N comme… Napoléon, mais aussi Nemo: du haut d’une pyramide immortelle aux profondeurs du Nautilus

© Hervoches/Lemercier chez Locus Solus

À la lettre N, deux sacrés personnages ayant traversé le temps, armés de bonnes ou de mauvaises intentions mais ne laissant personne indifférent et alimentant les fantasmes du grand public et, forcément, des faiseurs d’histoires plus ou moins inspirées de faits réels et divers. L’un a d’ailleurs réellement existé tandis que l’autre est une pure fiction sortie de la plume d’un génie nommé Jules Verne. Entre l’empereur Napoléon et le capitaine Nemo (entre autres alias), y’a-t-il vraiment match? Deux albums BD récents font la part belle à ces deux personnages déjà vus sous toutes les coutures et gardant pourtant une sacrée part de mystère. 

© Rubio/Serra/Cesc chez Paquet

Rendons à César ce qui appartient à Bonaparte

Résumé de La pyramide immortelle par Paquet : Javier Sierra s’est inspiré d’un fait authentique : au matin du 14 août 1799, le général Bonaparte sort, poussiéreux, hirsute, du ventre de pierre de la pyramide de Kheops. Il vient d’y passer, seul, une étrange nuit. Sans un mot, il monte cheval, sous l’œil médusé de ses lieutenants. Nul ne saura jamais ce qui lui est arrivé. Par la suite, il se bornera à déclarer que, s’il le racontait, personne ne le croirait. Sur fond de luttes d’influence en terre d’Egypte entre les grandes religions, l’auteur nous dévoile un Bonaparte énigmatique au cœur d’une intrigue haletante. Après la lecture de Javier Sierra, une question demeure : doit-on encore craindre la mort ?

© Rubio/Serra/Cesc chez Paquet

Alors que la bande-annonce du prochain film épique de Ridley Scott fait trembler le Sphinx dans un bombardement, Bonaparte vit son aventure égyptienne, en extérieur comme en intérieur, dans la version que proposent les Espagnols Salva Rubio et Cesc Dalmases (avec les couleurs de Roger Surroca) et qui est un peu la traversée du désert, la mise à l’épreuve du petit caporal qui se rêvait grand à travers les âges.

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Hé oui, si l’immortalité est une quête animant l’Homme depuis qu’il se sait mortel; que les templiers, les chevaliers arthuriens ou les nazis se sont risqués dans des quêtes plus ou moins surnaturelles; pourquoi Napoléon ne se serait-il pas lui aussi laissé prendre au jeu? Profitant d’une campagne militaire en dehors des sentiers battus, au-delà de l’Europe et des terrains victorieux, par exemple. Mais il n’est pas dit que l’avidité de Napoléon ne sera pas utilisée par les forces du bien ou du mal qui convoitent elles aussi le précieux. Avec un combat aussi épique que mental, et magique, à la clé.

© Rubio/Serra/Cesc chez Paquet

D’un point de départ véridique (l’ascension irrésistible de l’aiglon) à une anecdote égyptienne contestée (Napoléon ne serait jamais entré dans la pyramide, selon celui qui était son secrétaire intime, Louis Antoine Fauvelet de Bourrienne), sur les bases jetées par le roman de Javier Sierra, Salva Rubio et Cesc Dalmases rompent avec les représentations habituelles de Bonaparte pour le faire leur: cheveux longs, barbe qui pousse qui pousse, regard obstiné, intransigeance (quoique) et attrait pour le surnaturel. Entre faits réels et gestes de fiction, les auteurs réussissent à nous entraîner dans cette Égypte à feu et à sang, mais aussi à sable et à secrets. Avec des combats militaires dans ce monde et des duels idéologiques dans l’autre. Je me suis laissé faire et j’ai passé un agréable moment dans cet album bavard et philosophique servi par le dessin tout terrain et vif de Cesc Dalmases et les couleurs bien senties de Roger Surroca. Avec une belle représentation, mise à l’échelle de la petitesse de l’Homme, même si celui-ci est inoubliable et traverse les âges par ses exploits et ses conquêtes, face à ces géniales et mystérieuses créatures triangulaires que sont les pyramides. Une aventure intérieure audacieuse et à la croisée des chemins.

© Rubio/Serra/Cesc chez Paquet
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À lire chez Paquet.

Nemo n’est qu’un alias parmi tant d’autres, mais celui-là lui colle à la peau

© Hervoches/Lemercier chez Locus Solus
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Résumé du tome 1 d’Alias Nemo par Locus Solus : 1840. Alors que l’armée de la Compagnie des Indes britanniques occupe son pays, l’héritier de l’empire Marathe voyage en Europe sous le nom de Prince Dakkar. Admirateur de La Pérouse, pacifique, curieux de tout –et particulièrement des « bateaux sous-marins » –, il ne sait pas encore que le destin fera de lui le cauchemar des Anglais et qu’il sera bientôt connu sous le nom de : Capitaine Némo !

© Hervoches/Lemercier chez Locus Solus
© Hervoches/Lemercier chez Locus Solus

« Le capitaine Nemo était un Indien, le prince Dakkar, fils d’un rajah du territoire alors indépendant du Bundelkund et neveu du héros de l’Inde, Tippo-Saïb. » Quelques mots de Jules Verne dans L’île mystérieuse. De quoi laisser entrevoir, en suspens et sans trop l’appuyer, le passé d’un des plus célèbres personnages de la littérature d’aventure rétro-futuriste et auquel la pop culture (en BD déjà, au cinéma et ailleurs) allait donner de multiples visages, plus ou moins respectueux du matériau d’origine d’ailleurs.

Si le capitaine Nemo est finalement bien indien, il aurait toutefois pu être moins dépaysant puisque Verne l’imaginait au départ, dans une première version de Vingt mille lieues sous les mers refusée par son éditeur, comme un aristocrate polonais animé par le désir de vengeance des Russes, ceux-ci ayant détruit sa famille lors de la répression. Aurait-il traversé les âges si cela avait été le cas?

© Hervoches/Lemercier chez Locus Solus

Toujours est-il que c’est dans un préquel que Nicolas Hervoches et Gwendal Lemercier se sont lancés avec Alias Nemo, d’abord au format comics (sketchbooks en prime, chez Original Watts puis en albums traditionnels chez Locus Solus). Sous une couverture embrumée, celui qui ne s’appelle pas encore Nemo fait face aux armoiries napoléoniennes. Dorées, ça va de soi. Il y a là une odeur de mystère. Nous sommes déjà dans le ventre d’un bateau, la Belle-Poule. Malgré ses airs d’ailleurs, le prince en est chassé comme un malpropre. Pourtant cette culture française, dans son esprit aventurier et inventeur, le prince Dakkar ou Nânâ Sâhib ou Seereek Dondhu Pant (ou quel que soit le nom qu’on lui donne et qu’il ne choisit jamais, admet-il) en est épris magnétisé. Sans en savoir forcément l’aboutissement jusqu’à présent.

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Dans ce premier tome (sur trois), divisé en trois parties/identités, le futur-Nemo est déjà un peu seul, pas à sa place ni capitaine de son destin. Dépossédé de son identité, de sa romance, malmené par une situation géopolitique tendue et incendiaire. Jusqu’à être un innocent responsable de trop de maux. L’histoire s’amorce en se servant de la grande Histoire et de ses ombres et les deux auteurs installent bien le malaise, dantesque, dont leur héros est la proie. À travers les tempéraments et les climats, la paix de façade et la guerre vociférante, Gwendal Lemercier réussit sa plongée en eaux troubles avec quelques scènes implacables (à commencer par l’ouverture et la dernière séquence) avec une maîtrise de son trait et des teintes. Il dessine les couleurs et les lumières, les reflets, quitte à jouer de surexpositions bien vues, pour incarner les décors prestigieux visités et faire ressortir les personnages. Mystérieuse et intrigante, cette initiation aux secrets de Nemo commence plutôt bien… ou mal.

© Hervoches/Lemercier chez Locus Solus

À lire chez Locus Solus.

Notons encore que Gwendal Lemercier, pour une exposition dans le cadre du Festival BD Evreux, s’est attaqué à un autre personnage mythique de la littérature française: Arsène Lupin.

Et voilà la preview des deux albums chroniqués: 

© Rubio/Serra/Cesc chez Paquet
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© Rubio/Serra/Cesc chez Paquet
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© Lemercier

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