes.

© Pelaez/Casado chez Dargaud

Résumé du tome 1 de Six par Dargaud : Quel point commun y a-t-il entre un garçon borgne, une jeune prostituée, un déserteur, un esclave en fuite, une nonne défroquée et un Indien renégat ? En apparence, aucun. Rien ne les rapproche. C’est le hasard – et la chance – qui les ont amenés à se rencontrer, car rien ne les rapproche. Rien, sauf peut-être la quête de l’or, promesse d’une vie meilleure et d’un avenir digne de ce nom dans l’Ouest américain, violent et sauvage, des années 1850. Kid, le jeune garçon éborgné durant une agression qui a décimé sa famille, leur a promis « une montagne d’or » s’ils l’accompagnent dans les Black Hills, où il doit récupérer un document de la plus haute importance.

© Pelaez/Casado chez Dargaud

Déluge de feu sur la couverture. Il ne reste rien de la cahute tandis qu’un pendu, non content d’avoir été abandonné à son triste sort, sera bientôt carbonisé. À l’avant-plan, une femme et un jeune garçon androgyne et borgne sont prêts à en découdre, flingue et fusil en avant. La fumée qui s’en dégage laisse penser qu’ils ont déjà servi et ne sont pas à une récidive près. Quand on n’a plus rien à perdre…

C’est avec cette couverture d’un solide Javier Casado, transcendé par son sujet et ayant fait évoluer son trait pour qu’il soit plus sec et… mortel, que Dargaud déploie son nouvel univers western. La maison d’édition, ces dernières années, n’a eu de cesse d’amener du sang neuf dans ces contrées arides et néanmoins lucratives et fascinantes pour qui sait en tirer profit et réinventer les codes, amener de nouveaux types de héros. Après Stern, Undertaker ou encore Perdy et Ladies with guns, Dargaud multiplie les incursions sur les terres de ses Blueberry et Lucky Luke. Même si « le western n’existe pas », constat cinglant et néanmoins sanglant fait par Philippe Pelaez – qui en profite pour ajouter à son tableau de chasse éditorial Dargaud, donc – dans le macaron collé sur la couverture et développé dans un chouette dossier cinéphilo-sociétal en fin d’album; pourquoi se priver d’explorer ces terres légendaires et fertiles en héros (ou pas d’ailleurs) en tous genres.

© Pelaez/Casado

Tant qu’à rompre avec la tradition, c’est deux par deux (plus que par des figures solitaires) que les auteurs vont composer les Six. Sont-ils Sinister ? Ils pourraient parce que la société dans laquelle ils se sont faits n’est vraiment pas recommandable, « une jungle d’ivrognes, de voleurs et d’escrocs« . Sans vergogne, sans honneur. Et au milieu un gamin désorienté dont la famille vient de se faire abattre et qui voit arriver sur ses terres de nouveaux cavaliers. Armés ou pas de bonnes intentions… il tire, en tout cas. Étoffant déjà sa thèse voulant que le western ne soit pas aussi héroïque que ce que les maestros nous ont laissé croire, Philippe Pelaez introduit son histoire par quelques cartouches de considérations tandis que Javier Casado entre déjà dans le vif du sujet, crépusculaire et mortifère, spectaculaire. Ça ne fait pas dans la dentelle même si notre survivant, un oeil en moins, se retrouve dans le quartier des dames, au bordel (plus fréquentable que le saloon d’en bas, cela dit), pris sous l’aile d’Elsie, une jeune prostituée qui ne manque pas de tempérament.

© Pelaez/Casado
© Pelaez/Casado chez Dargaud

Alors que Kid, lui, est devenu une bête sauvage – et le jugement qui doit l’assigner à une nouvelle famille, un tuteur soi-disant bienfaiteur, ne va pas forcément l’aider -, d’autres duos improbables mais de circonstances se forment à quelques galops de là. Un caporal déserteur (il ne s’appelle pas Blutch et a l’air bien plus « méchant ») et un prisonnier indien. Une religieuse dont la compagnie de missionnaire n’a pas résisté à la furie des sauvages… qu’ils voulaient remplir de la parole de Dieu (peut-il y avoir un dieu dans cette poussière?) et un esclave noir en fuite.

On tient nos six lascars, deux femmes, non des moindres, et quatre hommes. C’est de manière chorale, passant d’un lieu à l’autre, que ce premier tome introduit tout ce petit monde qui n’a plus rien à perdre, si ce n’est peut-être la vie, et est prêt à en découdre pour gagner meilleure condition. Et, qui sait, un trésor? Sur la piste duquel d’autres, bien mieux armés, sont aussi lancés.

© Pelaez/Casado chez Dargaud

Au milieu d’images fortes expliquant comment ce sextet a émergé d’une symphonie infernale, qui claque comme un fouet et détonne comme une carabine, Philippe Pelaez est malin et peut s’appuyer sur son comparse, Javier Casado totalement dans son élément, pour rassembler, déjà, de nombreux éléments du mythe de l’Ouest et créer l’intensité. Avec de bonnes idées graphiques, une caméra qui bouge dans tous les coins et offre un festival d’angle. La barre est placée haut et, en tant que lecteur, j’ai eu le souffle coupé face à la formation de cette bande déjà emblématique et riche (autant que fragilisée) de ses différences, de ses profondeurs. C’est impressionnant. L’attente a du bon.

© Pelaez/Casado chez Dargaud

À lire chez Dargaud.

© Pelaez/Casado
© Pelaez/Casado chez Dargaud
© Pelaez/Casado chez Dargaud
© Pelaez/Casado chez Dargaud
© Pelaez/Casado chez Dargaud
© Pelaez/Casado chez Dargaud
© Pelaez/Casado chez Dargaud
© Pelaez/Casado chez Dargaud
© Pelaez/Casado chez Dargaud

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.