« La fièvre Lapérouse » s’est emparée depuis quelques années du Neuvième Art. Différents auteurs ont ainsi mis leur grain de sel dans les vastes étendues iodées et dangereuses. Notamment au large de Vanikoro, les Îles Salomon. Le but? Résoudre le mystère d’une expédition qui prit l’eau, tragiquement, avec trésors et conquêtes. Avec ses hommes qui ne reverraient jamais leur famille. Après Patrick Prugne et Boris Beuzelin, ce sont Marie-Agnès Le Roux, Laurent-Frédéric Bollée et Vincenzo Bizzarri qui vont à la pèche à l’un des secrets les mieux gardés de l’océan Pacifique. Une reconstitution humainement passionnante et déboussolante
Résumé de Lapérouse 64 par les Éditions Glénat : « Paris. 1964. Le nageur de combat François Guérin est dépêché à l’autre bout du monde pour une opération « secret-défense ». Retrouver l’épave perdue de La Boussole, le mythique vaisseau amiral de Lapérouse ! De nouvelles informations ont en effet été livrées aux autorités françaises, qui se mobilisent pour percer enfin le mystère de Vanikoro… François n’est pas attiré par cette légende « lapérousienne ». Mais le devoir l’appelle et il sait que le destin funeste de cette expédition n’a cessé d’obséder tous les pouvoirs français depuis près de deux siècles.
Partie de Brest en 1785 à bord de deux frégates, La Boussole et L’Astrolabe, l’expédition a subi plusieurs drames avant de disparaître corps et biens. Début 1788, après une halte dans la nouvelle colonie anglaise de Sydney. Sous la Révolution et durant tout le XIXe siècle, des recherches et fouilles ont été entreprises, notamment à Vanikoro, une île « maudite » du Pacifique.
Là, on sait qu’en effet L’Astrolabe s’est bien fracassée sur des récifs coralliens… mais quid de La Boussole, le navire où se trouvait Lapérouse ? Il semble bien que cette fois, on puisse apporter la preuve définitive du lieu du naufrage.
Lorsque le patrouilleur français, La Lilloise, arrive aux abords de Vanikoro, François ne se doute pas encore de ce qui l’attend. Sous les ordres du Capitaine de frégate Durieux, c’est une véritable « fièvre » qui semble s’emparer de l’équipage, prêt à tout pour arracher une relique des profondeurs… François va devoir agir avec prudence. Après tout n’est-ce pas l’orgueil des hommes qui mena l’équipage à sa perte 176 ans en arrière ? Et si la quête de la preuve ultime du naufrage de Lapérouse ne devenait pas, sous une météo exécrable et des périples hasardeux dans la jungle, le terrain idéal pour se tromper encore une fois et mettre des vies en danger ?
Sous l’œil parfois narquois de Viviane, une journaliste photographe indépendante et peu encline à suivre la hiérarchie militaire, François navigue assurément en eaux troubles… Est-ce la plus belle des quêtes qui est en cours, ou la plus absurde ?«
La boussole, c’est elle qui indique le Nord ou si on est à l’est ou à l’ouest, si les « on dirait le Sud » se concrétisent. Pourtant, cette fois, c’est bien elle qu’il faut trouver. Oh pas une boussole qui tient en main, non quelque chose d’immense et pourtant passé inaperçu au fil des décennies. De deux siècles, même. Depuis 1788, on est sans nouvelle de La Boussole, le vaisseau amiral de Lapérouse. Et si des restes de L’Astrolabe ont été retrouvés, jusqu’en 1964, on ne peut que soupçonner l’endroit où sa soeur a été expédiée par le fond.
La faute à des récifs qui ne pardonnent pas. Au large de Vanikoro. Là où, même avec des bâtiments navals plus modernes qu’à l’époque des aventuriers des mers, on navigue prudemment. On ne sort l’appareillage de plongée que quand on est sûr que la tempête ne va pas surgir du diable Vauvert.
Cette région-là du monde, François Guerin n’avait pas forcément envie de l’explorer. Le nageur de combat a bien compris qu’on ne lui laissait pas trop le choix. Cela dit, il y avait quand même plus excitant que cette mission, aux ordres d’un commandant cinglé et nourrissant l’espoir d’inscrire son nom en héros dans l’Histoire. Mais qui risque de repartir bredouille.
Alors, après, Peter Dillon, Haroun Tazieff et d’autres, Guerin se jette à l’eau pour tenter de faire la lumière sur l’énigme Lapérouse. De l’histoire froide et abyssale. Lui préfère l’action, l’histoire chaude et brûlante, au grand dam de son papa. Pourtant, cette opération imposée va peut-être rapprocher père et fils? Ce sera au moins ça. Pour y arriver, il faut néanmoins se la farcir cette équipe hétéroclite et ce décor sauvage, entre autochtones et une exploitation forestière.
Pas un long océan tranquille
Aujourd’hui, l’on en sait un peu plus sur la destination finale et mortelle de La Boussole. C’est grâce à la mission (il y en eut plusieurs, en fait, ramassées ici pour que le récit soit intelligible et divertissant) que nous raconte aujourd’hui le trio composé de Marie-Agnès Le Roux, Laurent-Frédéric Bollée et Vincenzo Bizzarri. Avec une feuille de route amenée à changer au fil des découvertes et des non-découvertes. Des heurts au sein de l’équipage, aussi, car tout le monde n’a pas la même vision des choses.
Avant de plonger, outre analyser la météo (en 1964, on ne sort pas son smartphone pour dire le temps qu’il fera cette après-midi), il y a aussi beaucoup de discussions. Et il s’agit de faire gaffe à l’ivresse des profondeurs mais aussi à celle des pionniers (pour autant qu’ils soient les premiers à vraiment investiguer cette zone?). Car, l’excitation est parfois mauvaise conseillère et peut amener l’imprudence. Mais aussi forcer la chance.
Rien n’est écrit. Tout est à créer en fonction des qualités et de la sincérité que chacun voudra bien mettre dans l’affaire. Car, finalement, dans leurs combinaisons de plongeur, ces hommes et ces femmes restent avant tout terrestres. Ils sont acquis à la résolution du mystère du moment mais aussi à leurs énigmes intérieures. Loin du monde civilisé, à côté de gens qu’ils ne connaissent pas et qu’ils ne connaîtront que quelques semaines, ces militaires, ouvriers, journalistes vont être travaillés de l’intérieur.
Ces héros savent d’où ils viennent mais où vont-ils?
Entre reconstitution d’une mission qui s’avère fructueuse au tout dernier moment et portraits de ses participants, les auteurs réussissent un album à la hauteur de sa couverture voyageuse, faite d’ombres et d’une lumière rasante. Ces héros savent d’où ils viennent mais où vont-ils? L’aventure est au rendez-vous, avec des petits naufrages et des petites victoires.
Vincenzo Bizzarri a su créer l’ambiance propice à cette reconstitution. Au crayon et aux couleurs, sur la terre comme dans les profondeurs sublimes, dans l’action comme les dialogues, aux tensions et rapprochements. Avec un aboutissement mais pas vraiment de happy end : l’histoire de Lapérouse 1788 comme de 1964 ne s’arrête pas là. Il y a dans cet horizon, des vents forts, des moustiques, des crocodiles, des colères et de l’apaisement, des imprévus…
De quoi s’amuser mais aussi retenir son souffle. Car l’Histoire ne recule pas, elle avance. Et même une expédition anodine pour le commun des mortels peut en changer le cours.
À lire chez Glénat.
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