Le rêve fou des uns fait le Cauchemar de l’humanité et de Pierre Ferrero : Pétain est de retour, fusionne avec Macron et lâche ses chiens et ses super-porcs Zemmour, Hanouna et consorts

© Pierre Ferrero chez L’Employé du Moi
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Avec Cauchemar, Pierre Ferrero ressuscite Pétain (mais en avait-il besoin) et balance un gros pavé – 400 pages – dans la marelle politico-sociale de ce beau pays qu’est la France! Oh, c’est pour rire. Il y a des zombies, des métamorphoses improbables (quoique…) et toujours plus d’action. Mais en fait, sous le voile des apparences et de la série B, c’est le portrait à peine décalé du monde d’aujourd’hui. Pas pour rire, pour peu qu’on ne laisse pas tout à fait son cerveau à l’entrée.

© Pierre Ferrero chez L’Employé du Moi

Résumé de Cauchemar par L’employé du MoiViolences sécuritaires, répartition inégalitaire, repli identitaire et désastres aux frontières ; la France d’aujourd’hui ressemble beaucoup trop à un véritable cauchemar. Pourtant, ce n’est que le début de cette sale histoire. Alors que le pays connaît des mouvements sociaux de grande ampleur, l’inimaginable va se produire. Quelque soixante-dix ans après ses funérailles, le Maréchal Pétain revient à la vie. Sous bonne escorte, le zombie fraîchement ressuscité gagne la capitale pour rencontrer le président. Là, c’est la sidération ! Les deux personnages, qui entretiennent quelques connivences, fusionnent en un monstre bâtard. Leur unique dessein est d’imposer un ordre totalitaire à la société tout entière. Pour ce faire, ils peuvent s’appuyer sur une armada policière qu’ils viennent de transformer en phacochères vénères. Une poignée d’individus solidaires — indigents, réfugiés ou révolutionnaires — prennent alors le maquis pour organiser la résistance loin des villes.

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« Pétain, reviens, t’as oublié tes chiens. » Face à une armée de flics lobotomisés, attendant d’en découdre, quitte à ce qu’on ne sache pas recoudre les blessures, une manifestation pacifique et antifasciste scande ces mots sans penser qu’ils pourraient être pris au sérieux, au premier degré. C’était sans compter un dispositif prêt à être déclenché, au moment venu, et à réveiller le maréchal Pétain. Le héros, le dieu vivant, celui dont au fil des années de nombreux personnages politiques se sont faits les héritiers, de manière annoncée ou secrète (de Polichinelle). Le temps est venu de les confondre et d’unir tout ce beau monde sous une seule bannière, de l’horreur. Les Zemmour, les Macron et tous les porcs de la Nation.

Recherches en vue du projet © Pierre Ferrero

Car Philippe Pétain, le puant revenu d’entre les morts, bénéficie en sa qualité de zombie de super-pouvoirs. Il transforme ses ouailles en bêtes de guerre (et de foire) pour mettre un terme à l’humanité, à la diversité, pour refermer les frontières et promouvoir l’idéologie réactionnaire, xénophobe, misanthrope en fait. Et ses adorateurs de crier alléluia, vivement le nettoyage, la purification, police partout, violence surtout, « ils l’auront mérité », etc.

© Pierre Ferrero chez L’Employé du Moi
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Par le biais d’une fiction, mais le calque laisse allègrement voir des phénomènes très actuels, éditée par la maison d’édition belge L’Employé du Moi, Pierre Ferrero s’en donne à coeur-joie et -haine. Il démont(r)e par l’absurde et la série Z la voie sans issue – sinon l’escalade – dans laquelle nous entraînent ces chefs d’état qui ne pensent qu’en « je », en « moi »; les slogans simplistes, les appels populistes, les stars médiatiques (hein Praud et Zemmour, Hanouna, ceux qui deviennent de vrais influenceurs politiques sous prétexte d’amuser la galerie), la manière de faire la lumière sur certains problèmes et pas d’autres, de ne pas les régler surtout, l’accentuation des inégalités sociales, et j’en passe… Du silence et de l’indifférence à la mort d’humains, aussi, comme Pierre Ferrero a pu le constater il y a quelques semaines dans les Alpes où il a grandi.

En mettant en parallèle le parcours du combattant des exilés (de pays en guerre ou en proie à la famine, à la pauvreté exacerbée) et la folle et violente ascension – qui se révèle être une simple formalité tant la majorité des électeurs se croit prêt pour l’extrême – de Pétain au pouvoir; Pierre Ferrero construit son récit en alternance, entre documentaire et (ce qui pourrait n’être qu’un) pur actionner. Avec des clashs. Mais face à la débâcle de l’humanisme et de l’intelligence, de la raison, face à la violence et la torture des nouveaux arrivants, il n’y aura pas de super-héros plus fort que Pétain et son armée de surhommes, surporcs, lobotomisés par la peur et l’égoïsme. Juste des hommes et des femmes, comme vous et moi, qui repoussent leurs limites, mettent leur vie en danger en espérant sauver le plus grand nombre. Aussi parmi les méchants, mais savent-ils ce qu’ils font, guidés qu’ils sont par des émotions tronquées?

Je ne connaissais pas Pierre Ferrero, il se révèle à moi avec cette oeuvre bien moins foutraque et bien plus sensée qu’il y paraît. Avec son dessin complètement dément, sa ligne claire qui croise le cartoon, et ses métaphores et inventions blindées (et pourtant rattrapées par la réalité entre-temps), l’auteur marque les esprits avec un excellent divertissement et avertissement. Ça se lit à un rythme d’enfer, c’est couillu et bourré d’effets spéciaux (quand Pétain fusionne avec Macron, ou peut-être est-ce l’inverse?). Le premier chapitre est en couleurs, le reste en noir et blanc mais tout autant haut en couleur. Un électrochoc, qui ne doit pas réveiller les morts, mais plutôt les vivants.

À lire chez L’Employé du Moi.

Preview : 

© Pierre Ferrero chez L’Employé du Moi
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