Entre chiens et chats, crocodiles et lapins, Lapuss’ et Le Goum s’amuse Comme des Bêtes : « Le langage n’est pas le même, les gags du dessin animé ne fonctionnent pas forcément en BD et vice-versa »

Un vendredi pas comme les autres, il y a un mois, dans une grande librairie de Charleroi. Deux clients, comme des gamins dans un magasin de jouets, cherchent, parmi les rayons pleins à craquer de centaines de nouveautés, l’album tout chaud dont ils sont les auteurs. Il sera sans doute écoulé à plus d’une centaine de milliers d’exemplaires dans le monde (une vingtaine de traductions). Les auteurs de BD ne sont pas comme les stars du rock ou du cinoche. C’est dans l’anonymat le plus complet que Lapuss’, le Carolo, et Le Goum, le Taminois, trouvent le présentoir sonore (une petite pression et une horde de chiens aboiera) mettant en valeur le premier album BD de Comme des Bêtes aux Éditions Dupuis. À l’instar des Minions…dont Lapuss est également le scénariste, avec le dessinateur bouffalonien, Renaud Collin.

Max le jack russel, Ozone le chat sphynx (avec une frimousse de méchant comme on n’en avait plus vu depuis longtemps), Pompon le lapin machiavélique et leurs amis de tous poils, plumes et écailles sont les stars des écrans cet été, notre duo de bédéastes a accepté le défi de les adopter. Longue interview, au poil.

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Lapuss’ et Le Goum

Bonjour à tous les deux, comment vous êtes-vous retrouvés sur ce projet qui va connaître un destin international.

Lapuss’ : Je signais déjà Les Minions, dont j’étais déjà content de m’occuper, pour Dupuis quand on me l’a proposé. J’étais partant, mais j’ai accepté avant d’avoir vu le film. La bande-annonce en donnait une certaine idée… faussée. Je pensais que les animaux resteraient muets. J’avais déjà réfléchi au truc avant de me rendre compte que, non, ils parlaient.

Le Goum : Moi, je pensais que c’était une succession de gags. L’histoire se suit quand même.

Lapuss’ : Et encore plus dans le second film qui, d’après la bande-annonce – nous n’avons rien vu de plus -, a l’air de rassembler cinq histoires différentes. Ce n’est pas un film à saynètes. En tout cas, j’adorais les Minions et on retrouve le même humour dans ce film du même studio.

Le Goum : Nous sommes tous les deux des fans de dessins animés et de jouets. Par rapport à Comme des Bêtes, je ne m’attendais pas à être aussi familier de leur style.

© Le Goum

Lapuss’ : C’est vrai que tu les as vite chopés.

Pourtant, on n’avait jamais vraiment vu des animaux aussi diversifiés comme héros de vos albums, si ? Tout au plus un Marsupilami, des lapins pour Abracadabra.

Le Goum : Je les aime bien ! Mais c’est vrai que je n’avais jamais proposé de projets mettant en scène exclusivement ou presque des animaux. Mais ça fait longtemps que je les travaille. J’ai un carnet de croquis spécialement dédié aux animaux. Après, il y a des subtilités. Ozone, le sphynx, se déplace moins comme un chat que comme un lézard. Il bouge en ondulant le corps.

© Le Goum

Lapuss’ : Je pense qu’Ozone n’est plus dans le deuxième film. On ne le voit pas dans la bande-annonce. Comme les frères des gouttières Dommage, Ozone mériterait un film à lui tout seul.

Quand vous avez planché sur ce premier album, il était d’emblée question d’en faire une succession de gags ?

Lapuss’ : Oui, nous étions obligés. Mais nous étions dans le flou. Pour le deuxième tome, en préparation, encore plus : il nous fallait imaginer les aventures des personnages et coller au film en ne pouvant se caler que sur le trailer.

Sans documentation ?

Lapuss’ : Nous avons reçu un dossier complet en pdf sur les personnages mais, visuellement, il n’y avait pas grand-chose.

Le Goum : Il n’y avait même pas de modèle 3D que j’aurais pu triturer dans tous les sens. J’ai dû faire des recherches. Faire des arrêts sur images dans le film.

© Le Goum
© Le Goum

Lapuss’ : D’un autre côté, c’est normal, le Studio fait tout pour que rien ne fuite. Mais moi, je voulais bien signer une clause dans le contrat pour ne rien dire ! (rire)

Vous, Lapuss, vous aimez bien les animaux !

Lapuss’ : Oui, par l’intermédiaire de Putain de Chat mais aussi du Piou. D’ailleurs avec Baba et Tartuff, nous en avons récupéré les droits. Nous planchons sur la suite, à notre rythme comme aucun éditeur n’est de la partie, pour l’instant. J’aime les animaux car ils sont plus expressifs. Baba est un spécialiste dans les caricatures qu’il arrive à leur faire faire.

Le Goum: Tout le monde peut se reconnaître dans les animaux. Je n’en suis encore qu’aux premières dédicaces mais les enfants sont à fond sur le lapin qui se découvre un destin de super-héros dans le deuxième film. Bien sûr, nous avons intégré ça à notre second album.

Lapuss’ : Ah, les dédicaces. Ça m’angoisse. Autant, j’ai trouvé le truc avec Les Minions. Autant les animaux de Comme des Bêtes, je n’arrive pas encore vraiment à les dessiner. En fait, je suis un dessinateur qui n’aime pas dessiner, un dessinateur-fainéant. J’aime prendre le temps pour une petite illustration, c’est plus du design. Dans un Tchô, pour une planche de gag, j’avais fait une première case nickel. Après quoi, je l’avais copiée-collée pour minimiser mon implication. C’était horrible, je me demande comment cela a pu être publié !

Je ne tiens pas la longueur d’un album en tant que dessinateur.

© Lapuss’
© Lapuss’/Le Goum chez Dupuis

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les enfants, c’est le meilleur public pour les dédicaces.

Le Goum : Oui, j’adore ça. Je me suis rendu compte que, souvent, ils sont fans de dessin et dessinent déjà. Certains ont déjà un style, sans qu’ils ne s’en doutent. Je les encourage à continuer. Le dessin, c’est un art génial pour s’exprimer quand tu n’as pas envie de parler. Je sais de quoi je parle. Ça m’a aidé à me libérer. Je pense que le talent se repère dès le plus jeune âge.

Puis, les enfants posent souvent des questions plus intéressantes que les parents. Ils ne nous demandent pas combien ça paie. Les gamins mettent le doigt sur d’autres choses, des détails.

Le Goum, tu parlais du lapin, il y en a beaucoup dans le monde de la BD ou de l’anim. Bugs Bunny, les Lapins Crétins…

Le Goum : C’est vrai. Je ne sais pas pourquoi. C’est peut-être une question de proportions sympas. C’est marrant visuellement. C’est peut-être aussi la carotte. Avec Pompon, j’ai encore agrandi ces oreilles par rapport au film. Pompon, il n’est pas que mignon. Il fallait qu’il le reste pour Universal. Même si j’aime aussi lui donner un côté plus crasse.

© Lapuss’/Le Goum chez Dupuis

Qu’est-ce qui fait le succès de Comme des Bêtes selon vous ?

Lapuss’ : La multitude d’animaux présents. C’est une valeur sûre. Des animaux de compagnie, tout le monde en a ou en a eu un, ou presque. Même des iguanes. Comme des Bêtes amène aussi un ton irrévérencieux. Les frères des gouttières crachent, ne sont pas polis, errent dans des égouts dégueulasses. On passe d’un Ozone qui est vraiment très sale à une fifille à sa mémère très girly.

Le Goum : Tous les animaux, je m’en rends compte en les dessinant ont quelque chose de sympa. Sauf, paradoxalement, peut-être Max, le héros qui est plus carré. Il n’a pas encore été demandé en dédicaces. Le basset aussi m’inspire moins. Duke, par contre, le corniaud de race indéterminée, je l’ai mieux en main sur le deuxième tome. Je travaille mieux mes couleurs aussi. Certaines planches du premier tome, je ne les aurais pas faites pareilles, à l’heure actuelle. Je pense être plus cohérent.

Naturellement, en acceptant cette mission, vous acceptiez le regard d’Universal. Et les corrections.

Lapuss’ : Ce qui est déjà le cas avec Les Minions. Et je peux y être réticent. Mais quand les corrections vont dans le sens de la lisibilité, ça me va. D’ailleurs, l’album est sorti en avant-première aux États-Unis sous forme de fascicules. Et j’ai été surpris par une chronique d’un Américain qui mettait le doigt sur une des corrections. Une correction que ne me plaisait pas trop mais que j’ai acceptée, et qui a payé. Cela avait permis au chroniqueur de mieux aimer l’album. C’est sûr, les équipes d’Universal connaissent mieux le marché américain que nous. Après, la succursale française est aussi intervenue. Le studio américain n’a pas la culture BD.

Cela prend du temps, par contre. Les gags restent en attente. Mais, cela fait plaisir quand on reçoit la note avec les commentaires de nos différents interlocuteurs qui sont emballés et trouvent une de nos idées très drôle. Ça rassure. Cela dit, je suis plus sensible aux mauvaises critiques qu’aux bonnes.

Y’a-t-il eu des gags supprimés ?

Lapuss’ : Sur les Minions, nous avons dû retirer tout ce qui était trop sanglant. Les cartoons sont élastiques, on ne peut pas mettre du sang partout. Dans la double-page des Minions dans laquelle Gru est dans un sale état, tout le sang a été gommé pour le public américain. C’est compliqué de parler de la mort. Un autre gag sous-entendant la mort a été mis de côté. Je me souviens d’un dessin animé qui voyait un gars se faire écraser par une grosse pierre et entraîner dans un ravin. La séquence se terminait par un cri, genre « tout va bien ». La mort, la nudité sont des sujets sensibles.

© Lapuss’/Le Goum chez Dupuis

Dans Comme des Bêtes, il nous a fallu supprimer un gag qui mettait en scène une ribambelle de chiens faisant la queue devant une maison. Chacun apportant un os. Et, à la dernière case, le lecteur comprenait toute cette excitation : une vieille bigleuse grattait à tour de rôle le dos des chiens en pensant qu’elle caressait le chien, qui lui empochait les os. On nous l’a refusé : prostitution canine. En y repensant, c’est vrai mais nous n’y avions pas pensé. Il y avait une double-lecture qui, inévitablement aurait été associée au fait de payer pour son plaisir.

Le Goum : Aussi, je dessine mes personnages sans contours. Du coup, ça m’a posé problème lorsque j’ai dû réaliser un os blanc dans la gueule d’un personnage blanc. J’ai donc voulu mettre l’os de travers comme si c’était un cigare. Mais, là encore, ça faisait mauvais genre. Nos relecteurs regardent à tout. Même un dentier trop crade n’est pas passé.

Lapuss’ : Cela dit, il n’y a pas eu tant que ça de refusés. Sur 65, actuellement, peut-être cinq ont été recalés. Notamment un gag avec un chat sur l’eau. Sous prétexte que ce n’était pas réaliste. Par contre, un lapin qui conduit dans le fourgon, comme dans le premier film, ça marche ! (Rires). Il a fallu faire gaffe à ne pas trop humaniser les animaux, en tout cas.

Le Goum: Dans mon cas, je m’attendais à plus de remarques. Il y a bien eu quelques ajustements. Comme sur la couverture. J’avais dessiné Pompon, le lapin, avec des dents dégueulasses, pleines de trous. Dans le même état qu’il figure dans l’album. Mais, pour la couverture, il fallait qu’il soit sur son 31, tout propre.

Lapuss’ : Il y a quand même eu un gag hyper-problématique, au niveau des codes utilisés. Dans une de nos planches, nous avions planté le décor près d’un pawn shop, un prêteur sur gage, avec en devanture une statue d’Indien. Un objet choquant en Amérique, vu comme hyper-raciste. Une représentation de la colonie. Ce n’est pas notre culture, nous l’avons fait innocemment mais on a dû passer pour des racistes. D’autant qu’on voit ça dans les films… d’un autre temps et parfois tournés dans une Amérique encore raciste. Dans la version finale, l’Indien a donc été remplacé par un clown.

© Lapuss’/Le Goum chez Dupuis

Le Goum : Autre exemple, le Chihuahua. Nous le faisions parler comme Antonio Banderas pour draguer. Et, à un moment, il était traité de tacos sur pattes ! Là encore, ce fut considéré comme raciste.

Lapuss’ : Il faut prendre ses précautions et on peut comprendre que le Studio se mette encore plus à l’abri. On l’a vu avec des exemples récents, si on se mange une polémique, enflée par les réseaux sociaux, l’empire peut vite s’écrouler.

Y’a-t-il eu des consignes ?

Lapuss’ : Non, ou alors une demi-consigne lors d’une première conférence avec Dupuis. Chaque personnage devait avoir sa minute de gloire. Sur le chemin de faire, nous avons essayé de répartir équitablement le chemin de fer. Max a trois gags, c’est le pilier de l’histoire. Mais il était plus facile d’imaginer les personnages de second plan en action.

© Le Goum

Comment se fait-il que l’on fasse appel à des petits belges alors que l’industrie du comics est quand même bien développée ?

Lapuss’ : C’est vrai, c’est une création belge, 100% carolo, du local. En animation, les Américains se tournent souvent vers les francophones comme Xilam. Ou du moins s’y intéressent. Puis, force est de constater que les auteurs européens commencent à avoir l’humour américain dans leurs gènes. Question de génération et d’influence. Du coup, on fait appel aux Européens. Mais le renouveau arrive. Cela dit, vu nos styles, nous avons déjà eu droit à des critiques disant que nos BDs n’étaient pas assez traditionnelles.

Puis, il y a un autre aspect : plus personne ne veut faire du gag. L’esprit s’est perdu avec la disparition des magazines. Avant, il y avait des gags dans les journaux, les pages télé des magazines, des revues dédiées à la prépublication… Aujourd’hui, il n’y a plus que Spirou ou presque. Si pour Goum, ça n’a pas été si facile, moi, j’adore ce format qui permet de raconter une histoire différente à chaque fois.

© Lapuss’
© Lapuss’/Le Goum chez Dupuis

D’ailleurs, en travaillant avec Kid Noize sur le deuxième tome de sa BD, j’ai eu du mal à m’y mettre. Je me suis rendu compte que je n’avais jamais réalisé d’histoire de fiction longue. J’ai eu du mal. Mais ça s’est bien passé. Nous sommes devenus amis, Kid Noize et moi, nous sommes fans des mêmes trucs, nous faisons les brocantes ensemble.

La BD, ça change du cinéma ?

Lapuss’ : Les gags du dessin animé ne fonctionnent pas forcément en BD et vice-versa. La BD n’est pas sonore, le langage n’est pas le même. Notez que nous bénéficions d’un présentoir sonore ! Dans le synopsis, le son, c’est limite un blanc. Puis, il y a la question du rythme, crucial. En BD, s’il n’est pas respecté, le gag tombe à plat. Il est très compliqué de faire une page entière où un personnage ne bouge pas.

Les Minions, eux, en plus ne parlent pas. Du moins, c’est ce qu’on croit. Certains lecteurs ont reproché à Renaud et à moi qu’il n’y avait pas assez de « banana ». Parce qu’ils ont leur propre langage. Il a aussi fallu les sortir de leur base, les emmener dans l’histoire ou en tour du monde, pour le prochain album. Pour le sixième, nous voulions nous lancer dans une longue histoire. Mais ça nous a été catégoriquement refusé. Nous devons rester dans le créneau du gag. Le studio ne veut pas que notre album se substitue au dessin animé.

Quand vous créez ces gags, écrivez-vous pour les enfants ?

Lapuss’ : Non, jamais. Je veux mettre les lecteurs sur un pied d’égalité, que chaque public y trouve son compte. Avec un regard adulte. Pompon, c’est le plus petit, on se sent proche de lui. Mais lui se surestime, il se pense titan mais c’est un lapin blanc. Comme Ozone qui est frêle aussi mais a le lead des frères des gouttières.

© Lapuss’/Le Goum chez Dupuis

Du coup, il y a deux méchants dans le film.

Lapuss’ : Si je pouvais, je ne ferais que des méchants. Le héros existe uniquement quand le méchant est très bon. On ne retrouve plus cette dynamique dans les nouveaux dessins animés, et notamment les Disney. Dans la Reine des neiges, les méchants sont lisses. Il n’y a plus de méchants emblématiques comme on en a connu avec Jafar qui tenait Aladin, comme Scar (ndlr. deux personnages conçus par Andreas Deja) ou Hadès (ndlr. créé par Nik Ranieri). Des gens odieux. Aujourd’hui, on a rendu les méchants sympas. Peut-être aussi pour ne pas faire dans la discrimination, le retour de la bien-pensance. Tout le cinéma en souffre aussi. Avant, on n’avait pas peur de faire des méchants bien moches.

Ozone, c’est le retour de la mocheté. Et encore, il est ridicule. Il n’est pas si méchant que ça. Il reste mignon et sympa. Dans les gags que je lui ai dédiés, il y en a des vraiment mignons. Il représente un peu tous les chats. C’est mon personnage préféré. J’aime les personnages hors-normes. Il a le look d’un Gremlin, mais en moins méchant.

Le Goum : Il n’est pas facile à dessiner. Sa paire d’yeux est immense par rapport à son corps. Tu n’as rien d’autre auquel t’accrocher.

Comment le dessinateur que vous êtes cohabite-t-il avec le scénariste ?

Lapuss’ : Je procède par gain de temps. Je ne mets pas de cadrage, pas de rythme. Je pense qu’on sent moins le dessinateur dans les scénarios que le fan d’animation et de dessin.

© Lapuss’
© Lapuss’/Le Goum chez Dupuis

Et vous, Le Goum, là où vos précédents albums cultivaient un effet 3D, vous revenez à un dessin plus plat.

Le Goum : Et plus simple. Les films sont déjà en 3D, je voulais m’en distancier. C’est intéressant la 2D. J’ai testé plusieurs styles, certains plus poétiques que d’autres, avec des bulles floues. Je me suis arrêté sur la sensation de papier découpé, avec des ombrages notamment. Le tome 2 sera légèrement différent comme je l’ai dit.

Je suis un peu frustré par la vitesse à laquelle je dois travailler. C’est une commande, il faut aller vite. J’aime que le dessin soit propre, qu’il me plaise avant de rendre ma copie.

© Lapuss’/Le Goum chez Dupuis

Lapuss’ : Ah, moi, c’est l’inverse, j’aime passer à autre chose. Renaud (ndlr. Collin, qui dessine les Minions), je ne sais pas comme il fait. Il vient de réaliser le poster d’un bateau de pirates pour le prochain tome. Ça fourmille de détails. J’aurais mis un an à réaliser cette illustration. Lui a mis une semaine.

Mais, justement, être dans le cadre d’une licence, cela ne bride pas l’esprit de création ?

Lapuss’ : Je n’en ai pas l’impression. Mais il faut accepter de ne pas être les créateurs ou les initiateurs de cet univers. Nous sommes comme Johnny qui chantait les chansons que les autres lui écrivaient.

Vous êtes comme Charlie dans la chocolaterie, alors ?

Lapuss’ : C’est ce que j’aime. Je ne dis pas que je ne ferais que de la licence mais c’est là que je m’épanouis le plus. Je suis fan de culture populaire, d’animation, de jouets, de film… Et tout se retrouve, ici.

© Le Goum
© Le Goum

Et l’animation ?

Le Goum : Le monde de l’animation est d’une lourdeur abyssale. J’ai essayé, ça a mal tourné. Je n’en ai pas de bons souvenirs. Soit il faut arriver sur un projet qui a déjà fonctionné, soit il faut en être à la base et le construire de A à Z. Le problème, c’est quand il y a trop d’intervenants. Puis, c’est un monde fort fermé.

Je n’avais pas dans l’optique de faire de la BD. Je reviens toujours à l’animation, si ça marche en animation, ça marchera en BD. Ce que j’imagine bouge, même en BD.

Lapuss’ : Mon obsession totale, c’est que le dessin fonctionne sans les bulles, qu’on puisse comprendre sans lire. Là où beaucoup lisent désormais sans regarder.

Vous êtes parés pour une tournée des Tom&Co alors ?

Lapuss’ : C’est un marché juteux ! Blague à part, j’ai failli aller à la Comic Con de San Diego pour les Minions, ça ne s’est pas fait malheureusement.

Le Goum : J’ai été en séance de dédicaces au Zoo de Mulhouse. Il y aura pas mal de séances de dédicaces à la rentrée.

Lapuss’ : Puis, il y a des salons de chiens et de chats où les gens viennent avec des mygales, des iguanes… Ça pourrait être une opportunité de faire découvrir l’album. Mais ce n’est pas nous qui décidons de ces choses-là.

Les chats, vous les connaissez, Lapuss. Avec votre best-seller, Putain de chat, notamment.

Lapuss’ : C’est né de l’idée que je n’avais pas d’idée. Un matin, je n’avais pas de gag à partager sur ma page Facebook. Ça m’est tombé dessus en sortant de la maison. Je n’ai pas vu que mon chat s’était faufilé entre mes jambes et il m’a fait tomber. J’ai juré. Pu**** de chat. Puis, j’en ai tiré quatre cases dans lesquels je racontais le plan d’un chat pour tuer son humain. Ça a fait un million de vues. Tartuff, mon ami qui tient les Éditions Popcorn, m’a proposé de continuer et d’en faire des recueils. En quatre tomes, nous avons vendu 220 000 exemplaires. Mon plus gros succès.

© Lapuss chez Monsieur Popcorn
© Lapuss chez Monsieur Popcorn

Pas mal dans leur genre non plus, vos parodies : de Game of Crowns à Space Wars.

Lapuss’ : La parodie, c’est un exercice qui me plaît beaucoup. L’univers visité a déjà sa structure qu’il suffit d’adapter. Game of Crowns est publié en France et en Belgique. En Allemagne, aussi. Des pays où il y a un droit à la parodie. C’est un droit territorial, il n’en irait pas de même aux États-Unis. Mais à partir du moment où on change le nom. Pour l’anecdote, ce projet en collaboration avec Baba et Tartuff, je l’ai d’abord proposé à Casterman. C’est mon principe, quand j’ai une nouvelle idée, je la propose d’abord aux éditeurs dont je suis convaincu qu’ils refuseront. Ici, Casterman ne possédait pas de série du genre et pourtant ils nous ont suivis. On a vendu 10 000 tomes du premier tome.

Game of crowns © Baba/Lapuss’/Tartuff chez Casterman

Pour Space Wars, avec la même équipe, nous avons publié ça chez Monsieur Popcorn, petit éditeur très dynamique. Je suis sûr qu’avec un gros éditeur et ses leviers nous en aurions vendu dix fois plus.  Mais les éditeurs sont frileux, ils veulent l’instantané, ils cherchent des solutions pour parler au public le plus jeune.

Space Wars © Lapuss’/Baba/Tartuff chez Monsieur Popcorn
Walk of the dead © Lapuss’/Tartuff/Ztnarf chez Le Lombard

Il y a le webtoon, les versions portables mais la BD actuelle n’a plus rien de suffisamment moderne. Les parents fans de BD réfléchissent sur base des anciennes séries qu’ils lisaient. Le monde a changé, les gens lisent plus vite. Et il y a la puissance des réseaux sociaux qui peuvent rapporter gros s’ils sont bien utilisés. Mais les éditeurs n’ont pas encore vraiment intégré de community manager dans leurs équipes. Or, c’est un boulot à part entière. Il faut surfer sur les tendances, les hashtags. Tartuff le fait pour moi parce qu’il adore ça. C’est dingue comme de 100-150 personnes, tu peux passer à 55 000 personnes que tu touches. Mais il faut être régulier. Si tu oublies quelques jours, tu deviens moins visible.

D’autres envies ?

Lapuss’ : J’ai parlé des Gremlins. J’adorerais adapter Les Annales du Disque-monde de Terry Pratchett.

Le Goum : Moi, ça me parlerait de faire une BD avec des humains miniatures.

Lapuss’ : Comme les Minipouss ? J’ai des pistes.

Tout ça sonne très 80’s, non ?

Lapuss’ : Oui, l’heure est au revival. Les années 80 furent méga-productives. Aujourd’hui, c’est la culture de la lecture et de la vision rapides. Dans les années 80, le rythme était plus lent. J’adore les Avengers, mais ça va trop vite. Une scène avec 2000 personnes qui se battent, c’est beau visuellement mais ça ne raconte rien. Ceux qui perpétuent cette culture sont ceux qui ont grandi à cette époque et qui convertissent désormais les plus jeunes.

Notamment via des jouets.

Le Goum : J’en ai beaucoup moins que lui.

Lapuss’ : Plus par amour pour les objets que par nostalgie. Je suis un collectionneur compulsif, j’ai des étagères remplies de Gremlins, de Tortues Ninjas, de Mighty Max, de GI Joe. Je chine en brocantes, je prends mon mal en patience, j’achète rarement au prix plein.

Vous avez d’ailleurs sorti un livre, Made in toys, sur ces jouets.

Lapuss’ : Oui, en novembre dernier, en collaboration avec Romain Cheval de la chaîne Youtube Arkeo Toys. Parce que ces jouets étaient bien faits, bien conçus. Prenez les jeux MB de ces années-là, ils avaient du cachet, notamment par les illustrations dingues qui les composaient.

Pour terminer sur Comme des bêtes, vous voilà partis à la conquête du marché international, alors ?

Lapuss’: Ce sera diffusé dans 15 voire 20 pays.

Le Goum : On reçoit les albums et de temps en temps on reste surpris : c’est quoi ce pays ? Force est de constater que l’album marche mieux dans certains pays que d’autres.

Et en bonus, une interview-dédicace :

Série : Comme des bêtes

Tome : 1

D’après l’univers de Yarrow Cheney et Chris Renaud (Universal/Illumination)

Scénario : Lapuss’

Dessin et couleurs : Le Goum

Genre : Animalier, Gag, Humour

Éditeur : Dupuis

Nbre de pages : 48

Prix : 9,90 €

Date de sortie : le 28/06/2019

Extraits : 

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