
Récemment, je vous parlais du diptyque L’emprise, l’occasion de dresser le portrait des jeunes éditions ABA Academy, modèle d’accompagnement au plus proche des auteurs qu’elles soutiennent et éditent. En science-fiction mais aussi en aventure à la Indiana Jones ou à la Benjamin Gates. Le Parisien Quinn Novak brigue une place entre ces grands chercheurs de trésors, en se mettant sur la piste de rien de moins que le… Graal. Dans une direction diamétralement opposée à ce qu’on imagine habituellement, du côté de Rennes-le-Château, de la Turquie ou de Petra.
Résumé du tome 1 par l’éditeur Aba Academy : Quinn reçoit un dossier poussiéreux d’un ami qui tient une échoppe de livres en bord de Seine. Quelques instants plus tard l’homme se fait descendre. Le jour suivant c’est l’appartement de Quinn qui est retourné. Il réalise que rien n’arrêtera les tueurs tant qu’ils n’auront pas pris possession du dossier…


Dans Indiana Jones et la dernière croisade, au début du film, Indiana Jones et sa troupe quittaient l’Allemagne en zeppelin. Peut-être, auraient-ils bien fit d’y traîner un peu plus, en Bavière plus précisément. En tout cas, c’est là que Quinn Novak (patronyme qui claque, non?) et l’entreprenante Cheyenne, qui ne connaît le premier que depuis quelques heures mais n’a rien de mieux à faire que de le suivre pour percer une des plus grandes légendes), partent vite fait.


Pas par besoin de vacances mais parce que la situation s’est mortellement gâtée à Paris, après que Quinn ait reçu des mains d’un vieil ami un dossier qui relance la quête du Graal. Alors, après lecture et sur un coup de tête, réfléchie, le duo part chercher réponses en Bavière, pays de Louis II, ersatz prusse du Roi Soleil, souverain romantique et obnubilé par les mystères des chevaliers de la Table Ronde. À la trousse de ces aventuriers en tenue décontract’ (bien emmitouflés, cela dit, sur les hauteurs enneigées), les mêmes sbires qui ne reculent devant rien, même pas un tir en pleine foule, pour annihiler les projets archéologico-culturels de nos héros. Une organisation qui fascine comme elle inquiète: les Illuminatis.
Dans cette course-contre-la-montre – alors qu’on prête au Graal les pouvoirs de l’éternité -, rien n’est facile et le jeu consiste à mettre en place des pistes et des fausses pistes. Y compris des textes majeurs de la légende arthurienne pourraient avoir été écrits pour induire les nouveaux chevaliers de la table ronde en erreur. James Vandermeersch, au scénario, et Patrick « Vanon » Van Oppen, au dessin (suppléé par les couleurs de Sunil Ghagre) profitent donc de l’occasion pour nous emmener en voyage au frais de la princesse, ou plutôt du roi Lune, et nous donner une leçon ludique d’histoire, de culture, de patrimoine, naturellement romancée et avec quelques lignes de fiction pour servir l’intrigue, permettre aux personnages de foncer ou parfois rebrousser chemin, dans des décors luxueux, trouvant alchimie entre nature et architecture humaine.


Nous voilà d’ailleurs aussi hôtes et visiteurs privilégiés des châteaux construits, en tout ou en partie, par Louis II et pouvant receler des indices… si pas la coupe sacrée.


Un peu de fraicheur au mythe, voilà ce qu’apportent avec plaisir et érudition (un dossier documentaire accompagne le récit) les auteurs. On sent leur passion et leur volonté d’en apprendre au lecteur tout en le divertissant. C’est parfois un peu pataud, on sent parfois que le destin des personnages est un poil forcé, mais on se laisse faire. Le dessin tient bien la route dans les moments de contemplation, de flashback ou d’action, et le scénariste prend des partis pris assez osés et risquant d’avoir des conséquences sur le futur du héros. L’histoire est ici complète en un tome après un dénouement certes un peu téléphoné sans que rien n’ait permis au lecteur de l’imaginer complètement.


Je me demande maintenant à la quête de quel autre objet culte Quinn Novak, qui est photographe à la base, pourra bien se lancer dans le tome suivant, ou plutôt les deux tomes suivants. En effet, Patrick Van Oppem nous explique : « L’histoire va se dérouler sur 2 tomes. Les titres de travail sont ‘Le Mécanisme d’Anticythère’ et ‘La princesse de l’Atlantide’. Le mécanisme d’Anticythère est une découverte archéologique d’un étrange mécanisme (ndlr. il est considéré comme le premier calculateur analogique antique permettant de calculer des positions astronomiques.), trouvé dans l’épave d’une galère romaine. C’était une sorte d’ordinateur rudimentaire. Il contient un minerait rare. Quinn et sa nouvelle collègue feront un reportage sur le sujet pour le magazine Timeline. Le reportage les conduit de Santorin au sud du Portugal. Et, entretemps, on visite l’épave du Titanic. Bien sûr, l’aventure ne sera pas sans difficultés diverses. Mais je ne sais pas encore quand ces deux albums sortiront. Je dois trouver le temps de les achever.«


Le contrat est rempli et l’univers a du potentiel. Et ce premier escape game grand angle nous donne envie, à notre tour, si d’autres oeuvres ne l’avaient pas encore fait, de nous lancer à la poursuite de ce récipient tout sauf banal.
