Sorcières : un essai aussi indispensable qu’intéressant sur la condition des femmes à travers les âges

À une époque où le président omnipotent machiste des Etats-Unis peut se permettre d’énoncer et de réitérer des propos avilissants envers les femmes uniquement parce que ce sont des femmes. À une époque où ces faits sont traités avec la même désinvolture que le pousse café que l’on avale rapidement entre le plat et le dessert. À une époque où l’on peut lire sur les réseaux sociaux de la part de femmes fraîchement célibataires et se revendiquant libres et indépendantes des phrases telles que : « Soumise au petit-déjeuner sans croissant puisque mon homme les apporte à une autre » ou encore « Condamnée aux coups de soleil dans le dos puisqu’il n’y a plus d’homme pour étaler la crème »… Ce livre est nécessaire. Un essai pour ré-expliquer aux femmes qu’elles peuvent choisir d’être libres, de penser, d’exister, de se prendre en main… Un livre qui se transmet de femme à femme comme une initiation, un cadeau, une ronde dans laquelle les hommes qui le souhaitent sont les bienvenus. Être soi s’apprend et se gagne plus difficilement encore aujourd’hui quand on est une femme. Par nos convictions, nos actes, nos paroles, nous pouvons être les modèles pour les femmes de demain. Un livre qui y contribue grandement.

La chronique d’Alizée est également disponible sur ce blog : Non, la puissance des femmes ne s’est pas consumée sur le bûcher et les sorcières ne sont pas celles qu’on croit

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« Qu’elles vendent des grimoires sur Etsy, postent des photos de leur autel orné de cristaux sur Instagram ou se rassemblent pour jeter des sorts à Donald Trump, les sorcières sont partout. Davantage encore que leurs aînées des années 1970, les féministes actuelles semblent hantées par cette figure. La sorcière est à la fois la victime absolue, celle pour qui on réclame justice, et la rebelle obstinée, insaisissable. Mais qui étaient au juste celles qui, dans une Europe de la Renaissance, ont été accusées de sorcellerie? Quelles types de femmes ces siècle de terreur ont-ils censurés, éliminés, réprimés?

Ce livre en explore trois et examine nos préjugés et nos représentations : la femme indépendante – puisque les veuves et les célibataires furent particulièrement visées ; la femme sans enfant – puisque l’époque des chasses a marqué la fin de la tolérance pour celles qui prétendaient contrôler leur fécondité ; et la femme âgée – devenue, et restée depuis, un sujet d’horreur. Enfin, il sera aussi question de la vision du monde que la traque des sorcières a servi à promouvoir, du rapport guerrier qui s’est développé alors tant à l’égard des femmes que de la nature : une double malédiction qui reste à lever. »

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C’est essentiellement le portrait de femmes libres, de femmes qui s’assument, de femmes qui se choisissent que Mona Chollet nous conte. En inscrivant son essai dans le cadre historique des grandes chasses aux sorcières, l’auteure nous rappelle une période souvent balayée de l’histoire des femmes.

Rappelons que même si des hommes furent arrêtés, torturés et brûlés, ce sont essentiellement des femmes – célibataires, libres d’esprits et indépendantes – qui ont été éliminées. Par ces grandes éliminations de masses, l’auteure défend l’idée que les femmes ont reçu le message que la seule manière d’être acceptable pour la société est celle d’être soumise, servile, délicate et attentive… Gare à celle qui s’éloigne du chemin.

N’oublions pas aussi qu’une « bonne femme » se doit d’être jolie, jeune et souriante… Les hommes se bonifient comme le bon vin avec l’âge, mais la femme présente une date de péremption dans la séduction dès l’apparition des premiers cheveux blancs. N’a-t-on pas lu toute une série d’articles s’interrogeant sur le couple Macron (présentant une différence d’âge de 25 ans) et aucun traité sous le même angle pour le couple Trump (différence d’âge de 24 ans) ! Sorcières nous rappelle que l’on peut aussi être vieille, ridée, avoir des cheveux blancs et être séduisante.

Femme, Vieux, Pli, Yeux, Peau, Myanmar, Portrait

Mona Chollet développe un avis argumenté, étayé des difficultés actuelles encore rencontrées par les femmes. Le féminisme qu’elle nous propose ne se vit pas comme une insulte, comme une guerre, mais plutôt comme une résistance active et positive à toute forme d’inégalité. Elle donne envie d’être femme, elle apprend aux petites et aux grandes la fierté de notre genre.

Dans un monde où être une femme est encore trop souvent un désavantage – inégalité de salaire, inégalité face à l’emploi, précarité, responsabilité éducationnelle… sont encore des domaines dans lesquels être une femme est un inconvénient – cet essai insiste sur notre liberté d’être, de ne pas choisir le chemin tracé mais de créer sa propre route.

« L’autonomie…signifie…la possibilité de nouer des liens qui respectent notre intégrité, notre libre arbitre, qui favorise notre épanouissement au lieu de l’entraver…La sorcière est une femme qui tient debout toute seule »

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Mona Chollet propose un autre chemin. Une petite fille qui grandit aujourd’hui voit encore sa destinée pré-établie en fonction de préjugés. L’auteure nous interroge sur la maternité. Certaines femmes font le choix de ne pas avoir d’enfant. On peut, au détour d’une information, entendre parler des mouvements No kid. Les arguments présentés sont relativement constants : des femmes égoïstes, qui n’ont pas encore rencontré « le bon »… Certes, notre société change mais les à priori restent bien présents. Cet essai nous rappelle qu’une femme peut s’épanouir avec et sans maternité, du moment que celle-ci est choisie et nous invite à nous interroger sur nos propres désirs.

Visage, Sourire, Rire, Visage Souriant, Heureux

Mona Chollet nous rappelle que même si vivre à contre-courant n’est pas chose aisée, nous sommes libres de le vouloir, de le décider et de le vivre. Nous sommes libre de tracer notre propre route. Elle propose un autre modèle pour les petites filles, elle insiste sur le fait que nous pouvons nous respecter, qu’il n’y a pas de meilleur choix.

Ce n’est pas un essai sur le féminisme agressif, vindicatif, qui s’inscrit en réaction par rapport à un modèle pré-établi, c’est un essai qui distille des idées constructives, positives. C’est un texte propice aux réflexions, qui se lit par petits bouts entrecoupés de pauses nécessaires à un approfondissement de la pensée. C’est un texte qui aide à la construction personnelle.

« Rien dans la façon dont la plupart des filles sont éduquées, ne les encourage à croire en leur propre force, en leurs propres ressources, à cultiver et à valoriser l’autonomie ».

Halloween, Maison De La Sorcière, La Sorcière

Pourquoi l’image de la sorcière alors? Parce qu’elle est une femme indépendante, souvent célibataire ou veuve, qui exerce son libre arbitre et possède un savoir qu’elle transmet. C’est une femme qui provoque la peur. Souvent âgée, elle a de l’expérience et suscite la crainte. Elle n’est pas dirigée par un homme, elle se dresse à l’encontre d’une société de dictas. C’est aussi celle qui maîtrise les plantes et donc, permet de maîtriser sa fécondité.

Cette figure est donc devenue l’emblème d’une pensée féministe. Le mouvement WITCH a d’ailleurs vu le jour aux Etats-Unis en 1960 (elles ont récemment menés plusieurs actions contre Donald Trump). Ces dernières années, des collectifs français se revendiquent de cette maternité. 

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Qu’on ne se trompe pas, Mona Chollet n’a pas écrit un plaidoyer contre le couple, les enfants et le jeunisme. Elle revendique la liberté de choisir pour toutes. Elle écrit une route, la sienne et nous incite à trouver le chemin qui nous convient. En suscitant la réflexion, en exposant des faits historiques, en développant un argumentaire intéressant, l’auteure nous incite à nous poser les bonnes questions permettant de définir nos objectifs propres. Et aujourd’hui, dans la vie que vous vivez, êtes-vous heureuse?

Un livre à lire ABSOLUMENT, positif, constructif, intelligent, intéressant. Un livre à relire, à se confier, à offrir et à recommander… Pour toutes (et tous), parce qu’il reste des questions à se poser et parce que Mona Chollet le fait avec la sagacité, l’humour et la légèreté de ton indispensable pour aborder les questions profondes.

Auteure : Mona Chollet

Titre : Sorcières – La puissance invaincue des femmes

Editions : Zones

Sorti le 13 septembre 2018

240 pages

Prix : 18,00 €

 

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