
En piste ! Si la BD, comme tous les autres médias, a fourni un beau lot de potiches faire-valoir au fil des décennies, les histoires comme les moeurs ont évolué. Si les télévisions ont encore du mal à valoriser les équipes féminines des sports phares, tout au long de l’année (si ce n’est quelques exceptions comme le tennis), la fiction, elle, aime de plus en plus dresser les portraits d’héroïnes d’hier et d’aujourd’hui. Parfois injustement oubliées. Comme Hellé Nice, née Mariette Hélène Delangle, une des incarnations fortes et fougueuses des années folles.


Résumé de l’éditeur : Hellé Nice est une pilote automobile de l’entre-deux-Guerres, née le 15 décembre 1900 à Aunay-sous-Auneau. La fin de sa vie, à Nice, en 1984, dans la pauvreté et l’indifférence générale, s’inscrit en contraste avec la flamboyance de ses exploits sportifs et de ses spectacles osés des années folles. Le 2 juin 1929, Hellé Nice avait remporté sa première course de Grand-Prix féminin sur l’Autodrome de Linas-Montlhéry. Le 2 décembre, sur le même circuit, elle avait atteint―au volant d’une Bugatti Type 35C- la vitesse de 194 km/h de moyenne sur les 10 tours de l’épreuve. À son palmarès : un nouveau record du monde de vitesse féminin officiel l’année suivante. Les grands prix nord-américains et brésiliens, contre des hommes, ne lui faisaient pas peur, bien qu’il se fût agi des meilleurs pilotes du moment. Après la guerre, elle fut injustement dénoncée comme collaboratrice. Tous ses sponsors et ses amis se détournèrent alors d’elle.


Décidément, voilà le deuxième album que je lis en l’espace de quelques jours sur une damnation injuste et qui mit tant de temps à être réparée sans jamais que sa cible ne s’en remette. Après Fatty, place à Hellé Nice. Deux destins complètement différents mais ayant en commun ce goût de révolutionner leur monde, avec audace et talent, et d’avoir été victime de mauvais procès.


Hellé Nice, en un temps record, a vécu mille vies : muse d’un peintre parisien, danseuse, effeuilleuse, aventurière et pilote. Elle en a profité à fond, pas à une sortie de route près, embardées qui pour elle se sont révélées sans incidences mais qui ont pris la vie de bien autre. Galvanisée par la vitesse, dans un monde d’hommes qui rigolaient bien de cette conductrice têtue, Hellé Nice a joué crânement sa chance et montré ce qu’elle avait sous le capot, bien plus loin que ce que son spectacle de strip-tease pouvait dire d’elle en superficielle.


Femme entière qui préférait faire fi des drames qui l’entouraient (à commencer par une famille qui aurait préféré qu’elle reste à sa place) et de ceux dans les bras desquels elle ne voulait se retrouve, pour atteindre son heure de gloire, Hellé Nice fut pourtant trahie, sa carrière fut cassée, à cause d’un homme dont la parole était plus forte que la sienne. La vengeance est un plat qui se mange froid.


Dans sa vie tourbillonnante, moteur vrombissant, liberté hurlant, comme dans les heures les plus sombres, damnées, Giuseppe Manunta trouve dans l’épopée de cette coureuse de rallye un vrai terrain de jeu, spectaculaire et flamboyant. L’auteur alsacien s’empare de ce destin de femme, idée soufflée par Blandine Lanoux, son éditrice, avec grâce et fort tempérament, en trouvant toujours ces couleurs qui donnent un supplément d’âme aux photos du passé, déchirées, oubliées. Datées mais rendues inoubliables par ce travail sexy et léché, aventurier et féministe.


Notons que cette figure forte en elle-même, fragile dans ce monde d’hommes qui ont le dernier mot, fait aussi l’objet d’un luxueux travail de la part de Marion Bossenec et Lionel Lucas qui préparent un roman illustré par Marine Franiatte et Yannick Bourgoing aux éditions Runner. À suivre par ici : fb.com/groups/rugissante
Titre : Helle Nice
Sous-titre : Une vie en vitesse
Récit complet
Scénario, dessin et couleurs : Giuseppe Manunta
Genre : Biographie, Drame, Sport moteur
Éditeur : Félès
Nbre de pages : 136p.
Prix : 23€
Date de sortie : le 20/11/2021