
Un album tous les quatre ou cinq ans, voilà le rythme auquel Romain Baudy (qui, à côté de son activité de bande dessinée, est créateur de jouets engagés) se rappelle à notre (bon) souvenir. Nous l’avions laissé au creux de la terre, bien enfoncée, avec ses Souterrains assaillis d’étranges créatures, de robots et de mineurs envoyés au casse-pipe, le voilà qui explore l’espace qui nous entoure, aux quatre coins du monde, des terres glacées à celle de feu, en passant par un jardin micro-macroscopique, mais aussi l’infini des étoiles. Avec Space Connexion, El Diablo entraîne le dessinateur dans des nouvelles graphiques extra-terrestres dont l’humain est la victime… ou le (propre) bourreau.

Résumé de l’éditeur : Le projet Space Connexion réunit des nouvelles « coup de poing » sous une thématique commune : la rencontre extra-terrestre ! Thème certes déjà exploré en bande dessinée, la rencontre du 3e type a toujours été traité en réponse à l’actualité d’une époque donnée. Anxiogène dans les années 50 en pleine guerre froide, pleine d’espoir dans les années 80 (grâce à l’œuvre de Spielberg), horrifique dans les années 90… elle est le reflet d’un état d’esprit du monde. Avec cet album artistique, on plonge en 2010, une époque pleine d’incertitude. Les menaces se sont multipliées, qu’elles soient d’ordre écologique, diplomatique, pathologique, sanitaire… Nous vivons dans une société en totale mutation et sommes incapables de nous projeter. L’humanité va-t-elle péricliter dans une épidémie meurtrière, une apocalypse nucléaire ou un assèchement des ressources naturelles ? Ou au contraire, les progrès de la Science vont-ils nous hisser vers la plénitude ? Vivra-t-on sous un régime totalitaire généralisé, ou les hommes découvriront-ils enfin la clé de la cohabitation globale ?

Les extra-terrestres, appelez les aliens ou martiens, sont souvent présentés comme des créatures dégénérées, viles et monstrueuses. Dévastatrices, à notre échelle tout humaine et échelonnée par nos intérêts. Et si on nous avait menti, qu’une fois passé l’enlèvement, la rencontre frontale ou dérobée, ces êtres venus d’ailleurs étaient armés de bien meilleures intentions que nous?

Dans cette première collection de quatre histoires courtes, El Diablo et Romain Baudy changent d’angle de vue et si l’apparition fantastique reste maître de ce jeu, force est de constater que les humains, lambdas, golfeurs ou grands scientifiques, une fois qu’ils se sentent menacés ne réagissent diablement pas comme dans les films… Oh non, à l’état sauvage, place au chacun pour sa gueule, pour son sexe, les pulsions survivalistes prenant le dessus sur le collectif. Après tout, on sait à quel point souffre notre bonne vieille terre à cause, en majorité, de l’activité de l’homme, encore plus ces dernières décennies.

Ainsi, la terre est prise comme laboratoire par les-dits envahisseurs qui jouent les sociologues et servent d’alibis à la critique sociétale en habits rétrofuturistes. Le dessin est gourmand mais le menu, plein de bonnes idées et de retournements de situation, s’avère light. Car on a vite avalé cette première anthologie qui en appelle une autre, en août. Clairement, les deux auraient pu être rassemblées en une (surtout pour ce prix-là, pas donné, pour une poignée de minutes de lecture dans des dimensions moins étendues que le format BD franco-belge classique). Romain Baudy a réalisé un excellent travail, spectaculaire, un peu dans la veine de Lorenzo Di Felice (dans Oblivion Song) pour incarner aussi bien les humains que les « étrangers ». Avec de la gueule et une atmosphère pulp et comics, les mini-récits sont cinglants, addictifs tout en me laissant sur ma faim. Car le format ne permet pas d’aller plus loin, laissant la voie ouverte mais en manquant de biscuit.


Titre : Space Connexion
Tome : 1/2
Recueil d’histoires courtes
Scénario : El Diablo
Dessin : Romain Baudy
Couleurs : Arancia Studio
Genre : Fantastique, Science-fiction
Éditeur : Glénat
Nbre de pages : 64
Prix : 15,50€
Date de sortie : le 11/05:2022
Extraits :