Depuis quelque temps, notamment avec l’appui de Régis Hautière, j’ai l’impression que Casterman multiplie les efforts pour retrouver le public jeunesse avec des séries diversifiées, faisant feu de tous genres et de tous horizons. Cette fois, c’est au coeur de l’Afrique mystérieuse et maraboutée que Zibeline, pas plus haute (même avec deux bouclettes qui lui donnent deux centimètres capillaires en plus que ces trois pommes et ses huit ans) mais avec un tempérament qui risque de bousculer les univers… au point de se confondre?
Résumé de l’éditeur: À 8 ans, Tannicia n’est pas du genre à se laisser dicter sa conduite ! Capturée pour servir de victime sacrificielle lors d’une cérémonie vaudou, elle parvient à s’échapper à travers le marécage brumeux qui entoure l’antre des sorciers, un piège fangeux qui l’engloutit peu à peu. Tandis que l’eau boueuse s’infiltre dans ses poumons, elle songe à ses parents, à son grand frère Badou et à son cher Wawa, son oryctérope apprivoisé… Quand elle reprend ses esprits, le marécage a fait place à un monde étrange, peuplé d’humanoïdes à têtes d’animaux. Tannicia comprend rapidement que la route qui la ramènera chez elle risque d’être longue et semée d’embûches…

Dans ce premier tome, nommé à point Sur l’autre rive, le quatuor réunissant Rêgis Hautière, Régis Goddyn (scénario, le deuxième, écrivain, se frottant pour la première fois à la BD), Mohamed Aouamri (dessin) et David Périmony (couleurs) nous raconte comment cette petite peste de Tannicia est devenue Zibeline. Et comment une banale virée en traînant les pieds jusqu’à la rivière pour remplir une cruche, en jurant tout de même qu’un jour elle quitterait le village pour ne jamais revenir (elle ne croyait pas si bien dire), s’est transformée en plongée dans un monde inconnu et anthropomorphe, pour la petite fille. Un mouchoir de chloroforme, un cérémonial bizarre, une fuite à la dernière minute… Et c’est dans un monde bien différent que, sans comprendre pourquoi, Tannicia s’est réveillée. Heureusement bien entourée : un cheval, un lion et une ravissante et blagueuse crocodile. Premiers représentants d’un bestiaire XXL que manie Mohamed Aouamri à merveille.

Le dessinateur expérimenté, notamment dans des univers barbares, fantasy-ste et au chevet d’héroïnes fortes, signe sans doute ce qui est sa première série pour enfants/ados et fait forte impression. Zibeline (le « totem » choisi par la nouvelle arrivante) rime ici moins avec Sibylline qu’avec Violine. On n’est en effet pas si loin, je trouve, de ce que faisait Krings. Mais aussi pourquoi pas quelques gouttes du regretté Michel Plessix. L’ensemble est expressif et trépidant, mêlé à des couleurs de David Périmony qui éclaire comme un chef les nombreuses zones d’ombre propices aux révélations et l’écrin de verdure qui tend des lianes à l’aventure. La dernière planche (« à suivre ») est fameuse pour finir de nous enchanter.

Car si Zibeline ne voulait pas rentrer chez elle, désormais elle n’a qu’une hâte! Croisement, toutes proportions gardées, entre Alice au pays des merveilles et Le livre de la jungle (avec un cousin à King Louie), un peu sur le même principe que Frnck, ce premier tome est surtout un prétexte à se familiariser avec cet univers fou et luxuriant. Dans lequel chaque animal, allié ou ennemi, quitte à être les deux, possède un comportement propre. Ménageant des moments d’humour autour de cette petite fille (seule exemplaire de cette espèce dans ce monde… Ça ne raconte pas grand-chose si ce n’est la présence généreuse d’une sacrée bande de personnages dans un décor qui adhère! Une bonne incursion pour tisser des liens avec ce récit, aidés par un visuel impeccable, et promettre que le deuxième tome poussera l’histoire un peu plus loin.

Tome : 1 – Sur l’autre rive
Scénario : Régis Hautière et Régis Goddyn
Dessin : Mohamed Aouamri
Couleurs : David Périmony
Genre : Aventure, Fantastique, Jeunesse
Éditeur : Casterman
Nbre de pages : 64
Prix : 14€
Date de sortie : le 15/05/2019
Extraits :