
Des chasses aux géants, on en a vu dans d’autres contrées, à d’autres époques, mais rarement dans la poussière soulevée par les chevaux des cow-boys. Car le western se prête plutôt pas mal au récit fantastique voire horrifique même s’il est sous-exploité (en-dehors de quelques séries Z) dans le domaine. Après Bone Tomahawk ou Voraces au cinéma, Jackal en BD format paperback ou The Frontier tout dernièrement en comic book cuisiné à l’italienne; Sylvain Runberg, David Dusa, Stéphane et Juliette Créty ainsi qu’Elvire De Cock se lancent sur cette piste, infernale.

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Résumé du tome 1 de Nephilims par Le Lombard : Arkansas, 1864. Tandis que résonnent les canons de la guerre de Sécession, un bataillon nordiste entièrement composé de soldats afro-américains se voit assigner une mission d’un genre un peu particulier : escorter une expédition scientifique au coeur des monts Ozark. Pour cela, ils devront survivre aux balles sudistes, aux attaques d’ Amérindiens alliés aux confédérés et encaisser le racisme de leurs nouveaux « protégés ». Mais dans les entrailles ancestrales de ces montagnes, une menace nouvelle se réveille. De celle qui s’attaque à tous les hommes, sans distinction…

« Des touristes en zone de guerre », voyez-vous ça!? Y’a pas à dire pour le capitaine Jackson et ses hommes, ça n’a rien d’un cadeau, c’est une punition. D’autant que ces Afro-Américains en tuniques bleues ont l’habitude d’être mal récompensés de leurs actes héroïques. Accompagner ces hommes blancs, érudits et pourtant racistes, comme s’ils n’avaient que ça à faire, à penser; comme si survivre en ce milieu hostile ne les occupait déjà pas assez. Le motif, vous le voulez? Une chasse aux géants, sur base d’une carte fournie par un trappeur porté sur la bouteille. Tout ça tient du canular qui ne motive que les naïfs dans cet enfer que peut être l’Arkansas en guerre.


En mêlant les milieux et les genres, Sylvain Runberg et David Dusa ont composé un premier acte dans lequel le danger peut venir de partout. Des hommes, de la nature (majestueuse) ou de quelque chose de non-identifié jusque-là. Qui peut valoir la gloire et son nom dans les manuels d’histoire et de sciences, ou la mort! Dans cette course en avant doublée d’une traque, avec ce qu’il faut d’Indiens embusqués en éclaireurs pour les Sudistes ou appartenant à un peuple n’appréciant pas trop avoir de la visite (encore plus si elle malveillante), ce premier tome de Nephilims – mot consacré par la Bible et qui a été traduit de plusieurs manières, « géants », « violents », « ceux qui tombent » – donne une autre vision de la guerre de Sécession. Une vision panoramique et dantesque avec un ennemi supplémentaire, caché jusqu’à la fin. Un ennemi de taille…

En territoire des hommes, avant tout, avant une poignée de planches finales qui basculent dans autre chose de dément, les Créty père et fille donnent de l’ampleur à ce monde revisité. On a beaucoup vu Stéphane dans le monde des Orcs, Gobelins, Nains et autres Mages, liste non exhaustive, et Juliette, sa fille, marche dans ses traces depuis quelques albums. Des géants, donc, ça ne leur fait pas peur. Mais à nous, si. C’est qu’ils nous feraient flipper. Mais, avant ça, la mission est déjà remplie, puisque le duo donne du rythme et de la profondeur au jeu d’approche des uns et des autres, avec des gueules et des tempéraments de feu, avant que tous ne se retrouvent dans la souricière. Elvire De Cock termine le travail avec des couleurs qui brûlent la terre de sang et de superbes ambiances pour marquer la frontière entre le monde des scientifiques guindés, celui des militaires qui n’ont plus rien à perdre, la nuit qui rend tout possible et, enfin, l’action finale, infernale.


Nephilims commence de belle manière, nous prenant en otages à la fin, car nul ne sait ce qu’il va se passer. Le « cut » est un peu frustrant mais vu la rapidité des dessinateurs à enchaîner les albums (le prochain est attendu pour le printemps), on ne patientera pas des années pour avoir la suite de cette légende inquiétante.

À lire chez Le Lombard.