Interview fleuve d’Amazing Améziane #4 Ciné-Comic : « Marty Scorsese est assez franc, Quentin Tarantino a tendance à réécrire sa légende.

Héhé, il est un auteur francophone (mais pas que franco-belge) que nous adorons mais dont le rythme de mitraillette nous a empêché de chroniquer une salve de ces derniers albums (Quentin par Tarantino, Martin Scorsese, sa version de 1984, Nazi Killers, D’onyx et de bronze, exclusivement aux Éditions du Rocher, ces dernières années). Cet auteur, c’est Amazing Améziane. Et comme on sait qu’il n’a pas sa langue en poche, qu’il est franc, qu’il possède un talent monstrueux, divers styles confondus, et qu’en plus il fête ses 20 ans (et un peu plus) de BD dans une méga-exposition (600m2 d’expo sur 5 salles) au Château de Ladoucette, à Drancy (93), qui était accessible jusqu’au 2 avril; je me suis laissé aller à lui envoyer une série de questions marquant le coup et tous les pavés qu’il a publiés ces derniers mois. L’occasion pour cet Action Man brut de décoffrage mais ne manquant ni de culture ni de profondeur de se livrer sur ses premières années, ses premiers métiers, et d’ouvrir son coffre à trésor. Dans une interview en plusieurs parties. Action ! Dans cet avant-dernier épisode, place au cinéma et à Hollywood, avec Martin Scorsese, Quentin Tarantino et, bientôt, Francis Ford Coppola. Biographie, making-of, des bibles, rien de moins.

Précédemment | Interview fleuve d’Amazing Améziane #1 : « Je me suis fait passer pour un agent d’illustrateurs avec 3 clients, quand ils voulaient 2 illustrateurs, je faisais le double du taf »

Précédemment | #2 : « L’art ce n’est pas la concurrence, pas un bilan comptable ou la Star Ac, c’est être unique, créer des émotions »

Précédemment | #3 : « Le devoir de mémoire, pouvoir faire des livres de vulgarisation historique, c’est l’une des choses que j’aime le plus dans la BD moderne »

Amazing, si vous n’aviez pas fait de la BD, vous auriez fait du cinéma ?

Oui. 

Mais, wait, vous en avez déjà fait ? Vous avez écrit des scénarios de films ? Ça parlait de quoi ?

J’ai adapté BAGMEN pour en faire un film français. Enfin pas un film français, un film qui devait se passer entre les casinos du sud de la France et Marbella en Espagne, paradis des narcos européens. Pour remplacer LAS VEGAS et TIJUANA… Parce que ça coûte trop cher de faire un bon film qui se passe vraiment aux States.

J’ai grave bossé sur le grand banditisme made in France et 75% du script était purement et simplement mon livre. J’avais bien fait me devoirs quand j’avais mis au point la structure de  BAGMEN. Ce graphic novel hurlait à chaque page « mais p’tain ça ferait un super film ce truc… non? ».

Mais oh, surprise… Le film ne s’est pas fait.

J’ai récupéré 100% des droits.

© Amazing Améziane

 Si demain, vous passiez derrière la caméra. Quel serait le titre de votre film, que raconterait-il et à quels acteurs (français ou internationaux, morts ou vivants) feriez-vous appel ? Et la musique, par qui la voudriez-vous composée ?

Titre : BAGMEN

casting :

Bronson – Benicio Del Toro.

Alice – Jenna Ortega

Boss Torrio – Ed Harris

Junior – Remi Malik

Iceberg – Al Pacino

Daryl – Idris Elba

Musique par Ennio Morricone et Al Green.

Je m’amuserais sûrement à le réaliser, mais je préférerais qu’il soit mis en scène par le directeur de THE RAID et GANGS OF LONDON,  Gareth Evans. Quitte à rêver, rêvons big!

J’ai aussi écrit un script sur la guerre d’Algérie. Je vais en faire un livre, un jour.

J’ai aussi 2 comédies. Pareil, je ferai les livres d’abord et ils pourront les adapter après s’ils veulent.

© Amazing Améziane

 Le premier opus de votre trilogie-ciné, c’est donc Martin Scorsese. Pourquoi, lui ?

Parce qu’on commence toujours en haut de l’Olympe, par ZEUS. Celui que j’aime le plus, celui qui m’a le plus inspiré toutes ces années. Mon film préféré est RAGING BULL.

Et pendant des années, cela a oscillé entre TAXI DRIVER et GOODFELLAS. Donc ce ne fut pas un trop difficile comme choix.

Comment l’avez-vous découvert, apprécié ?

Sur TV6 en 1986, j’avais enregistré le film en VHS, un soir. Du coup, il y avait encore les pubs. Ce fut un choc. J’ai suivi ce que faisait ce Martin, jusqu’en 1990 où j’ai vu GOODFELLAS.

C’était encore mieux que THE GODFATHER et rien était mieux que THE GODFATHER, à part peut-être THE GODFATHER PART 2.

J’ai adoré Scorsese depuis ce jour. Lisant tout ce que je pouvais trouver sur lui et ses films.

© Amazing Améziane

Encore une fois, sacré pavé ! Avant de vous lancer dans un projet, vous en connaissez la pagination ? Ou vous avez toute latitude ?

Non, je ne savais pas exactement combien ça allait faire. Je voulais un gros livre de 250 pages minimum. J’avais commencé à le dessiner sans voir tout écrit. J’ai fait une centaine de pages et j’ai écrit 75% du script. J’ai découpé ça et j’avais 270 pages. J’ai prévenu l’éditeur qui a été d’une compréhension rare, il était désolé pour moi car je devais alors couper un paquet de pages. Il m’a demandé de combien de pages j’avais besoin. J’ai répondu 380 pages. Il a accepté mais je ne pouvais plus en rajouter car il devait acheter le papier.

Le livre a fait 384 pages. Et j’ai juste coupé une seule séquence qui aurait été trop longue de toute façon.

Début des années 70, Martin et De Palma, ne sont pas aussi successful qu’ils auraient voulu l’être. Ils cherchaient par tous les moyens à se faire un nom et surtout du fric. Et voilà que DEEP THROAT (Gorge Profonde) débarque sur les écrans et casse la baraque, le premier film XXX a avoir du succès. On parle d’un phénomène de société. Le porno devenait chic, les couples y allaient ensemble.

Brian et Martin décident de faire un porno destiné aux mères de famille qui voulaient pimenter leur vie de couple. Nos 2 jeunes cinéastes vont alors aller voir DEEP THROAT ensemble, dans l’espoir de piger pourquoi ce film fait autant de fric. Ils sont surpris par la facture classique du film voire même la créativité de la séquence finale où l’orgasme est entrecoupé de séquences de trains qui rentrent dans des tunnels. Ah, les années 70…

Finalement, nos 2 amis vont avoir des plans plus ambitieux et surtout plus facile pour Marty à avouer en confession. De Palma va se servir cette expérience pour ses prochains films et Scorsese va directement s’inspirer de cela pour plusieurs séquences de TAXI DRIVER.

Bref ça aurait été super marrant à dessiner mais beaucoup long donc j’ai coupé tout.

© Amazing Améziane

Avant de commencer la lecture, c’est un livre-objet que vous nous mettez entre les mains ! La couverture prend la forme d’une jaquette de VHS, DVD ou blu-ray. Terrible ! Là encore, j’imagine que le concept a été bien réfléchi, testé. Avec plusieurs idées de couverture ?

Non, une seule depuis le début, je voulais une affiche de cinéma des années 70. Le logo détourné de celui de MEAN STREETS, les crédits en bas, le logo du Rocher est intégré dans la mise en page, et il y a même les plis du poster en trompe-l’œil.

Un portrait de SCORSESE et derrière lui, la porte de sa maison à NY et l’église où il allait prier. Le tout aux couleur du drapeau de l’Italie.

L’idée de la 4e de couv avec la jaquette DVD, j’avais déjà fait ça sur « DEVENIR UN VRAI MÂLE ». Il ne faut jamais gâcher une bonne idée. Surtout si c’est la mienne.

 Et pour Quentin Tarantino ?

Je voulais dessiner QT dans la pose de UMA THURMAN sur le poster de PULP FICTION, cette pose détournée des centaines de fois. Je ne pouvais pas croire, au début de la production du livre, qu’une idée aussi simple n’ait jamais été utilisée par personne. Que personne n’avait pensé à mettre QT à la place de UMA. Alors, chaque jour, je commençais ma journée par chercher cela sur Internet, sur Google, Tumblr, Instagram, Pinterest.

Tous les jours pendant un an. J’ai rien trouvé. J’avais mon idée originale et familière, ça n’arrive pas tous les jours. Comme de créer un visuel solide de BIG BROTHER…

Marty, Quentin et les autres, vous les avez déjà rencontrés « en vrai » ?

Non.

Comment avez-vous dès lors constitué cette Bible ? Beaucoup de lectures ?

Je lis un peu au début, pour placer la chronologie. Mais le plus gros du travail est l’écoute de centaines d’interviews et podcats. Je ne veux utiliser que ce qui sort de la bouche de Marty ou QT.

Je dois écrire les dialogues à la première personne, de ce fait, je dois piger comment ils parlent, quel est leur rythme, leur vocabulaire et le type d’histoires qu’ils se plaisent à raconter. La répétition est un facteur important pour rendre ça plus vivant.

© Amazing Améziane

Ont-ils de l’humour ? Parlent-ils vite ? Tout ce dont j’ai besoin pour recréer leur dialogues. 60% environ sont des dialogues qu’ils ont prononcés. Le reste, c’est ma façon de faire passer le message. Je ne change jamais le sens des discussions. Je fais passer les idées des réalisateurs avant les miennes.

J’ai juste la chance d’aimer des réals qui pensent la même chose que moi sur BLACK LIVES MATTER, par exemple. QT va raconter son histoire sur BLM, ça va durer 9 minutes.  Je vais raccourcir ça à 2 pages, mais c’est le même concept qui est mis en scène.

Que retient-on, que laisse-t-on tomber comme informations ? De quels films choisit-on de parler ?

Je sais que je dois parler d’un certain nombre de films pour que le lecteur ou le fan hard core puisse avoir ce qu’il veut dans un livre sur son idole… puis aussi apprendre de nouvelles choses.

Je suis ce fan hard core de Marty ou QT. Donc je me demande quel genre de livre j’aurai adoré avoir et je fais ce livre. Puis je tente de trouver des nouvelles choses à raconter sur mes réalisateurs préférés et là je sais que ça va être nouveau pour les fans hardcore aussi.

© Amazing Améziane

 Il y avait des choses que vous ignoriez sur ces deux réalisateurs ? Qu’est-ce qui vous a marqué ?

Oh, j’ai appris beaucoup de choses sur Marty, QT et même Coppola, c’est le but de ce genre de livre, découvrir, apprendre et partager.

Quand on écoute les interviews, on se rend compte que beaucoup des anecdotes célèbres sont erronées ou fausses. Donc je me base sur ce qu’ils disent. Même si je vérifie aussi avec d’autres sources aussi. MARTY est assez franc, QT a tendance à réécrire sa légende.

En faisant ces albums, vous réfléchissez parfois plus cinéma dans votre mise en scène que BD ?

Oui, j’ai toujours été très fan de la référence visuelle, ici je dois mettre en scène 2 réalisateurs qui manient la référence avec brio. Je me devais de faire la même chose.

J’ai produit mes livres de la CINÉ TRILOGY pour 3 publics.

1- Le grand public, qui aime le cinéma. Ceux-là doivent comprendre l’histoire même si il savent qu’une partie de références va leur passer au dessus de la tête car ils n’ont pas vu tous les films cités. Mais ils vont avoir grave envie de les mater.

2- Les vrais fans de ciné. Ils ont vu beaucoup de films, ils lisent des livres de ciné, ils en veulent plus, ils vont piger pas loin de 70% des références et ce livre va leur plaire.

3- Les pros du cinéma ou les fans hard core. Ils ont le ciné dans la peau, connaissent les films et les dialogues par cœur. Eux vont choper la majorité des références et kiffer mes livres plus que les autres.

Tous vont avoir une expérience de lecture différente mais il y a quelque chose pour chacun.

© Amazing Améziane

Il y a aussi un avantage non-négligeable : on peut citer graphiquement ou textuellement une scène culte. En un mot, une image, le lecteur voit de quoi il s’agit, non ?

Oui, je joue avec les lecteurs, je suggère des choses qui font référence à d’autres choses et si les lecteurs font la connexion, cela rajoute du plaisir. Par exemple, J’ai créé un poster de KILL BILL VOL.1 à la manière du poster de MODESTY BLAISE dessiné par BOB PEAK (influence majeure de BILL SIENKIEWICZ).

MODESTY BLAISE est le livre que lit VINCE quand il est sur les WC (spoiler)…

Dans le WHITE RABBIT SLIM, MIA WALLACE raconte son pilote de la série FOX FORCE FIVE… qui ressemble furieusement au DIVAS de KILL BILL. Donc sur mon poster, le rôle de THE BRIDE est incarnée par… MIA WALLACE au lieu de UMA THURMAN.

C’est un petit détail, mais les fans hard core vont les choper, je le sais.

© Amazing Améziane

 

J’adore cette scène d’ouverture dans laquelle on suit, de dos, Marty à son arrivée sur le tournage. Totale immersion. Et là ça fonctionne peut-être encore mieux en BD, via l’effet de persistance rétinienne, qu’au cinéma ? 

Je voulais que mes livres soient comme des films dont le sujet serait le réalisateur. Du coup, on a une scène avant les crédits du film pour SCORSESE et il est évident que cela doit commencer comme GOODFELLAS dans la voiture et ensuite devenir la scène d’entrée au COPA avec ce long travelling avant où RAY LIOTTA accompagne LORRAINE BRACCO. Moi, j’ai MARTIN  SCORSESE qui accompagne MICHAEL BALLHAUS à l’intérieur du bâtiment où aura lieu le tournage.

La séquence se termine par une freeze Frame et un fondu au rouge avec la phrase en VO et en VF (Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu devenir un réalisateur.) ET là vous entendez la musique de RAGS TO RICHES… si vous vous êtes tapés GOOFELLAS aussi souvent que moi.

Ce qui m’a fait encore plus marrer à faire, c’est la scène finale.

Le dialogue est quasiment identique à la scène de fin de CASINO, même la référence à Disney est déjà dans le film. J’ai arrondi un peu et bim, j’ai ma scène de fin. Et je fini par les dernier plans de GOODFELLAS où JOE PESCI tire en direction de la caméra, ce qui était une référence au film THE GREAT TRAIN ROBBERY (1903) de Edwin S. Porter. J’ai juste récupéré le visuel original.

Le THE END est aussi celui de CITIZEN KANE.

© Amazing Ameziane

Au fond, vous pensez vraiment que Marty aurait pu être prêtre, le choix qui était dans la balance avec réalisateur de cinéma ?

« Ma vie c’est le cinéma et la religion, rien d’autre. » Martin Scorsese.

Martin Scorsese comme Quentin Tarantino (et comme Francis Ford Coppola, le tome à venir), ce sont des hommes qui n’enterrent jamais un projet, quitte à le faire des décennies plus tard. Je ne savais pas que des Silence, Gangs of New York, Once upon a time in Hollywood avaient muri des années durant et eu plusieurs vies.

Lorsqu’on travaille beaucoup sur un projet, que l’on y met beaucoup de soit même, jusqu’à parfois apprendre sur soi-même, il est difficile de lâcher l’affaire. Et si l’on a la chance à un moment où à un autre d’avoir du succès, on sait quel sera le prochain projet. Le travail est généralement quasiment fini et on peut le faire vite avant que les financiers réalisent que ce n’est très commercial.

Scorsese a fait 300 millions avec THE WOLF OF WALL STREET et il a suivi avec SILENCE. Après CAPE FEAR, il a fait THE AGE OF INNOCENCE.

J’ai aussi des projets fin prêts. J’attends mon premier grand succès…

Parfois, ces films se font sur les deniers de leurs créateurs qui risquent de tout perdre. Dernier exemple en date, Megalopolis de Coppola, dont le tournage est semble-t-il chahuté. J’imagine que vous parlerez de ce film dans votre album ? 

Oui, je vais en parler, il n’y a pas grand-chose à dire car on ne sait rien encore, mais je vais laisser Francis parler de sa vision du cinéma actuel, sur çà par contre, j’ai matière à écrire.

Et là, Spielberg va faire en série le Napoléon avorté de Kubrick. Ça se tient ?

Depuis que Spielberg avait produit le premier JURASSIC PARK, il discutait tout le temps avec Kubrick.

Kubrick voulait réaliser un film sur la SHOAH mais la même année que JURASSIC PARK, il avait sorti SCHINDLER’s LIST.

Il savait qu’il ne pourrait pas réaliser A.I., il avait convenu que Steven devait le réaliser. Pour se faire dans le plus grand secret, Steven avait installé un téléphone avec une ligne privée dans un de ses placards et il s’entretenait avec Kubrick.

J’imagine que Steven a eu un accès privilégié aux archives de Kubrick d’où cette série sur NAPOLEON. Un sujet que SERGIO LEONE voulait aussi aborder. Même si son grand projet avorté fut STALINGRAD…

Et chez vous, il y a des projets « Monstres du Loch Ness » qui surgissent à un moment et disparaissent pendant quelques années mais que vous comptez bien réaliser ?

Oui, mais j’ai encore le temps de replonger pour les ramener à la surface…

Au fond Tarantino n’est pas Italien, Martin l’est mais, par contre, on ne sait pas vraiment s’il est irlandais. Juste ?

QT dit être d’origine Irlandaise et Native Américaine par sa mère et Italien par son père.

La vie d’un film, la carrière d’un réalisateur est parfois dans les mains d’un producteur. Martin voulait avoir un coup d’avance : il installe des miroirs pour voir arriver les producteurs. Ingénieux. Il fait toujours ça ? D’autres réals le font ?

La majorité des réals ont une équipe soudée autour d’eux qui font tampon quand un prod arrive sur le tournage. Donc pas besoin de miroir… puisque harvey est en taule.

(pas de majuscule à harvey)

 Au fil des albums, ici MS et QT, on s’aperçoit qu’il y a une même bande, des acteurs qui font le lien (De Niro, Harvey Keitel, Leonardo Di Caprio…) mais également d’autres, comme ce producteur dont, en effet, on veut oublier le nom. Harvey Weinstein. Qu’en pensent Marty et Quentin ?

Quentin lui doit tout et harvey lui doit tout aussi. QT savait comment jouer la partition des Weinstein Bros.

Marty est plus direct, plus latin, donc il est poli quand il est invité quelque part, mais si pendant le repas son hôte va cracher dans son assiette, il va vite comprendre ce que 1m62 de dynamite ça fait dans le cul.

À quel point les tient-il ?

Il ne tenait rien du tout. Il payait les chèques et voulait qu’on l’aime pour avoir bon goût, celui de produire les films d’un génie comme Marty, ce que peu voulait faire à l’époque. Les films de Marty ont cassé la baraque à partir de GANGS OF NEW YORK et ils se tenaient les uns les autres.

Harvey ne savaient ni diriger un film, ni écrire autre chose qu’un chèque. Marty n’avait pas un rond à mettre dans un film. Ils se sont trouvés au bon moment.

Pour QT, c’est vite lui qui a eu la main et il a fait ce qu’il voulait. Il savait qu’au moindre problème, il refoutait son cul sur le marché et il attendait de voir les enchères s’envoler. C’est de qui est arrivé pour ONCE UPON A TIME… IN HOLLYWOOD.

Peut-on dire qu’Hollywood a fermé les yeux sur son attitude et ses méfaits, à l’égard des femmes, car il était un personnage central de l’industrie ?

Oui. Meryl Streep a dédié son Oscar à harvey. Elle n’était clairement pas au courant. Richard Gere, non plus. Par contre, quand à Cannes, Uma Thurman est assisse à coté de harvey, il a fallu qu’elle puise dans tout son talent d’actrice pour ne pas le buter, car QT en avait fait une machine de guerre. Et elle avait vu plusieurs autres actrices disparaître de l’écran…

Néanmoins, il y a cette scène de révolte de Marty qui menace de brûler son film. Geste fort pour défendre Thelma. Acte isolé ? Pour expliquer le montage, là encore vous changez de techniques avec des bonhommes patates. Pourquoi ?

Ce fut raconté par Marty comme une menace. Oui, il aurait été capable de le faire, mais il savait aussi que ce serait son dernier jour en tant que réalisateur sur cette terre. harvey a pigé qu’il ne pouvait pas être « harvey » avec tout le monde, et il ne pouvait chier sur Thelma sous prétexte qu’il n’avait pas envie de l’allonger. Marty et Thelma sont incroyablement proches, il a protégé sa « famille ».

J’ai dessiné cette séquence rapidement, j’ai scanné mes croquis et placé dans la page en attendant de finaliser. Puis je les ai laissés trop longtemps et j’ai fini par penser que cela suffisait pour donner l’idée de la scène. Le montage commence par une idée floue, presque abstraite du film et vous construisez cela pour de vrai. Partir d’un croquis était logique. La preuve, la rupture graphique a créé un effet… qui a été remarqué puisque tu me poses la question.

George Lucas, ami de Martin, dit de lui qu’il a, avec Gangs of New York, tourné le dernier grand film classique… C’est vrai ? Peut-on, selon vous, sacrifier tout à la technique et aux effets spéciaux ?

Oui, GANGS OF NEW YORK est le dernier grand film aux décors monstrueux, cela coûte moins cher de faire ça en numérique, donc plus personne ne veut payer.

Les effets 3D ne sont qu’un outil de luxe pour permettre une vision d’auteur. Si c’est juste pour faire de l’esbroufe, cela n’a aucun intérêt. Si il n’y a pas de sentiment, d’humanité, ce ne sont que des coquilles vides.

© Amazing Ameziane

AKIRA KUROSAWA voulait choisir ses armures pour RAN. Son costumier fait envoyer les armures en morceaux dans les bureaux de KUROSAWA, mais celui-ci est déçu par le travail d’un des meilleurs artisans du Japon. Il a pigé ce qui n’allait pas. Il donne rendez-vous à KUROSAWA le lendemain dans son atelier.

AKIRA et ses 2 assistants entrent dans le gigantesque atelier et devant eux, en ligne, une douzaine d’ouvrier vêtus des armures. Le cinéaste, tel un général, face à ses troupes, inspecte ses soldats. Il choisit ses armures, qui étaient comme par hasard les choix que le costumier avait proposé la veille. AKIRA avait besoin de sentir qu’il y avait un homme derrière la technique.

L’art c’est la même chose. Le jour où tout devient AI, je ne materai que des films/livres/images qui seront pré-AI. Le jour où les seules bédés qui sortiront seront des merdes créées par AI, je serai sur OnlyFans à vendre mes histoires…

La valeur centrale de Marty, c’est l’honnêteté ?

Oui, et on peut rajouter QT dans cette phrase.

Vous le faites aussi parler de la destruction des petits cinémas sous le poids des grands complexes – dans lesquels on ne projette que des valeurs sûres. J’imagine que les plateformes n’ont pas amélioré la donne.

Je vois moins INTERNET comme un adversaire, c’est plutôt la TV qui est une machine à abrutir les masses. Tu appuies sur un bouton et tu deviens plus con chaque jour. Pour le NET, faut faire un effort pour devenir con. Faut aller choisir ta connerie, ton tuto pour fabriquer ton vaccin ou ton faux pass vaccinal.

Mais si, sur INTERNET, la culture sous toutes ses formes est accessible, à la TV, c’est chaud pour trouver ce que tu cherches, ou juste avoir accès à quelque chose qui ne soit pas de la merde vendue au kilo. Je ne regarde plus jamais la TV à part pour les infos, et encore juste pour être au courant de la dernière catastrophe et quel est le dernier mensonge/propagande du gouvernement.

Quand je cherche de la doc pour les livres, je trouve largement ce que je veux sur le net. Pour NAZI KILLERS, j’avais vu que FAIRBAIRN, le militaire qui avait entraîné les commandos SAS pour combattre les nazis, avait inventé un art martial, le DEFENDU, et il avait écrit un livre.

Je cherche la couverture et, en fouillant un peu, je trouve carrément le PDF du livre en entier. Un livre de 1930 publié à Shanghaï!

© Amazing Améziane aux Éditions du Rocher

« Nous sculptons de l’électricité pour lui donner la forme d’une émotion », vous avez deux heures ! Non, mais n’est-ce pas aussi ce que fait un bédéaste ?

Surtout si tu travailles en 100% en numérique comme moi. Mais je travaille toujours comme en analogique, je fais mes traits d’un coup, sans gommer, pas d’effet sur le trait, je rajoute juste la couleur par dessus, et là je mets des effets.

Quel est votre film préféré de Marty ?

En ce moment, RAGING BULL.

Avant c’était GOODFELLAS

et avant TAXI DRIVER. 

© Amazing Améziane aux Éditions du Rocher

Et de Quentin Tarantino ?

DJANGO UNCHAINED/INGLOURIOUS BASTERDS

Avant KILL BILL

Avant cela PULP FICTION.

J’adore aussi TRUE ROMANCE et FROM DUSK TILL DAWN.

Chez Tarantino, vous vous amusez encore plus à jongler avec votre trait. Il fallait être à la hauteur de la folie géniale du personnage ?

Yep, mais c’est ça qui est sympa. Je savais que j’allais me marrer à faire ce livre/film.

Vous comparez et faites dialoguer les Tarantino de deux époques. Il a changé Q ?

Oui, il était très névrosé au début de sa carrière, il pensait ne pas mériter sa place, il se faisait beaucoup attaquer par les critiques donc il avait peur de ne pas être suffisamment respecté.

INGLOURIOUS BASTERDS a tout changé. La maîtrise était évidente, sans équivoque. Il était un grand réalisateur et, à partir de ce film, on l’a vu en compagnie des autres grands réalisateurs, il ne traînait plus avec les autres geeks, il était avec Scorsese, Inaritu, Paul Thomas Anderson, Ridley Scott…

© Amazing Améziane aux Éditions du Rocher

Comment retrouve-t-on son chemin entre légendes et faits réels ? Son premier film parti en fumées, c’est une fake news, non ?

Et non, je ne raconte pas de bullshit dans mes livres. Le nitrate des films est incroyablement inflammable (comme peuvent en juger les 300 nazis flambés dans INGLOURIOUS), et un feu a détruit une partie du labo qui développait les films amateur.

Une partie fut sauvée et transférée sur VHS. Heureusement, il a pu abandonner ce désastre et écrire TRUE ROMANCE.

La culture et les références de ce mec, sont totalement folles ! Là, plus encore qu’avec Marty, on a droit à une masterclass, un making-of géant, non ?

QT est comme ça, il fallait suivre le chemin.

Mais ce qui importe à Quentin, c’est de raconter des histoires, pas nécessairement par le cinéma, alors ? Vous le comprenez dans son désir d’arrêter le cinéma après dix films ?

Je comprends le désir après une carrière exceptionnelle de laisser une œuvre de qualité comme KUBRICK. 10 films, pas de déchet. Culte.

Il fera des livres, du théâtre ou des séries TV. Il ne va pas partir sur une île. On a déjà un livre par an, les épisodes de JUSTIFIED et sa série TV originale, 8 épisodes déjà écrits. On n’en a pas fini avec QT.

Dans les deux albums, vous insérez un intermède, une réflexion, comme un extrait de magazine Action/Cut. Pourquoi ?

Pour raconter une longue histoire, sous la forme d’un magazine que j’ai créé. Je sais que si les lecteurs sont arrivés en pages 120 ou 200, c’est pas 4 pages de magazine qui vont leur faire peur. La lecture, ça fait pas bobo…

Et c’est fou, ce qu’on peu mettre comme infos dans tous ces mots.

© Amazing Améziane aux Éditions du Rocher

J’avais adoré quand Miller et GIBBONS avait fait une parodie de NEWSWEEK dans GIVE ME LIVERTY, j’ai fait ça aussi dans mon premier livre G.A.T.(2003), dans MUHAMMAD ALI (2015) et MISS DAVIS(2020) aussi.

Il y a aussi des pages de livres ouvertes, dans 1984 et NAZI KILLERS et dans À QUATRE MAINS(2006), là où j’ai fait cela pour la première fois.

Ça va être quoi alors le dernier film de Q ?

Je risque d’avoir besoin de sortir une version augmentée dans moins de 3 ans… vu que son soi-disant 10ème film a un titre THE MOVIE CRITIC. J’attends d’entendre ça, sortir de sa bouche, pour y croire.

Et Kill Bill 3 ?

J’aimerai bien, mais ça semble mal barré… Les droits avec MIRAMAX, et le fait qu’il refuse de travailler pour Disney, qui est propriétaire de MIRAMAX, on verra.

Il voulait faire un film d’animation sur BILL jeune, pourquoi pas ? Je prends tout, tant que c’est ÉCRIT & RÉALISÉ  par QT.

© Amazing Améziane aux Éditions du Rocher
© Amazing Améziane aux Éditions du Rocher

La suite alors pour vous, c’est Francis Ford Coppola. Il est aussi passionnant que les deux autres ?

Oh oui. THE GODFATHER, THE GODFATHER PART 2 & APOCALYPSE NOW réalisé entre 1972 et 1979. Waou !

© Amazing Améziane aux Éditions du Rocher
© Amazing Améziane aux Éditions du Rocher

Qu’allez-vous nous apprendre ?

Sortie en août/septembre 2023…

« Ne laisse jamais les autres savoir ce que tu penses. »

-Vito Corleone, alors Consigliere de Don Michael Corleone-

© Amazing Améziane aux Éditions du Rocher

Mais, cette ciné-trilogie pourrait en appeler d’autres ? Sur des réalisateurs, des acteurs, un genre de film ?

En effet, la CINÉ TRILOGIE 2 VOL.1 est en discussion.

Si je fais 2 livres par an, l’un d’entre eux sera un livre de Ciné.

Aussi longtemps que possible, sauf si je me fais virer ou que je claque… Je suis en pleine forme, donc vous aurez encore des livres, je pense.

© Amazing Améziane aux Éditions du Rocher

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