Nocéan: la mer est montée, l’esprit cyberpunk a pris du galon et Ricard Efa brouille les pistes d’une héroïne que l’engagement salutaire pourrait rendre aveugle

© Efa chez Dupuis

Après avoir si bien raconté des histoires vraies, viscéralement et avec respect pour les héros de chair et d’os et désormais de papier qu’il animait, Ricard Efa change de genre et sans doute de public (ouvrant celui-ci aux plus jeunes et sans doute les plus concernés par ce que sera le monde de demain), soufflant le vent de la révolte. Dans Nocéan, l’eau a gagné du terrain et quand la question de savoir qui des multinationales ou de l’humanité devait survivre en primeur, on vous laisse deviner qui l’a emporté, bien aidé par un pouvoir despotique. Les adultes ont plié, se sont résolus mais leur progéniture ne va pas rester les bras croisés.

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Résumé de l’éditeur : Dans un futur où la montée des eaux a redessiné l’Europe, l’océan tel que nous le connaissions n’existe plus : c’est le Nocéan. Gérée par Systéma, une dictature néolibérale, la société vit au gré des conflits sociaux. Recueillie par une femme trop soumise au pouvoir à son goût, la jeune Atari rêve de s’engager, afin de venger sa mère activiste, tuée par la police quand elle était enfant. Profondément humaine, révoltée et intéressée par la tech, Atari va chercher à intégrer un groupe clandestin d’activistes : La goutte… Le premier pas d’une carrière de justicière sociale mais aussi d’une amitié. Car un autre monde est possible !

© Efa
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« (…) Après, par contre, fini les biographies ! Cela fait vingt ans que je fais de la BD franco-belge, quinze ans depuis mon dernier scénario. J’ai enchaîné les collaborations avec des scénaristes et postposé mes envies. Écrire, c’est un besoin pour moi, le rapport à la création est différent, dans la construction. Je monte ainsi un projet d’anticipation/science-fiction. Mais je ne dirai pas mon créneau. J’ai aussi un projet cyber-punk pour les plus jeunes. J’ai deux enfants d’une dizaine d’années, je vois ce qu’ils lisent, ce qu’ils aiment et je ne peux m’empêcher de m’en mêler. J’aimerais écrire des histoires qui pourraient leur plaire. J’aime l’idée de profiter d’un univers de science-fiction pour inventer l’avenir, le prochain monde. C’est important. Être scénariste est pour moi un chantier viscéral. Alors, peut-être que je ne m’en sortirai pas, mais je dois essayer. »

© Efa chez Dupuis
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Il nous avait prévenus en marge de la promotion de l’album Django, main de feu (consacré à l’incendiaire jazzman Django Reinhardt), et après avoir illuminé le destin de Degas comme de Monet, Efa balaie le réel pur et dur et les récits biographiques pour anticiper l’avenir, guère glorieux, qui navigue en eaux troubles et par trop contrôlées, mais capable de donner aux ados un terrain de jeu et d’enjeux pour changer leur quotidien et en tirer le meilleur. Mais les combats louables, portés sous des bannières séduisantes, peuvent vous induire en erreur. Et nouvelle dans la rébellion, Atari va faire ses choix, ses erreurs et sa profession de foi.

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Dans une teinte rose violacée, sur la couverture de ce premier opus, Efa dévoile Atari & Tika, ses deux héroïnes, dans un saut, stroboscopique, vers l’inconnu. Et pas forcément dans l’eau, devenue symbole mortel, incontrôlable, au bord de ces villes où il pleut souvent. Mais il y a beaucoup de monde dans les rues, quand même, une foule diverse dans laquelle peuvent se mêler des activistes de la Goutte, ce mouvement qui entend faire plier la dictature. Mais comment? Atari entend bien le découvrir et rejoindre le groupe. Même si cela la pousse dans l’illégalité, celle qui a rendu Atari orpheline, ce qui n’a fait que renforcer sa colère et son besoin de faire quelque chose en quoi elle croit pour que cette planète plus que jamais bleue tourne plus belle. Mais s’il y a la goutte, il y a aussi un cavalier seul qui entend bien contrecarrer les projets de ces ados aux destins déjà fracassés, ce qui les rend d’autant plus catégoriques.

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En conservant son style chaleureux mais en le rendant plus intrépide et plus rebondissant, avec des couleurs un peu plus glauques et pluvieuses, Efa réussit son entrée en matière dans cet univers qui court de plus en plus de fictions. Pour l’originalité du fond, on repassera, mais la manière dont l’Espagnol le développe, au niveau des psychologies et des actions, des surprises (quoi qu’un peu spoilées par le titre de ce premier tome et sa couverture), est très séduisante. Et si ce qui se ressemble s’assemble, encore faut-il savoir à quoi on ressemble ou à qui on veut ressembler dans la quête d’un monde meilleur. C’est intrigant pour la suite!

Tiens, en bonus et dans un autre genre, Ricard Efa a rejoint la bande de Zabus dans la série d’histoires courtes Les petits métiers méconnus :

À lire chez Dupuis.

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