Le bon, la brute et les schtömeuls : du Wesh-tern plus « Astérix » qu’Eastwood avec des personnages-pictoresque

© Pain(t) chez La Valtynière

Ah les pionniers du Far West, les territoires vierges, les espèces insoupçonnées, ça fait rêver. Mais ça fait aussi marrer, triper. Avec Le bon, la brute et les schtömeuls (anciennement nommé par l’auteur Fraternité et infestations), Pain(t) – alias Lionel Cathelin – revisite le western à la sauce nawak, avec des décors façon BD gros nez et des personnages con-boys qui ne sont que l’ombre d’eux-mêmes, de leur bêtise, de leur humanité ou de leur mégalomanie.

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Résumé de Le bon, la brute et les schtömeuls par La Valtynière : Les frangins Raz et Balthazar ont quitté en hâte leur ville natale depuis plusieurs semaines déjà. Raz a accumulé de lourdes dettes au poker et autres « je-te-tiens-je-te-tiens-la-barbichette » qui ont mal tourné. Avec plusieurs créanciers peu commodes sur le dos, il a senti le vent tourner. Après avoir vendu la maison familiale, au grand dam de son jeune frère Balthazar, Raz a acheté à un promoteur louche un lopin de terre à bâtir, au-delà des frontières du monde civilisé. « Belle exposition, plein sud, calme assuré. Présence de quelques bestioles à peine tueuses et de tribus indigènes, mais rien de bien méchant ». Le discours du promoteur est bien rodé : Raz fonce tête baissée sur l’occasion. Et les voilà en roulotte approchant de leur terre d’exil…

© Pain(t) chez La Valtynière

Attention les yeux, vous n’allez pas forcément en prendre plein les mirettes, au premier abord, ici. Pain(t) invente son style en reprenant de vieilles recettes bien connues dans le Neuvième Art, comme la ligne claire qu’il rend plus ronde dans les décors et plus pictogramme dans les personnages. C’est un peu Astérix qui rencontre La Linea. Aussi simples soient-ils, les « héros » de Pain(t) sont néanmoins reconnaissables au premier coup d’oeil par les caractéristiques physiques, capillaires et vestimentaires, mais aussi les idiomatismes dont l’auteur les a affublés. Raz est grand, élancé et porte un haut-de-forme, il coupe la chique à l’autre. Balt(hazar) est petit, trapu et porte un chapeau-boule. Il a l’habitude que sa gueule, son frérot lui la clape (comme on dit en Belgique). Mais les grands espaces, ça peut vous changer un homme…

© Pain(t) chez La Valtynière
© Pain(t) chez La Valtynière

Et si Raz et Balt ont tout claqué (un peu obligés) pour venir se faire oublier, à dada, à des miles de la première ville, ils vont vite dénoter dans le paysage. Parce qu’il – surtout Raz’ – arrive avec ses grands sabots, crée un fort à son nom et a vite fait d’attirer, alléchés par la chair fraîche, de drôles de bestioles. Des espèces de punaises de lit monstrueuses, à la mâchoire carnassière. En arrive un, puis deux, puis cent, puis mille. Si vous ne percez pas la carapace des Schtömeuls (on vous épargne le nom vernaculaire qu’un scientifique leur a donné avant de finir en… table!), ce sont eux qui auront votre peau. Alors, pas de pitié. Rajoutez au tableau un Indien solitaire (y’a pas que les cow-boys qui le sont) puis une tribu placée sous la direction d’un chef couillu, et vous aurez les principaux protagonistes de cette histoire complètement dingue et inventive qui vous tiendra en haleine et zygomatiques pendant 182 planches. Jusqu’à un final tragicomique.

© Pain(t) chez La Valtynière
© Pain(t) chez La Valtynière

Le style de Pain(t) est-il réducteur? Pas tant que ça car le dessinateur offre des surprises, des éclats, avec de temps à autre des dessins plus sophistiqués, des contrastes, des explosions, des hommages à la peinture et des citations d’univers à des millions de kilomètres de là. Le jeu vidéo, par exemple. Le bon, la brute et les Schtömeuls, c’est une expérience psychédélique (pourtant en noir et blanc) dont le dessin amène au texte truculent, sans complexe ni limites, jouant d’anachronismes irrésistibles.

© Pain(t) chez La Valtynière

Alors, pour ma part, j’ai trouvé ça un poil long, avec quelques planches dont les vignettes sont trop redondantes que pour retenir l’attention. Mais je chipote car cela n’entache pas l’aspect feuilletonesque, addictif de cet album. Avant lecture, j’étais fasciné et intrigué par la couverture, moins par le contenu. J’avais peur. La surprise n’en est que plus belle. Car Pain(t) réussit à imposer sa marque et son rythme, à jouer avec les codes et langages de la BD, à en inventer avec beaucoup de bonheur et de décadence. Génial. Et saluons l’audace de La Valtynière, habituée aux petits formats, d’avoir porté ce western inclassable et épuré graphiquement sur un grand format. Malgré mon impression de départ, Le bon, la brute et les Schtömeuls le valait bien et marque encore plus le lecteur.

© Pain(t) chez La Valtynière
© Pain(t) chez La Valtynière

À lire chez La Valtynière.

La suite? Toujours dans le même style graphique mais avec des couleurs, Pain(t) prépare un autre récit aux racines de l’Amérique: la colonisation et les conquêtes. Le projet s’intitule La forêt cache les arbres aussi. Aperçu partagé par l’auteur sur son profil Facebook.

Projet La forêt cache les arbres aussi © Pain(t)
Projet La forêt cache les arbres aussi © Pain(t)
Projet La forêt cache les arbres aussi © Pain(t)
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