Après avoir vu être réédité en intégralité son récit Brune Platine, Marion Mousse revient avec un projet inédit, one-shot au long cours, pugnace et poisseux, offrant une plongée infernale dans le monde des indics. Un monde où tout peut très vite mal tourner. Avec de quoi nourrir la fiction. D’autant plus qu’à la barre du scénario, on retrouve Henri Scala, un ancien commissaire de haut vol qui a pris un pseudonyme (comme quoi, y’a pas que les truands), aux côtés d’un scénariste venu de l’audiovisuel. Êtes-vous prêt à entrer dans cette tranche de vie et de noirceur implacable? Non, vous n’êtes pas prêts.

Résumé de l’éditeur : Père modèle mais sans emploi, Goran Stankovic accepte un job véreux, se fait arrêter et n’a d’autre choix que de collaborer en devenant « indic’ ». Coincé entre truands et police, dans un monde de manipulations, Goran va devoir jouer un double jeu périlleux pour s’en sortir.

Il faut bien vivre… Et parce qu’il faut bien vivre, il faut de l’argent. Le jour où Goran, ce Serbe bien intégré en France perd son permis de voiture, c’est la dégringolade pour cet homme bien bâti, taciturne, qui ne sait faire que conduire. Plus de job pour celui qui est le seul à faire rentrer de l’argent dans son ménage, sa femme et sa petite fille, son trésor, souffrant de problèmes cardiaques. Goran ne panique pas mais doit bien se rendre à l’évidence: se reconstruire professionnellement n’est pas chose aisée. Encore moins sans véhicule. Ou alors, faut-il trouver des employeurs qui ferment les yeux. Du moins, une fois, au début.

Mais quelqu’un qui ne pose pas trop de questions, c’est un sacré atout pour des gens qui aiment l’ombre et la nuit. C’est ainsi que pour des marchandises pas très catholiques, Goran redevient chauffeur. Mais sans avoir le crime dans le sang, il fait long feu et l’une de ses premières missions lui vaut une arrestation en grande pompe (bien écrasée sur la figure) et un vacillement de l’autre côté du miroir. Goran risque gros mais a un moyen d’échapper à la prison, collaborer avec la PJ, être la taupe d’Alex qui flaire le gros coup… de filet.

Goran n’a pas le choix: pour rentrer tous les soirs chez lui, revoir sa fille, il doit accepter la proposition et continuer de jouer sur les deux tableaux. Avec les risques que cela comporte mais aussi l’aisance qui va avec. Finis les problèmes. C’est ainsi que Goran devient Gost 111, les yeux de la police, les bons, dans sa cité, les mauvais. À moins que l’image manichéenne ne soit biaisée.

Un grain de sable dans une machine qui peut pencher d’un côté comme de l’autre à tout moment, voilà ce qu’est Goran. Et sa mollesse naturelle va être mise à rude épreuve sur le nerf. Pris en tenaille entre deux fusils braqués, tenus par des gens qui ne sont pas des tendres, Goran va vite continuer sa descente aux enfers. Sauf que cette fois, s’il l’était encore un tant soit peu, il n’est plus maître de son destin. C’est une marionnette qui ne peut plus rien refuser à ceux qui font de plus en plus pression sur lui.

Récit de trahisons, de harcèlement, Gost 111 est une enquête comme on les aime d’habitude, avec son lot de passe-droit et de petits arrangements avec ce qui est justifiable, mais qui tourne au cauchemar. Cette BD, ce n’est pas comme dans les films, il y a des enjeux moraux, physiques, vitaux derrière les situations décrites par Henri Scala et Mark Eacersall, en dépit des grosses brutes et des flics véreux. Marion Mousse réussit des séquences haletantes, avec des ambiances dont vous nous direz des nouvelles, sur un scénario sans faille. Sans happy end, non plus.

Titre : Gost 111
Récit complet
Scénario : Mark Eacersall et Henri Scala
Dessin et couleurs : Marion Mousse
Genre : Drame, Polar
Éditeur : Glénat
Collection : Mille feuilles
Nbre de pages : 200
Prix : 22,50€
Date de sortie : le 11/03/2020
Extraits :
Super article, cette BD est parfaitement comprise.
Merci