C’est un roman policier dans toute sa splendeur que Clarence Pitz nous propose avec Ineffaçable. Une enquête dans les quartiers de Bruxelles en compagnie de policiers qui s’épuisent au fil des pages tellement l’ampleur du travail est immense. Mais ils ne lâchent rien, jamais. Ils sont incroyablement humains et leurs travers les rendent tellement attachants. Même Marcel, ce « je m’en foutiste », ce tire-au-flanc dont le seul objectif est de ne pas rater son train du retour de 15h42 ! L’intrigue, elle, se densifie avec le temps qui passe. On croit découvrir des éclaircissements mais ces derniers ne sont que des pièces supplémentaires qui s’ajoutent à l’investigation. Clarence Pitz m’avait bluffée avec La Parole du Chacal, son premier roman sorti en 2018. Elle confirme ici qu’elle est une auteure de thrillers remarquable. Plus même, elle écrit les romans que les fans de thriller rêvent de lire. Une femme avec laquelle la littérature noire doit désormais compter.
À lire de la même auteure : Clarence Pitz nous offre un huis-clos à ciel ouvert, époustouflant, en pays Dogon.
« Bruxelles 2016. Au lendemain d’une vague d’attentats, des fresques pornographiques apparaissent sur les façades des quartiers populaires de la capitale et secouent l’opinion publique.
Épaulé par Fred Boland, jeune recrue immature, l’inspecteur Karel Jacobs est confronté à une série de crimes sexuels d’une perversité sans nom. Les sévices s’enchaînent mais les victimes ne se ressemblent pas. Et le duo est rapidement dépassé par une enquête pavée de violence qui l’emmène dans les recoins sensibles de la ville.
Samira, jeune mineure émancipée, est retrouvée violée en plein coeur de Molenbeek. Sa route croise celle de Virgile Plisson, flic infirme relégué à la paperasserie et ancien membre de la Cellule tag prêt à tout pour reprendre du service. Du folklore estudiantin aux codes du street art, Clarence Pitz nous entraîne dans les profondeurs de Bruxelles à travers un thriller rythmé et immersif basé sur un fait divers attesté, celui des fresques clandestines de Bruxelles. »
C’est une réalité qui a dérangé, interpellé, amusé ou intéressé les Bruxellois et les amateurs du street art durant l’année 2016 : des fresques à caractère sexuel sont apparues sur les murs de Bruxelles. Leur(s) auteur(e)(s), malgré de fortes suspicions, est resté inconnu. Et c’est au départ de ce fait divers que Clarence Pitz construit son histoire, sa série de crimes en lien direct avec les fresques. On ne peut s’empêcher d’ouvrir son navigateur internet, de les faire défiler, pour mieux comprendre l’enjeu de ce qui se trame.
Mais attention, tout ce qui sort de la description des fresques urbaines n’est que pure invention de l’auteure. Et c’est heureux pour nous parce que son imagination est sans limite, ses descriptions et son écriture remarquables et son intrigue passionnante.
Après le « zizi de Bruxelles » et l’anus détourné d’une publicité, les fresques sont de plus en plus explicites. Mais les crimes associés aussi. Les enquêteurs sont débordés. Il y a l’inspecteur Karel qui se dévoue à son métier, autant sur le terrain qu’assis dans sa super chaise en cuir tout confort, une balle de tennis entre les mains. Cela lui fait passer ses nerfs et l’aide à réfléchir. En plus, il a des problèmes avec sa fille adolescente et son cerveau ne peut se mettre en pause sereinement.
Puis, vient Fred, le jeune flic qui tient grâce au Red Bull, englouti avec une régularité de métronome, et un humour lourdingue et scabreux qui lui permet de laisser les événements à distance. C’est un bleu, un jeune sans expérience, qui commet des bourdes mais qui apprend vite.
Ensuite, vient Virgile, le flic qui vit très mal sa mise au rebut depuis cinq ans et qui voit dans cette affaire la possibilité de prendre l’air, de se changer de l’archivage forcé après son accident. Mais il ne s’attendait pas à ce que ces fresques bouleversent autant sa vie personnelle. Tout change tellement vite.
Cette fine équipe est encadrée par Marcel, le commissaire de la Police fédérale… Enfin, encadrée… est un bien grand mot. C’est un planqué, un fainéant, un profiteur qui ne prend même pas la peine de lire les rapports et qui taxe tous les sucres qu’il trouve dans les réunions pour les ramener chez lui, il n’y a pas de petites économies.
Ce sont ces détails qui rendent les personnages de Clarence Pitz attachants, ce sont eux qui font qu’ils sont épais, complexes, comme la nature humaine l’est également. Ce sont toutes ces petites choses qui donnent envie de passer du temps avec eux et qui nous déchirent intérieurement quand on s’approche de la fin parce qu’on sait qu’on va devoir les quitter.
Et puis si vous voulez comprendre pourquoi un crayon se glisse dans les fresques qui illustrent cette chronique, il faudra lire le livre, l’enquête…
Mais revenons à l’intrigue justement. Elle est extrêmement bien construite. Je ne souhaite rien en dévoiler car Clarence Pitz est une grande fan de thriller et elle écrit celui que nous rêvons tous de lire. Elle écrit avec justesse. Tous les éléments ont leur place, pas de rebondissements tels des magiciens ou une intrigue qui se solutionne en se « dégonflant comme un ballon ».
Non, Clarence avance ses pièces comme une joueuse d’échecs et nous, on regarde la partie se dérouler sans pourvoir intervenir. On cherche, on essaie de parvenir à la solution mais rien n’y fait, elle est très forte.
C’est une histoire truffée de bons mots, d’expressions à la belge, de bruxellois parlé qui traduit tellement notre pays. C’est une intrigue poisseuse comme on les aime, emprunte de noirceurs épaisses et qui explore ce que la nature humaine à de moins bon. Ce sont les odeurs des services de réanimation, où les effluves d’éther et de pisse peuvent se mélanger.
C’est l’humidité et le froid des squats, les murs recouverts de graffitis. C’est le bruit des rues de Molenbeek à la tombée du jour, lorsque les gens rentre chez eux, lorsque les langues se croisent, s’expriment, lorsque les coutumes se brassent sur le trottoir.
C’est surtout un thriller puissant, captivant, humain et tellement bien ficelé que je ne peux que vous le recommander chaudement. Il sort le 28 octobre et c’est la saison idéale pour lire cette série de crimes qui rend accro.
Vous voulez un bon thriller, intense, une intrigue de qualité : lisez Ineffaçable
Vous cherchez à privilégier les auteur(e)s belges : lisez Ineffaçable
Vous voulez découvrir un Bruxelles inconnu : lisez Ineffaçable
Vous aimez les personnages attachants, humains : lisez Ineffaçable
Vous souhaitez juste passer un bon moment lecture : lisez Ineffaçable
Un deuxième roman, thriller EXCELLENT.
Titre : Ineffaçable
Editions : Nouvelle Bibliothèque
Nbre de pages : 510 pages
Prix : 24 €
Sort le 28 octobre 2019
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