Toonzie : tout le monde, il veut seulement le toon et le gourou Bouyssou lui donne, dans sa spéc’ odyssée

© Bouyssou chez 2024

On connaissait Tootsie, faites place à Toonzie. Mais vous n’êtes peut-être pas préparé à sa rencontre! Dans sa première oeuvre, folle et somme (des parties avaient déjà été publiées aux Éditions leMégot), Xavier Bouyssou, qui évolue entre Agen et Bruxelles, invente une nouvelle religion baroque et pop, qui prend la fiction pour réalité. Ainsi, chaque humain de cette planète serait en fait surplombé non pas d’un Jiminy Cricket mais d’un « Toon ». Oui oui, ces créatures animées, plus ou moins réalistes ou anthropomorphes qui font le bonheur des écrans pris d’assaut par la jeunesse et les adultes nostalgiques. Problème, on ne les voit pas, seul Toonzie peut vous aider, vous guider.

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Résumé des Éditions 2024 pour Toonzie : Toonzie va bientôt mourir. Dans sa luxueuse villa de San Bernardino, Coolifornie, seule une poignée de fidèles entourent encore le gourou déclinant. La mort de leur prophète sera un déchirement mais aussi une célébration car l’humanité toute entière sera alors  » toonzifiée  » : chacun pourra découvrir son propre Toon et vivre en harmonie avec lui, prouvant au monde que Toonzie avait raison. Pour que la prophétie se réalise, Toonzie doit mourir en paix. Alors que ses derniers disciples essaient d’adoucir la lente agonie du vieil homme, l’agent du fisc Adam Miller, lui, est bien décidé à faire de ses derniers jours un enfer…

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On connaissait les pastafaristes, les membres de la famille, voilà les disciples des Toons. Une secte, disent certains, question de point de vue. Toonzie, qui s’appelait dans une autre vie… tiens tiens… Xavier Bouyssou, a eu la révélation. Et il ne l’a pas gardé pour lui, répandant la bonne nouvelle et très vite rejoint pas des croyants, par-delà les frontières, jusqu’au Québec (charmant accent à l’appui). Mais le temps a passé, Toonzie a vieilli et son aura s’est affaiblie. Pourtant l’heure du grand changement approche. Sa profession de foi, de soi, veut que quand il disparaîtra, le commun des mortels – qui jusque-là devait tâtonner pour imaginer et être en accord avec sa conscience – verra apparaître son totem. Après moi les toons!

© Bouyssou chez 2024

Dans cette autofiction futuriste et débridée, complètement déjantée, le gourou Xavier Bouyssou (avec des lunettes, miroir, qui me fait penser à un Polnareff qui chanterait Toon toon pour ma chérie) a pensé à tout pour donner corps et esprit à cette farce qui s’appuie sur des réalités: les modes (ici, on se coupe les oreilles), les fascinations, le règne des écrans et de leurs héros, l’évolut-oon du langage, le changement climatique qui n’a pas été enrayé (il n’y a plus de saisons et de sacrés phénomènes météorologiques), les clichés liés aux nationalités aussi. Avec quelques pages en couleurs mais la majeure partie en noir et blanc, le jeune auteur remonte le temps, entre rêves et détonante réalité, pour approcher le point de non-retour. La religion proposée par Toonzie va-t-elle se réaliser ou s’avérer être une arnaque. En attendant la vie coule, dans ce bâtiment en sursis de la Coolifornia, où la famille (des vieux de la vieille mais aussi des nouveaux adhérents) a trouvé un lieu pour partager leur adoration des toons. Mais ils ne font pas qu’un, chacun a tout de même ses envies, ses idées, ce qui peut parfois foutre la pagaille.

© Bouyssou chez 2024
© Bouyssou chez 2024

Encore plus quand le maître semble perde la boule et que la communauté à le fisc au cul. De la chronique sociéto-familiale à l’aventure surréaliste qui se passe dans le coma de Toonzie, Xavier Bouyssou réussit à nous garder captif jusqu’au bout de son pavé (294 pages, quand même), malgré les moments de mou et les personnages qui nous parlent moins, et surtout l’usage à l’économie des fameux toons (plutôt Disney, Tex Avery ou Looney? Un peu de tout, bien agité). On a envie de savoir ce qu’il va se passer. Puis ce n’est pas tous les jours qu’on a, entre les mains, un délire assumé, incarné de bout en bout, créatif, expérimental malgré un dessin, qui je l’avoue, n’est habituellement pas ma came, un peu austère. Peut-être manque-t-il des couleurs? D’autant plus que les passages colorisés ont une vraie identité, une vraie patte.

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En tout cas, Xavier Bouyssou s’incarne comme un grand talent à venir, un caméléon capable de tout et n’importe quoi. Peut-être même que, dans sa veine, il pourrait nous faire cet ersatz du Qui veut la peau de Roger Rabbit, que certains attendent. Voilà un album qui dépote et dont on ne perce sans doute pas tous les secrets à la première lecture.

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À lire aux Éditions 2024.

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