Animal Farm, une création intelligente et atypique de Thierry Debroux d’après George Orwell, à voir en famille jusqu’au 10 décembre au Théâtre Royal du Parc

Après 1984, le Théâtre Royal du Parc nous propose une adaptation musicale de l’autre roman bien connu de Georges Orwell, Animal Farm. Une dizaine de comédiens, de chanteuses et de chanteurs vous entraînent dans cette ferme où les animaux ont chassé les hommes pour finalement reconstituer une société encore pire que la précédente. Une oeuvre qui n’a pas pris une ride et apparaît toujours aujourd’hui comme d’une brûlante actualité.

Animés par les idéaux d’un vieux cochon dénommé Sage l’ancien des animaux décident de se révolter contre leur maître, M. Jones, dans l’espoir de mener une vie autonome dans l’égalité, l’entraide et la paix pour tous.

La ferme passe alors sous le contrôle des animaux et est dès lors gérée dans le respect des sept commandements qui prônent le pacifisme tout en définissant les spécificités des animaux, présentées comme une richesse. L’ennemi est clairement désigné : l’homme doit disparaître du lieu, une cohésion doit se créer entre les bêtes et se renforcer autour de la menace humaine.

Très rapidement, les cochons forment une élite et sont amenés à prendre le pouvoir, asservissant les autres animaux. Ils utilisent leur intelligence supérieure pour manipuler les craintes et modifier le passé à leur avantage. Les idéaux sont très vite dénaturés, les principes généreux insensiblement dévoyés. Un dictateur émerge, chasse son principal rival, puis exécute les « traîtres » pour asseoir son pouvoir de plus en plus hégémonique. Il instaure un culte de la personnalité, maintient ses congénères en état de soumission et les épuise par un travail harassant.

Ce maître, devenu tout puissant avec l’aide des chiens et des autres cochons, continue à leur faire miroiter le même espoir, mais leur fixe un objectif inaccessible tout en leur promettant sans cesse une vie meilleure afin de les maintenir dans cette utopie. Les années passent et l’ouvrage s’achève sur un constat amer pour les autres animaux asservis : plus rien ne semble distinguer les cochons de leurs anciens maîtres.

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Il faut bien reconnaître que Thierry Debroux n’a pas son pareil lorsqu’il s’agit d’adapter des classiques jugés inadaptables pour le théâtre. Ce fut déjà le cas avec 1984 du même Orwell dont son adaptation pour les planches fut brillante et étonnante, et cette fois il remet le couvert pour Animal Farm en nous proposant une pièce atypique, entre farce musicale et apologue dramaturgique acerbe revenant à l’essence même du roman de l’auteur. Tristement intemporelle, cette critique métaphorique de la dérive totalitaire résonne hélas comme terriblement actuelle au jour d’aujourd’hui au vu de l’actualité internationale.

L’homme ne cessera t’il jamais sa quête de domination et de pouvoir à tout prix ?

Mais revenons-en à la pièce qui lors de la première de ce jeudi, en présence de sa majesté le Roi Philippe et ses enfants, fut ovationnée pendant plus de trois longues minutes par un public très diversifié. Car cette création peut se voir en famille, forte qu’elle est de deux lignes de lecture, l’une accessible aux enfants tel un conte animalier, l’autre renvoyant les adultes face à eux mêmes et aux travers de l’histoire de l’humanité.

On sort du spectacle partagé entre deux sentiments, celui d’avoir passé une excellente soirée face à un spectacle bluffant, et celui de ne pas retrouver totalement le souvenir choc qu’avait suscité en nous la lecture du roman. Mais rassurez vous, le positif l’emporte grandement sur la comparaison inévitable que chacun fera indubitablement avec ses souvenirs personnels de la découverte du roman, pour ceux qui l’ont lu.

Par ailleurs, Animal Farm, la pièce, est servie par un casting impeccable de comédiens, de chanteurs et de danseurs où l’on retrouve quelques piliers du théâtre belge comme Guy Pion (Beau parleur), Thierry Janssen que sa voix de stentor rend parfait dans ses personnages de Sage L’Ancien et du fermier Pilkington, Fabian Finkels  comédien-chanteur dont les multiples talents sont une fois encore admirablement mis en exergue (Boule de Neige), Béatrix Férauge (Fleur de Trèfle), Manuel Chemla (Hercule), Emmanuelle Lamberts (Eglantine), David Pion (qui campe un César implacable), Gaspard Rozenwajn (incroyable Le Rat !), Malika Temoura (Moïse), Hélène Philippe (Molly), Guillaume Druez (Mr Jones) et Camille Decock (Muriel). Sans compter les chats et moutons incarnés en alternance par des jeunes talents.

Comme toujours au Théâtre Royal du Parc, l’équipe de création artistique et technique a fait des miracles.

La scénographie est inventive, les costumes très réussis et les masques impressionnants très à propos, le tout sur une musique de Laurent Beumier et des chorégraphies dEmmanuelle Lamberts.

Animal Farm risque peut-être d’en désarçonner certains par son originalité et son mélange de genre, mais séduit indiscutablement par son adaptation ambitieuse et atypique qui ramène l’oeuvre d’Orwell accessible à tous.

Et sur ce plan, quel bonheur !

Jean-Pierre Vanderlinden 

ANIMAL FARM de Thierry Debroux d’après George Orwell

10.11.2022 > 10.12.2022

Avec Manuel Chemla, Camille Decock, Guillaume Druez, Béatrix Ferauge, Fabian Finkels, Thierry Janssen, Hélène Philippe, David Pion, Guy Pion, Gaspard Rozenwain, Malika Temoura et les enfants en alternance Maxime Clause, Ava Debroux, Lily Debroux, Dario Delbushaye, Issaäh Fiszman, Martin Georges, Eledwen Janssen, Laetitia Jous, Lilya Moumen, Jannah Tournay, Babette Verbeek

Mise en scène Emmanuelle Lamberts et Thierry Debroux

Assistanat Catherine Couchard

Scénographie Vincent Bresmal et Matthieu Delcourt

Costumes Béa Pendesini

Musique originale Laurent Beumier

Lumières Xavier Lauwers

Maquillages et coiffures Florence Jasselette

Chorégraphie des danses Emmanuelle Lamberts

Chorégraphie des combats Emilie Guillaume

Infos et réservations : https://www.theatreduparc.be/

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