
Des petites vacances bien cramées et chan-mé à Centralia, ça vous dit. C’est là que ce jeune prodige, déjà bien en possession de ses moyens dessinés et séquentiels, qu’est Miel Vandepitte, 25 ans et flamand, a décidé de nous emmener. Soit un monde post-apocalyptique reposant sur un hallucinant fait divers à l’échelle d’une ville. Il bat la charge aérienne et le retour du western dans une Amérique qui n’a plus toute sa tête.

Résumé d’Albin Michel : Centralia est une ville fantôme, surchauffée depuis des années par des incendies de mines souterrains, et occupée par des troupes d’envahisseurs : les nasiques. Quelques habitants survivent dans cette étrange cité, et subissent des mutations causées par des vapeurs toxiques. Mais les lieux abriteraient également un fabuleux trésor ! Un groupe aussi décidé qu’hétéroclite se met en quête du magot, chacun pour ses raisons, et arpente les rues et les airs de la dangereuse métropole. Afin de devenir riches, nos héros devront survivre à la température étouffante, aux vapeurs toxiques et aux attaques des nasiques, sans compter les imprévus du voyage…


« Centralia est une ville fantôme du comté de Columbia, dans l’État de Pennsylvanie, aux États-Unis, aujourd’hui pratiquement abandonnée à la suite d’un incendie accidentel dans la mine de charbon souterraine s’étendant sous la ville, qui brûle depuis 1962 et ne s’éteint pas. Sa population est passée de 1 000 habitants en 1981, année où fut donné l’ordre d’évacuer, à 12 en 2005 puis 9 en 20071, faisant de la ville la municipalité la moins peuplée de Pennsylvanie. Tous les biens fonciers de la ville ont fait l’objet d’une procédure d’expropriation lancée en 1992. Un accord a été conclu entre les autorités de l’État et les derniers résidents en octobre 2013 afin de leur permettre de continuer à vivre à Centralia tout en sécurisant ensuite l’expropriation de leurs biens. Le code postal de la ville, 17927, a été supprimé en 2002. Depuis le début de la destruction de la ville en 1981, il ne reste à Centralia qu’une église, quatre cimetières, six maisons et un local municipal abritant un camion de pompier. »


Cette description, c’est celle qu’on peut lire sur Wikipedia (je sais, c’est mal, mais une fois de temps en temps…). À peine croyable, non? Alors, je ne sais pas si Miel Vandepitte est un gamer, mais ce méga-incendie dans les profondeurs terrestres a déjà inspiré une sacrée oeuvre de fiction: le jeu Silent Hill. Fin de la parenthèse, parce que ce n’est clairement pas dans le même univers que Miel Vandepitte nous entraîne. Si la réalité dépasse la fiction, rien n’empêche que la première redouble la seconde. Quitte à prendre de la hauteur. Yihaaa. Mais attention de ne pas perdre l’équilibre.

C’est ainsi que Miel change de perspective sur le western, en laissant certes pousser les moustaches des uns et les nez des autres (des opposants carrément gros pif) mais aussi en se faisant aérien. Sans rien oublier de la pesanteur. Là, on the wire (ou sur des trottinettes volantes ou des échasses), il y a Ace la journaliste et correspondante de guerre; Lonca, le chef de guerre; Jack Stonehand, muet mais efficace et intraitable sous ses airs de Davy Crockett ainsi que le Dr. Charden. Quatre face à une armée de nasiques mais il n’est pas impossible qu’ils trouvent, tout en se méfiant, dans cette ville maudite, des alliés de circonstances. Oh pas tout à fait normaux. Rester à Centralia les a fait muter et c’est pas joli à voir. C’est complètement chtarbé. Rien n’arrête Miel Vandepitte qui enchaîne les concepts sans trop en faire mais en servant son histoire. Pas de coquetteries.

Mais au-dessus de tout, il y a cette règle: surtout ne pas mettre pied à terre, ou plutôt sur ces marécages qui ne sont plus brûlants mais fondants! Et ce maître-mo(r)t, le voilà bousculé par une ville en perpétuel ébranlement. Ça tourne, ça craque, ça casse et les héros vont vite se rendre compte que le prétendu trésor qu’ils sont venus chercher est le cadet de leur souci. Dans les trous béants de cette ville pas si inhabitée que ça, les monstres ne demandent qu’à sortir. Florilège.

Il va falloir le surveiller de près de pied tendre aux idées franches. Miel Vandepitte impressionne dans cet album qui ne manque pas d’aplomb, qui va de Moebius à Claude Ponti en passant par Schuiten tout en ayant une forte identité et autonomie. Le jeune auteur ne se fige pas dans un trait mais a la bougeotte pour donner identité et singularité aux protagonistes que nous allons être amenés à croiser: des humains, des freaks et du weird… Puis, surtout, il y a cette manière de raconter, qui voltige, qui ne fait pas deux pages les mêmes. Alors forcément, pas d’ennui, mais une excitation à son comble. Vertigineux et séduisant, drôle et dramatique à la fois.

Et le Gantois prépare un nouveau roman graphique pour 2024, toujours en ville, toujours plus au sommet et dans l’air qu’en bas et dans la poussière. L’aperçu donné sur ArtStation donne envie!
À lire chez Albin Michel et pour un plus grand aperçu du travail de Miel Vandepitte, rendez-vous sur Instagram et ArtStation.













