Edmond au Théâtre Le Public, c’est tout simplement du plaisir au théâtre à la puissance mille, et on en redemande !

Pour sa rentrée théâtrale, le Théâtre Le Public frappe fort avec Edmond d’Alexis Michalik brillamment mis en scène par Michel Kacenelenbogen. Une pièce multi-facettes fulgurante et virevoltante qui ne vous laisse aucun moment de répit deux heures durant. Edmond c’est tout simplement du plaisir au théâtre à la puissance mille, et on en redemande…

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Edmond Rostand n’a pas encore 30 ans, plus un sou, deux enfants, des angoisses et pas d’inspiration. Au bout du bout du rouleau, en désespoir de cause, il propose à l’immense acteur Constant Coquelin une comédie héroïque. En vers ! Le seul souci est qu’elle n’est pas encore écrite. Et qu’il s’est engagé à la livrer pour les fêtes. 

Il ne lui reste que quelques mois, et il a promis à Coquelin un chef-d’œuvre. Rien de moins ! Alors, il se met au travail avec acharnement. Jour et nuit, s’inspirant des jalousies des uns, des peines de cœur des autres, des querelles de tous, il écrit une pièce à laquelle personne ne croit, et qui doit devenir un monument. Il a donné sa parole. Pour l’instant, il n’en a que le titre : Cyrano de Bergerac !

Cyrano est à l’honneur en cette rentrée théâtrale. Après un formidable Cyrano campé par Bernard Yerlès joué à guichets fermés dans les ruines de Villers La Ville durant l’été et qui fera la rentrée du Théâtre du Parc, c’est au tour d’Edmond d’enchanter le public. Edmond n’évoque rien d’autre que la création de cette pièce intemporelle devenue un classique du théâtre et n’ayons pas peur des mots, un pur chef d’oeuvre. La pièce nous raconte la naissance de Cyrano et nous conte la vie mouvementée de son auteur par le petit bout de la lorgnette.

C’est Tristan Schotte qu’on avait pu apprécier à sa juste valeur dans Festen de Thomas Vinterberg, la saison dernière, qui endosse avec bonheur le rôle d’Edmond Rostand auquel il donne avec une grande sincérité et beaucoup de talent une dimension attachante. A ses côtés pour incarner Constant Coquelin il fallait un comédien dont l’épaisseur du jeu donnerait une dimension particulière au rôle qu’il allait défendre.

Et c’est au formidable Itsik Elbaz (Eléphant Man, Caligula …) que revient cette lourde tâche où il brille à nouveau de mille feux avec une performance qui fait appel à la fois à l’humour, à la gravité et au panache. Et lorsqu’il joue Cyrano à la fin de la pièce, il est tout simplement épatant de justesse et d’émotion.

D’ailleurs la force de ce spectacle, outre la formidable écriture de la pièce signée Alexis Michalik, c’est la justesse de sa distribution. Edmond est une pièce de troupe, une mécanique parfaitement huilée qui ne souffre d’aucun à peu près. Chaque comédien y tient sa place au coeur d’un tourbillon  théâtral servi par un rythme effréné.

Antoine Guillaume est parfait dans ses  six (!) différents rôles et notamment celui de Georges Feydeau ; il nous fait là une vraie performance d’acteur ! Maxime Asselin nous fait hurler de rire dans le rôle de Jean Coquelin, le fils à papa, piètre comédien soudain transcendé après avoir été déniaisé, et lorsqu’il prend conscience de l’enjeu de la situation. Mwanza Goutier est impeccable en Monsieur Honoré,  ami et inspirateur d’Edmond et bien souvent voix de la sagesse, David Dumont convainc en Leo Volny et François Michel van der Rest et Réal Siellez sont irrésistibles en investisseurs corses drôles et hauts en couleurs. Voilà pour les hommes !

Coté féminin, le charme opère inévitablement avec Elsa Tarlton qui joue Jeanne la muse d’Edmond avec une grande douceur et Perrinne Delers dont la prestation parfois volontairement horripilante  sert le personnage outrancier de Maria Legaut avec beaucoup de talent. Sandrine Laroche  est très convaincante en Sarah Bernard, et je m’en voudrais de ne pas souligner la fraicheur, la beauté et la justesse de ton d’Inès Dubuisson dans un rôle parfois discret mais essentiel de Rosemonde, l’épouse  fidèle d’ Edmond Rostand. Elle est parfaite.

Et puis l’élément clef de la pièce qu’il faut absolument saluer, c’est la mise en scène remarquable et inventive signée Michel Kacenelenbogen ainsi que l’emploi judicieux des lumières et de la musique (un formidable Bolero de Ravel en toile de fond ! Dans une succession de tableaux parfois seulement suggérés par l’utilisation de quelques simples éléments de décors, nous sommes littéralement transportés de l’appartement d’Edmond dans un café, puis dans un bordel, dans un train ou au théâtre où on lieu les répétitions de Cyrano, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Bluffant !

En conclusion, durant près de cent vingt minutes et sans crier gare, Edmond  laisse le spectateur pantois et scotché à son siège, envahi par une multitude de sentiments qui vont du rire au larmes en passant par la jubilation la plus totale.

Il fallait à Cyrano de Bergerac une pièce retraçant la vie de son auteur qui soit à la hauteur de ce chef d’oeuvre intemporel, et Edmond rassemble la vitalité, la fièvre, la drôlerie, le charme, tous les ingrédients chers à Edmond Rostand lorsqu’il écrivit Cyrano.

Sans oublier le plus important sans doute: le panache !

Courrez-y, ce spectacle est génial !

Jean-Pierre Vanderlinden

EDMOND

Texte et direction artistique : Alexis Michalik.
Mise en scène :
Michel Kacenelenbogen. Avec : Tristan Schotte (Edmond Rostand), Maxime Anselin (Jean Coquelin), Perrine Delers (Maria Legaut), Inès Dubuisson (Rosemonde Rostand), David Dumont (Léo Volny et le passant), Itsik Elbaz (Constant Coquelin), Mwanza Goutier (Monsieur Honoré), Antoine Guillaume (Georges Feydeau), Sandrine Laroche (Sarah Bernhardt), Réal Siellez (Marcel Floury), Elsa Tarlton (Jeanne), François-Michel van der Rest (Ange Floury).

DU 05/09/19 AU 16/11/19 au Théâtre Le Public

Assistantes à la mise en scène: Hélène Catsaras et Fannie Outeiro
Création costumes: 
Françoise Van Tienne
Couturières: 
Muazzez Aydemir, Rachel Lesteven, Marie Nils, Maya Perolini, Sylvie Thevenard et Margaux Vadervelden
Maquillage:
 Véronique Lacroix
Régie: 
Nicolas Oubraham, Rémy Brans, Louis-Philippe Duquesne et Dorian Franken-Roche

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