
Se mettre à table, l’expression revêtira deux significations selon le lieu où vous vous trouvez. Dans le grand banditisme ou dans un restaurant étoilé ou ne payant pas de mine. Dans Une table pour 2, Giuseppe Manunta s’amuse à croiser les deux en mélangeant les genres, les mondes et des caractères bien trempés. Entre vaudeville et Mission:Impossible.

Résumé d’Une table pour 2 par les Éditions Félès : Les turbulents Rosa et Marino sont les enfants jumeaux de l’un des plus grands chefs étoilés au monde, Gustavo Sapori. Il a disparu depuis de nombreuses années, après avoir dérobé une importante somme d’argent à un parrain de la mafia napolitaine dont il était le cuisinier privé. Les jumeaux, placés sous le régime de protection des témoins, décident de récupérer le ricettario de leur père, oublié dans la villa du boss. Ce livre de cuisine doit leur permettre de saisir la chance de leur vie car ils briguent une place de chef au sein de « L’International », un restaurant gastronomique parisien de haut vol.

Auteur tout-terrain, allant voir du côté de Sherlock Holmes, d’Indiana Jones, de zombies, de l’érotisme ou des pionnières de la course automobile, Giuseppe Manunta a toujours un faible pour la cuisine. À l’Italienne, qui plus est. On ne trahit pas comme ça ses origines, un bon dîner, ça réunit même les plus réfractaires. Giuseppe aime mitonner des récits gastronomiques à la croisée des chemins, pour une dernière tentative de réunir une famille désunie, par exemple. Déjà en 2019, avec le très chouette Dîner de Noël. Le voilà qui récidive à la pointe de son cocktail d’action et d’émotion, de séduction et de duperie, de complot politico-mafieux, de course-poursuite, d’amitiés profondes et de concurrence acharnée. De snack mangé sur le pouce à des tables de grand luxe.

Dans Une table pour 2, le jour J est arrivé, une place au pavillon italien vient de se libérer à L’International, un restaurant parisien dont chaque étage propose un voyage, avec sa propre brigade et son chef, racé. Comme Gustavo, leur papa, y a officié, avant d’accepter une proposition qui ne se refuse pas, Rosa et Marino en ont fait, à leur tour, leur rêve. En Irlande ou en Grèce, les jumeaux ont vite appris la nouvelle. Pas, de concert, ils sont brouillés, se sont frittés, sur toute la ligne. Et chacun entend bien passer le concours haut-la-main sans laisser la moindre chance à l’autre. La fraternité a laissé sa place à l’inarrêtable combat de coqs.

Pas de chance: s’ils espéraient ne jamais se retrouver au bord de la route (en partant vivre à plusieurs milliers de kilomètres l’un de l’autre, sous un régime de protection de témoins qui ne les autorise pas à quitter le territoire, qui plus est, c’était plutôt bien joué), ils ont eu la même idée pour mettre toutes les chances de leur côté. Dérober le ricettario d’il papa! Une simple formalité… sauf que le carnet de recettes « à tomber » est resté… dans le repère napolitain du truand qui a juré leur mort. Le délai imparti ? Un mouchoir de poche! Le temps de laisser le duo de sélectionneurs de L’international, qui sillonne les villes italiennes et arrivera d’ici quelques jours dans la région de Naples. Autant dire que ça a tout l’air d’une mission suicide, pimentée comme il faut, explosive même.


Car dans cette course contre la montre et contre son jumeau, Giuseppe Manunta nous soigne aux petits oignons. Il (et les Éditions Félès) s’en laisse l’espace, 150 pages pour prendre le contre-pied d’une couverture calme et contemplative, impressionniste si ce n’est ce rouge qui coule et laisse présager la mort. En tissant les progressions de chacun en parallèle, Giuseppe Manunta jongle avec les décors, avec ce qu’il donne à savoir de ces deux héros et leurs rêves, avec leurs rencontres hautes en couleurs et des personnages bien typés mais qui peuvent toujours plus nous surprendre. Il y a quelque chose de spontané dans ce récit, les héros, leurs acolytes et leurs opposants sont tellement imprévisibles que nul ne sait où ils nous emmèneront. Alors, comme à vélo, on y va à l’aspiration, on déguste, on prend son pied tant Manunta a cette vitalité dans le crayon et les couleurs, dans l’action comme dans les moments de discussion posée. Le tout en s’inscrivant dans des valeurs universelles: le bon repas qui fait tout oublier même avec le plat le plus simple du monde, la saine concurrence, l’entraide, le droit de se réaliser au-delà de l’ombre de ses géniteurs…


En bonus, en guise de générique, l’auteur nous livre quelques-unes de ces bonnes recettes. Mais restez bien jusqu’à la fin du livre, il y a encore des surprises. Succulent.

Notons encore qu’il y a quelques jours Giuseppe Manunta a été récompensé lors du festival Bédéciné d’Illzach.
À lire chez Félès.
Merci Alexis !
C’est toi qui devrais rédiger nos communiqués de presse.
Ta critique est tellement alléchante : elle m’a donné envie d’acheter un livre que j’édite !
Hi, hi. Le comble.