La truie, le juge et l’avocat : qu’importe le procès (ou son simulacre), pourvu qu’il y ait du spectacle, du pain, du lard carbonisé et des jeux !

Le saviez-vous? Au Moyen-âge, les procès d’animaux étaient monnaie courante. Qu’on ne s’étonne pas alors si le peuple et les puissants de l’époque chassaient les sorciers et les sorcières capables de les soigner plus que les hanter. Dans cette incongruité historique, Laurent Galandon entraîne Damien Vidal dans une troisième collaboration qui fait la part belle à la pure et crasse fantaisie. Un procès hors-norme mais pas mené dans les règles de lard pour être sûr d’avoir un coupable. Jusqu’à ce que mort s’ensuive, avec l’aval de la justice? 

© Galandon/Vidal chez Delcourt

Résumé de La truie, le juge et l’avocat de Laurent Galandon et Damien Vidal : Des procès d’animaux eurent cours au Moyen Âge. Ici, les protagonistes sont : une brave truie, un sinistre juge et un avocat miséreux. Accusée d’avoir provoqué la mort d’un cavalier, une truie est conduite devant le tribunal : elle encourt la peine capitale. Le juge, un homme puissant qui n’a que mépris pour les êtres qu’il juge inférieurs, animaux, porchers ou même seulement femmes, fût-ce sa propre épouse, se trouve confronté contre toute attente à un avocat de talent qui défend avec ferveur la cause du malheureux animal…

© Galandon/Vidal chez Delcourt

« C’était un beau procès. » « C’est quand même un peu dommage qu’on n’ait pas une petite exécution à la fin. » « C’est pas faux : normalement, c’est comme ça que ça se termine. » Peu importe le chemin tant que pour la plèbe il y a un festin voyeur, l’ivresse de la peine capitale. Tant pis pour le pain, si on a déjà les jeux. Ça fait l’événement et ça empêche de penser à autre chose. Et lors des périodes de vaches maigres côté prévenus humains, coupables tout trouvés, il était facile de rameuter des êtres sans défense au tribunal après passage au cachot. Mais il fallait bien qu’un jour un fou ou un audacieux, en quête d’un peu de confort et d’un retour en grâce, mette fin à la comédie inhumaine et se décide à défendre un animal. C’est avec une truie mise face à des porcs qui valent beaucoup moins qu’elle que les deux héros ordinaires de Lip (puis du Contrepied de Foé) font moins le procès des comparaissants que des cons se délectant devant ce qui m’apparaît comme un horrible spectacle, inégal.

© Galandon/Vidal chez Delcourt

Cet album commence par une scène ubuesque, un branle-bas de combat dans une ville quelconque dont les remparts ont laissé passer l’engeance du mal, du haïr-ensemble. Ici, on cherche le coupable ayant provoqué la mort d’un cavalier, une truie. Alors, les soldats s’activent, amenant aux témoins tous les porcs des environs, potentiels suspects. Une fois la bête trouvée, son compte sera vite réglé…

© Galandon/Vidal chez Delcourt

C’est sans compter un mendiant qui ne loupe rien de la scène et se dit qu’il peut tirer son épingle du jeu de dupes pour donner à l’animal un procès en bonne et due ferme, ce qui était très incertain vu la personnalité du juge, très Trumpien, gros lard dans toute sa splendeur, les pleins pouvoirs  et la condescendance au max.

© Galandon/Vidal chez Delcourt
© Galandon/Vidal chez Delcourt

Entre drame judiciaire et enquête paranormale, l’avocat providentiel ayant le don de parler à une corneille, qui elle est une porte d’entrée sur bien des témoins non-humains, Galandon et Vidal signent une drôle de fable qui ne sert pas la soupe à l’être humain, imbu de lui-même et de sa position de force sur la pyramide alimentaire et bien plus encore. Un Homme (les femmes se montrant un peu plus sensibles dans ce récit, celle du juge ayant trouvé le moyen de lutter sans trop faire face à son dikkenek de mari, la discussion ne servant à rien) qui ne se laisse pas faire quand il sent que la situation s’échappe et lui fait mal à l’égo. Attaque, contre-attaque, défense, contre-défense, les auteurs réussissent quelques surprenants rebondissements, jusqu’à en commettre un qui m’a laissé un peu pantois. Entraînant un autre procès un peu trop capillotracté. Dommage car, outre ce passage un peu too much, le final est implacable et son clin d’oeil assaisonne cette folle histoire de deux morales : ce n’est pas la justice qui est insensée, c’est ce que les hommes en font, et on aurait tort de ne pas enfin écouter la nature et les êtres qui y vivent, comme nous, sur un pied d’égalité… que les humains ont pourtant décrété piédestal.

À lire chez Delcourt.

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