L’Espagne a Don Quichotte. L’Angleterre a Hamlet. La France a Cyrano de Bergerac. Inoubliable, la monumentale pièce d’Edmond Rostand a traversé les décennies pour tracer sa route sur les planches tout autour du monde. Maintes fois monté, maintes fois réinterprété, Cyrano a toujours inspiré tout comme son auteur qui, il y a deux ans, était au centre de la géniale création théâtrale d’Alexis Michalik, Edmond. Au compteur de cette pièce, pas moins de 1000 représentations, une BD avec brio, cinq Molières et peut-être bientôt l’un ou l’autre César. Aujourd’hui, Edmond a troqué les planches pour les écrans de cinéma, une idée on ne peut plus formidable !
Décembre 1897. Edmond Rostand a 29 ans, il écrit des pièces en vers, des fours dans l’ombre des vaudevilles à la mode de Georges Feydeau. Endetté et en panne d’inspiration, il se voit proposer d’écrire pour Constant Coquelin, un comédien en vogue. Il a trois semaines pour créer la pièce qui le sauvera de la médiocrité et des railleries. Écrivain oublié dans l’ombre de Molière et Corneille, c’est Savinien de Cyrano de Bergerac qui lui sert de modèle pour sa nouvelle création. Il tient le filon de ce personnage hors norme, personne ne peut alors l’arrêter, ni ses acteurs minables, ni les cabotinages de la Comédie-Française, ni même ses producteurs véreux ou sa femme et sa jalousie naissante. De cette pièce, Edmond n’a encore que le titre, mais le chef-d’œuvre est en train de naître.
« C’est un roc ! C’est un pic ! C’est un cap ! Que dis-je, c’est un cap ? C’est une… » Peut-être pas une péninsule, mais certainement une merveille ! Voilà ce qu’est cet Edmond : du bonheur sur pellicule, du théâtre immortel, de l’émerveillement infini. Si, à la base, le scénario d’Edmond était destiné au cinéma, c’est d’abord sur les planches qu’il a triomphé, avec Guillaume Sentou dans le rôle-titre et sous la direction d’Alexis Michalik. Ce n’était pas chose aisée de sauter la barrière de la scène pour passer sur les écrans, car là où le théâtre suggère beaucoup, le cinéma ne laisse presque rien à l’imagination du spectateur. La matière était donc fertile, mais gargantuesque était le défi. Comme tout brillant metteur en scène, Michalik a fait tomber les frontières haut la main, prouvant qu’il a autant à offrir au cinéma qu’au théâtre !
Edmond a tout les atouts d’un très bon film d’époque et nous fait virevolter dans les charmantes rues de Paris à la fin du XIXe siècle. Rien n’est laissé au hasard dans les décors, tout est travaillé, tout est beau, rappelant même l’univers visuel d’un Jean-Pierre Jeunet. Les costumes, les décors, les personnages, tout est en place pour faire rêver le spectateur. Le hasard ne semble pas avoir frappé non plus du côté du casting ; chaque acteur est brillant dans l’écrin de cette œuvre. En tête de gondole, comment ne pas citer Thomas Solivérès, dans le rôle d’Edmond Rostand ? Hésitant, maladroit, mais tout aussi lumineux et poétique, l’éternel adolescent qui a roulé sa bosse dans bon nombre de comédies révèle l’étendue de son talent, sans mèche sur le front, mais avec panache !
À ses côtés et dans une tout autre énergie, Tom Leeb surgit telle une évidence, dans le rôle de Léonidas Volny, l’ami de Rostand. Débordant de fougue et de passion, le digne fils de Michel Leeb est une des révélations de ce film lui aussi. Et à côté de ces pépites, on retrouve avec joie notre Olivier Gourmet national, admirable en Constant Coquelin, stupéfiant lorsqu’il revêt le renifloir de Cyrano. Pour compléter cette superbe distribution, viennent s’ajouter Mathilde Seignier en Maria Legault, Clémentine Célarié en Sarah Bernhardt ou encore Lucie Boujenah en Jeanne D’Alcie. Par son vaste casting, Edmond fait la part belle aux talents nouveaux tout en laissant briller ces quelques phares du cinéma français. Joli cadeau en plus que cette ribambelle de seconds rôles tous plus grisants les uns que les autres : Alice de Lencquesaing, Dominique Pinon, Simon Abkarian, Marc Andreoni, Jean-Michel Martial, Antoine Duléry ou même Alexis Michalik en personne dans le rôle de Georges Feydeau. Et comment ne pas succomber à Igor Gotesman, irrésistible en Jean Coquelin.
Rythmé, épique, beau, intelligent et exaltant, Edmond rassemble toutes les qualités d’un cinéma spectaculaire, de cette Comédie (avec un grand C) à la fois burlesque et poétique qui fait rêver et dont on ne croise que rarement la route. Alexis Michalik et son exquise troupe nous entraînent dans ce tourbillon d’émotions et de magie. Virtuose dans ses plans et dans ses décors, Edmond ne laisse pas en reste le théâtre ; c’est de là qu’il vient et il compte bien nous le rappeler. C’est un bel hommage qu’il rend à ce théâtre des mots et des grandes histoires et sa figure de proue, Cyrano de Bergerac.
Alors, cher spectateur, qu’attendez-vous ? Venez donc admirer l’auguste Cyrano de Bergerac, et rencontrer son ombre, Edmond. Si Rostand aurait, dit-on, fait des fours, Edmond, lui, est bien une merveille, un chef-d’œuvre. De grâce, ne tergiversez plus, accourez dans les salles obscures pour acclamer cette belle œuvre du cinéma français. Elle vous fera rire, frissonner de délectation, vibrer de poésie et de beaux mots. Ainsi, lorsque le rideau tombe, vous vous demanderez sans doute, qui de Cyrano ou d’Edmond est le bretteur le plus panaché ? La question demeurera sans réponse, mais une chose est sûre, c’est en plein cœur qu’Edmond frappe. Élégant comme Céladon, agile comme Scaramouche, je vous préviens, cher Myrmidon, qu’à la fin il touche !
Edmond, d’Alexis Michalik
Avec Thomas Solivérès, Olivier Gourmet, Tom Leeb, Mathilde Seigner, Clémentine Célarié, Igor Gotesman, Jean Michel Martial, Alice de Lencquesaing, Lucie Boujenah, Dominique Pinon,…
Sortie le 9 janvier 2019
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