L’aventure est au coin de la rue, on aurait tort de ne pas le dire, de ne pas la vivre ou, par procuration, de ne pas en rêver. Oui, mais bon, de là à voir des girafes et des éléphants dans la France profonde et rurale, sans rien de curieux habituellement, faut pas non plus exagérer! Et pourquoi pas après tout? C’est le pari de Mark Eacersall et Sylvain Vallée, qui s’arrangent avec la réalité pour tirer vers l’exotisme les coins de France qui ne sont pas franchement parmi les destinations de voyages best-sellers.

Résumé de l’éditeur: Il n’est jamais trop tard pour vivre une grande aventure. Au soir d’une vie rangée et précautionneuse, un notaire en retraite va partir à l’aventure pour la première fois de son existence. Petite aventure, mais véritable odyssée pour lui. Lancé aussi vite que ses vieux os le lui permettent sur les traces d’un hypothétique héritier, au volant d’un coupé qui n’avait jamais quitté le garage et accompagné d’un curieux passager, il va découvrir qu’il n’est jamais trop tard pour en apprendre sur les autres… et sur soi-même.

Amédée a des rhumatismes, l’impression d’avoir toutes les maladies et un chien qui ressemble à son maître: il tire la tronche à longueur de journée. Sa retraite? Il la vit comme sa carrière, par procuration, en écoutant chaque jour les récits incroyables de son voisin, Jo, à qui la fin de vie va plutôt bien, toujours aussi charmant et charismatique. Il a risqué sa peau au cours de ses mille vies pas de tout repos, mais le temps le lui a bien rendu. Comme il n’a plus rien à prouver mais tout à raconter, c’est par petits bouts qu’il livre son autobiographie à son vieil ami – enfin, il a tellement bourlingué qu’il est nulle part et partout chez lui et qu’il n’est le voisin d’Amédée que depuis quelque temps.


Il peut bien sembler en paix avec lui-même et l’Aventure avec un grand A et au(x) grand(s) air(s), toujours est-il que si on lui donnait plus d’espérance de vie que son acolyte (mais n’est-ce pas ceux-là qui se plaignent tout le temps dont on dit qu’ils nous enterreront tous), un beau matin alors qu’il ouvre ses chakras, Joe s’effondre, arrêt cardiaque, terminus.


Un drame pour Amédée qui a perdu sa raison d’être (moquée par sa femme d’ailleurs), mais à qui Joe n’a pas dit le mot de la fin et a par-là même laissé à celui qui reste la possibilité de terminer l’épopée. Ça commence par la recherche de celui qui pourrait être l’unique héritier de Joe, conçu et laissé dans la lointaine Afrique. Son ancien métier met à Amédée le pied à l’étrier mais il va devoir se la jouer baroudeur. Et, avant, qui sait, d’envisager de prendre l’avion ou le bateau, c’est dans sa France du Nord, celle qui reste dans l’ombre mais peut voir surgir des créatures exotiques surréalistes, que l’ex-notaire mène l’enquête, pas au bout de ses surprises.
Après sa première incursion dans la bande dessinée en compagnie d’Henri Scala et Marion Mousse pour un polar dur inspiré d’une histoire vraie, Gost 111 (Prix Polar SNCF à Angoulême), Mark Eacersall monte en puissance et offre à Sylvain Vallée un univers réel et fantaisiste plus lumineux que ce que le dessinateur a été amené à traiter à merveille dans Il était une fois en France ou Katanga. Tananarive (soit Antananarivo, la capitale de Madagascar), c’est une légende urbaine, un mirage, une carotte pour faire avancer Amédée qui aura plus d’une fois l’occasion d’abandonner. C’est sans compter les coups de pouce du fantôme de Joe, qui a emporté ses secrets mais mets son notaire sur la piste de la vérité. C’est ainsi qu’Eacersall et Vallée partent d’un deuil pour aller de l’avant et livrer une renaissance et tout de même un buddy-movie assez réjouissant, entre hallucinations et joutes verbales, rencontres improbables.



Prouvant que le mensonge peut être un bon argument pour transcender les gens autour de soi, sublimant la force des conteurs et de l’inspiration qu’on trouve dans les livres (les aventures de… Pinpin, par exemple), les deux auteurs réussissent un album qui réconforte avec la mort et les petits (ou grands) arrangements avec la réalité, à la fois contemplatif et sachant mettre ses (autres) vieux fourneaux en action. Un road-trip qui fait des étincelles. L’aventure est bel et bien au coin de la rue, quitte à avoir une fin en eau de boudin et pourtant tellement bien sentie et raccord avec l’esprit de cette épopée du quatrième âge.


Titre : Tananarive
Récit complet
Scénario : Mark Eacersall
Dessin : Sylvain Vallée
Couleurs : Delf
Genre : Aventure, Drame, Enquête
Éditeur : Glénat
Collection : Mille feuilles
Nbre de pages : 120 (+ 15 pages de cahier graphique pour le tirage limité noir et blanc)
Prix : 19,50€ (ou 29,50€ pour le TLN&B)
Date de sortie : le 08/09/2021
Extraits :