Un signet en tissu vert qui dépasse de l’album BD: c’est sûr, pourquoi les enfants ne devraient-ils pas pouvoir jouir des petits luxes réservés aux grands, aux lecteurs avertis et puristes. Moi, j’aime bien. D’autant plus que ça rappelle que parfois il n’y a pas d’histoires dessinées et encasées s’il n’y a pas eu au préalable une première incarnation en roman. C’est le cas ici. Poursuivant sur sa lancée, après L’homme qui a séduit le soleil en compagnie d’Éric Liberge, Maxe L’Hermenier adapte un autre récit de Jean-Côme Noguès, Le faucon déniché. D’un monde médiéval à un autre, Steven Dupré fait une infidélité à Kaamelott pour survoler ce monde scindé entre les seigneurs et les gens de rien. Mais faut-il se fier aux privilèges quand on veut s’élever, voler de ses propres ailes.

Résumé de l’éditeur : Né dans une famille de « manants », Martin n’a pas le droit d’avoir un faucon, privilège réservé au seigneur. Il décide d’enfermer son oiseau dans une cage qu’il dissimule dans une maison abandonnée. Mais, un soir, démasqué par le fauconnier, il se retrouve en prison.

On ne met pas des enfants en prison. C’est peut-être vrai dans le monde moderne (et encore, pas sûr que ce soit le cas partout) mais les règles moyenâgeuses n’avaient que faire de l’âge des criminels (peut-être avant tout victimes) pourvu qu’elles assurent le pouvoir des rois, des comtes, des grands ou petits ducs et de leur cour en tirant quelques profits. Si aujourd’hui, il est interdit dans nos contrées de capturer et détenir des oiseaux sauvages, en ce temps-là, c’était le défi obsédant du petit Martin. Or, seuls les seigneurs pouvaient dénicher et domestiquer les faucons.

Martin voulait le sien et la chance lui sourit. Plutôt bien puisque bientôt il en est le maître. Oh, le complice plutôt, prenant « son » faucon pour ami. Mais, forcément, il y a des hommes d’un peu de pouvoir que cela peut déranger. Un fauconnier attitré de Sire Guilhem le prend en grippe, jaloux. Alors, au sommet d’une haute tour, où l’on voit tout, y compris les exactions qui se nouent dans le dos du seigneur et peuvent se faire l’appeau de la délivrance, Martin est enfermé. Jusqu’à ce que la chance tourne ou pas, qu’il ait la chance de s’évader dans le tumulte d’un coup d’état.

C’est un très bel album, équilibré et oscillant entre réflexions et un peu d’action que livrent les deux auteurs. Adoucissant son trait mais pas la gouaille dont il orne les trognes de certains de ses personnages (ceux dont il aime se moquer), Steven Dupré est dans son élément dans le monde historique de Jean-Côme Noguès. Son trait, semi-réaliste et parfois caricatural, mêlant expressivité des personnages et impressionnisme pour les ambiances, se prête parfaitement à ce récit initiatique dans les coups du sort. En Martin, son insouciance de gamin, il y a toute l’envie refoulée d’une classe qui s’échine au dur labeur mais n’en gagne que peau de chagrin, les manants. Si les rêves de gosses sont peuplés de princesses et princes, de magiciens, pas de souillons, il y a pourtant chez Martin cette force de caractère qui suscite l’adhésion et prouve qu’on peut faire un songe invraisemblable et pourtant le réaliser. Sans pour autant tenir à distance la cruauté d’une époque qui jure que rien ne changera jamais.

Comme on en a désormais l’habitude, un cahier bonus recontextualise l’Histoire de cette petite histoire et propose quelques jeux didactiques tout en étant divertissants.


Titre : Le faucon déniché
Récit complet
D’après le roman de Jean-Côme Noguès
Scénario : Maxe L’Hermenier
Dessin et couleurs : Steven Dupré
Genre : Drame, Histoire, Jeunesse
Éditeur : Jungle/nathan
Collection : Pépites
Nbre de pages : 48
Prix : 10,95€
Date de sortie : le 04/02/2021
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