Le Cri de Nicolas Beuglet est sur tous les forums d’amateurs de thriller. Et à force de voir sa couverture bien tentante passer sous mes yeux, j’ai décidé moi aussi de m’y plonger. Et quel plaisir, quelle enquête ! Un patient tatoué du nombre 488, dont l’identité est inconnue. Un psychiatre qui préfère brûler son hôpital plutôt que de laisser la police le fouiller. Des tortures quotidiennes et scientifiquement élaborées. Des graffitis au mur, répétés à l’infini. Un son, indéfinissable et inhumain sorti de la bouche de celui qui doit rester caché. Un père prêt à tout pour sauver son fils… Et ce ne sont là que quelques ingrédients de ce thriller qui déroule son intrigue sur plusieurs continents, d’Oslo à Paris en passant par l’île de l’Ascension et une mine désaffectée au fond du Minesota. Magistral.
« A quelques kilomètres d’Oslo, l’hôpital psychiatrique de Gaustad dresse sa masse sombre parmi les pins enneigés. Appelée sur place pour un suicide, l’inspectrice Sarah Geringën pressent d’emblée que rien ne concorde. Le patient 488, ainsi surnommé suivant les chiffres cicatrisés qu’il porte sur le front, s’est figé dans la mort, un cri muet aux lèvres – un cri de peur primale. Soumise à un compte à rebours implacable, Sarah va découvrir la vérité vertigineuse sur l’une des questions qui hante chacun d’entre nous : la vie après la mort… »
C’est très logiquement par une citation d’Edvard Munch que débute cet ouvrage. Une citation choisie par l’auteur et que le peintre a prononcée en relatant l’instant qui lui a inspiré son oeuvre la plus célèbre.
Mes amis s’éloignaient et, seul, tremblant d’angoisse, je pris conscience du grand cri infini de la nature ».
Mais c’est un tout autre cri qui occupe les pensées de l’enquêtrice. Celui prononcé par le patient 488 tous les soirs après les expériences mystérieuses perpétrées sur sa personne. Et c’est ce même cri qui est resté accroché à son visage dans la mort. Une mort terrible, une mort qui explique aussi le blanchiment des cheveux de Marie-Antoinette ou de Thomas More en une seule nuit.
Même si la légende est tenace, ce n’est qu’une légende mais l’auteur embraye pour développer la trame de son histoire. La peur peut-elle tuer? Et quel type de peur peut causer un arrêt du coeur?
Le ressort particulièrement intéressant de cette histoire est le duo d’enquêteur que choisit de constituer Nicolas Beuglet. Il y a la flic norvégienne, Sarah, ancienne membre des forces spéciales, au coeur énorme mais qui le cache sous une technique de combats rapprochés sans faille. Et il y a Christopher, journaliste de guerre recyclé en prof tombeur des amphis feutrés, père d’adoption fraîchement confronté à la mort de son frère et qui va se découvrir des ressources insoupçonnées pour sauver son neveu. Il est beau ce duo et il est bon surtout.
Complémentaires et borderline, on s’éloigne autant que possible d’un livre policier pour plonger dans le thriller. J’affectionne particulièrement quand les humains du quotidien se révèlent extraordinaires face à des événements qui le sont tout autant.
Mais, ne vous trompez pas. Si l’intrigue est directement sortie de l’imagination fertile de l’auteur, il prévient (ou confirme puisque l’info est dans les remerciements de fin d’ouvrage) :
La grande majorité des informations dévoilées au travers de cette histoire sont historiques et ont fait l’objet de plusieurs recoupements journalistiques »
Ainsi, le projet MK-Ultra a réellement existé, la nature de ses expérimentations secrètes a été dévoilé dans un rapport officiel du Sénat américain datant du 3 août 1977 et l’île de l’Ascension a abrité plusieurs sites militaires pendant et après la seconde guerre mondiale. Même l’hôpital psychiatrique de Gaustad a un passé quelque peu troublant… Et c’est aussi ce qui rend cette histoire si vraisemblable, si passionnante, si addictive. Sans parler du compte à rebours qui s’égrène au fil des pages et qui emballe le rythme de votre cœur.
La grande histoire de la guerre, les théories de Carl Jung et l’intrigue livresque se confondent pour notre plus grand plaisir de lecteur. On avance comme dans un brouillard épais, avec pour seuls guides les indices et fausses pistes que Nicolas Beuglet dissémine dans ses pages. On s’interroge. On s’inquiète. On retient sa respiration. On court après un avion pour ne pas le rater. On espère pour Simon qui est enfermé. On s’emporte de colère contre un père qui se tait. Comme Christopher, on s’accroche à Sarah, ce pilier, cette femme qui semble indestructible, on l’apprivoise avec lui et on finit très vite par l’aimer.
Tous les ingrédients du bon thriller sont présents. Je ne peux que vous le recommander. Des expériences scientifiques discutables, de la torture sans état d’âme, des riches intouchables, et un homme « normal » qui se débat au milieu de tout cela. Va-t-il triompher et délivrer Simon? Aura-t-il les réponses à ses questions? Quelles sont ces expériences menées dans l’ombre de laboratoires clandestins? Quels objectifs ont-elles?
Du grand suspense un peu glauque, juste comme on l’aime !
Auteur : Nicolas Beuglet
Titre : Le cri
Editions : Pocket (XO)
Sorti le 11 janvier 2018 (8 septembre 2016)
556 pages
Prix : 8,30 €
2 commentaires