Pas de carré blanc sur les cases hautes en couleur du Tiroir: une ribambelle de femmes fortes dans leur formes et leur érotisme de Di Sano, Luguy, Nico et Wasterlain

André Taymans avait lancé le mouvement (avec Poses et Miss Tattoo), quatre auteurs poursuivent le geste érotique, féminin et d’une gracieuse liberté. Dans un format carré qui n’entrave pas les jolies courbes, dans tous leurs états et sous toutes les formes, Bruno Di Sano, Marc Wasterlain, Nicolas Van De Walle et Philippe Luguy étoffent cette collection d’art-book et de pin-up évoquant leurs séries, les poursuivant et, justement, s’en évadant pour laisser aller la créativité. Hors cases, hors cadre, en tirages limités et signés. Petite présentation de ces gentes dames qui n’ont pas froid aux yeux, ni ailleurs.

© Luguy aux Éditions du Tiroir

Commençons avec Carnet de dames, de Wasterlain, magicien de la BD, créateur du Docteur Poche, de Ratapoil, des Pixels, de Tucker (sa dernière nouveauté en date, partant à la conquête des étoiles, aux Éditions du Tiroir également) et de Jeanette Pointu. Wasterlain, c’est un dessin touchant par son côté et ses couleurs assez enfantins, qui rendent tous les rêves possibles en fait, sans limite, lui permettant de passer dans bien des genres sans s’y enfermer. Y compris, donc, des ouvrages un peu plus osés, comme celui que je tiens dans les mains. Hommage à la beauté sincère et naturelle, avec des bouts plus ou moins grands d’étoffes, de toutes les femmes du monde. Loin des podiums et du nombre d’or, érotiques pas porno.

© Wasterlain aux Éditions du Tiroir
© Wasterlain aux Éditions du Tiroir
© Wasterlain aux Éditions du Tiroir

Mises en page par André Taymans, ces demoiselles modernes ou vintage, plutôt pop, BCBG, mondaine ou metal, ébouriffées ou bien coiffées, prenant la pose (lascive) ou surprises, à tout âge, permettent à l’auteur de se constituer une jolie tribu échappant au type de femme que représentent à l’infini beaucoup d’auteurs, de leur propre aveu (Dany, Walthéry qu’on attend forcément dans ce genre de collections, etc.). Un dessin, une émotion, une sensation, une poésie, et cette impression reconduite à chaque modèle, que si elles sont tentatrices, elles ne sont pas pour autant facile. Il y a une force de caractère qui en émane, on n’en fera pas ce qu’on veut.

© Wasterlain aux Éditions du Tiroir
© Wasterlain aux Éditions du Tiroir
© Wasterlain
© Wasterlain

Et c’est un peu la ligne directrice de cette collection, de tempérament. Dans Les conquérantes, Nico Van De Walle poursuit l’univers médiévo-féministe qu’il développe dans la série Adelin & Irina, dont je vous ai déjà dit tout le bien que je pensais précédemment. Une série qui cultive la force et le pouvoir des femmes, qu’elles soient bonnes ou vilaines, et dans laquelle les hommes n’ont qu’à bien se tenir.

© Van De Walle aux Éditions du Tiroir
© Van De Walle aux Éditions du Tiroir
© Van De Walle aux Éditions du Tiroir

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Naturellement, dans les histoires, pas le temps de lambiner, encore moins quand on allie humour et aventure. Il n’y a pas de phase arrêtée, pas de pause ou de pose, pas de possibilité d’entrevoir les coulisses, les vacances, les moments où les héroïnes profitent vraiment de leur Home Sweet Home, sans que le lecteur n’attende un rebondissement de plus. Alors, comme l’armure, les cottes de mailles et les bonnes ou mauvaises intentions pèsent lourd, Nico en débarrasse ses guerrières et leur autorise des tenues légères, sans pour la cause lâcher quelques champs de bataille. Là encore, peu importent les conventions clichées données par le monde de la mode et du papier glacé, toutes les femmes sont belles, tenant à l’écart les complexes mais aussi la masculinité vicelarde. Arbalète ou épée sont toujours plus près de leurs couches que leurs culottes ou soutiens-gorge. Dans le plus simple et le plus bel appareil, mais toujours sur leurs gardes, ces nymphes ou ces démones.

© Vandewalle aux Éditions du Tiroir
© Vandewalle aux Éditions du Tiroir
© Vandewalle aux Éditions du Tiroir

De nymphes, d’elfes, de créatures magiques et cette fois insoupçonnées du commun des mortels, il en est question dans le troisième opus que je vous présente: Traits d’ailes de Philippe Luguy. Lui aussi actif dans l’épopée médiévale-fantasy, avec Percevan que les Éditions du Tiroir ont relancé avec succès et bonheur, Luguy est un grand observateur de la faune merveilleuse qui nait de la rosée, dans les nénuphars ou sous les feuilles mortes.

© Luguy aux Éditions du Tiroir
© Luguy aux Éditions du Tiroir
© Luguy aux Éditions du Tiroir

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Ces autres petites femmes, pourvues d’ailes dans le dos et de pouvoirs magiques, vivant d’amour, de volupté et d’eau fraiche, Luguy nous en fait les témoins privilégiés, loin de la pollution des villes, au creux d’une mère nature qui n’a pas livré tous ses secrets et sur laquelle on peut donc projeter quelques fantaisies, à travers les saisons, de l’esquisse aux couleurs, aux effets spéciaux, en passant par différentes techniques et matières. Ici, centaures, pégases, licornes vivent en toute insouciance, et on ne se lasse pas de contempler le beau bal de ces créatures en tenue d’Ève. Des anges passent et on ne se lasse.

© Luguy aux Éditions du Tiroir
© Luguy aux Éditions du Tiroir
© Luguy

Retour au bruit de la ville, avec ce dernier album qui a la particularité de guider le lecteur (là où jusqu’ici il pouvait s’inventer son propre récit et le vécu des pin-ups rencontrées jusqu’ici) dans une vraie narration. Le dernier jour de la vie de Pamela Sue, de Bruno Di Sano avec la bénédiction de Mythic et Walthéry, c’est en quelque sorte la quinzième aventure dans l’univers de Rubine (plutôt discrète, en fait), en mode hors-série, avant un album qui, dit-on, serait réalisé par Nico Van De Walle (oui, celui d’en haut, actuellement occupé sur le spin-off de Caroline Baldwin).

© Di Sano aux Éditions du Tiroir
© Di Sano aux Éditions du Tiroir
© Di Sano aux Éditions du Tiroir

Résumé des Éditions du Tiroir : L’assassin de Pamela Sue, l’actrice américaine, court depuis plusieurs années. Toutes les enquêtes ont échoué, avec le temps, ses admirateurs sont passés à autre chose. Pourtant, selon le directeur de l’hôtel le Blue Flame, à chaque date anniversaire de sa mort, une fan absolue vient revivre la dernière après-midi de la vedette sur le lieu même de la tragédie… avant de disparaître à nouveau.

© Di Sano aux Éditions du Tiroir

C’est, à peu de choses près, dans une même unité de lieu et de temps, dans un mouchoir de poche que Bruno Di Sano compose cette enquête vécue de l’intérieur, autour de la piscine et des pépées qui, pour le coup, ont complètement chassé le naturel. Ce ne sont pas Monsieur et Madame tout le monde qui côtoient le Blue Flame. Si la vie là est menée grand train, grand luxe, dans cette bulle entre-soi, on n’y est pas moins à l’abri des rancoeurs et de la folie du monde. D’autant plus qu’un bikini et des lunettes solaires ne font qu’une maigre carapace pare-balle. Pamela Sue en a fait l’amère expérience, post-mortem. Au milieu des fantômes et du paraître, Bruno Di Sano livre un album vraiment à part en proposant ni plus ni moins que l’histoire et son making-of dans un même temps. Au fil des pages, si l’on sait que l’histoire continue, s’étoffe, on ne sait pas sur quoi on va tomber : une planche terminée, une esquisse, les mots d’un scénario et des croquis, des photos documentaires intégrées, des recherches et des études de personnages. C’est surprenant mais ça donne un supplément d’âme à cette histoire assez courte qui trouve le bon format et un déroulé complètement inédit, toujours sexy.

© Di Sano aux Éditions du Tiroir
© Di Sano aux Éditions du Tiroir

Quatre albums à découvrir aux Éditions du Tiroir.

Et ça continue en dédicaces!

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