Sous l’aile et la voile de Victor Hubinon, de Buck à Barbe-Rouge, une vie en dessins à côté desquels on ne peut passer !

© Hubinon

En fin de vie – il n’a malheureusement pas vécu très vieux, la Camarde nous privant sans doute d’autres trésors – Victor Hubinon avait des allures de pirate. Au début de sa carrière, gentleman, jeune premier, il avait le look parfait du pilote d’avion. Ce qu’il a d’ailleurs été, de quoi alimenter un peu plus sa précision diabolique et sa scénographie majestueuse. Il n’a pas fait les choses à moitié, il s’est même crashé. Jamais sur sa table à dessiner, en tout cas. L’association Dupuis-Champaka nous offre un nouveau pavé d’Une vie en dessins en s’intéressant au maître sur mer comme dans les airs.

© Couvreur/Hubinon chez Dupuis/Champaka

Résumé de l’éditeur : Victor Hubinon est le fondateur du style réaliste du journal Spirou qui a fait entrer Buck Danny dans la légende de la bande dessinée franco-belge. Dès la création de Pilote, Hubinon fait de Barbe-Rouge une référence absolue pour la bande dessinée maritime. Pour tous ces récits, il forme un duo de choc avec Jean-Michel Charlier, un géant du scénario. Plus qu’un simple dessinateur, Hubinon est un authentique auteur développant une écriture personnelle à bien des égards innovante. La notoriété transgénérationnelle de Buck Danny masque souvent les trouvailles stylistiques de son génial auteur. Victor Hubinon – Une Vie en dessins offre enfin une formidable redécouverte du génie d’un dessinateur trop souvent resté à l’ombre de la légende Buck Danny !

© Hubinon
© Hubinon

Buck Danny et Barbe-Rouge sont les plus célèbres et immortels, aujourd’hui repris par d’autres auteurs et parfois dans différentes collections, mais c’est une sacrée galerie de personnages que Victor Hubinon a animés tout au long de sa carrière, le plus souvent en compagnie de l’incroyable Jean-Michel Charlier mais aussi, parfois, sur ses propres scénarios : les authentiques Mermoz, Stanley ou Surcouf, Tiger Joe mais aussi dans un style moins réaliste et plus rond Blondin et Cirage, Fifi ou encore Pistolin (sur scénario de Goscinny, s’il vous plaît!).

© Hubinon
© Goscinny/Hubinon

Quand j’étais minot, mais pas de trop, dans la formidable bédéthèque de mon parrain, j’ai dévoré les albums de Barbe-Rouge qu’il possédait, non loin des Astérix. Deux visions d’une piraterie qui joue parmi les thèmes obsédants des auteurs de BD. Par contre, je dois bien avouer que le monde des avions, comme celui des voitures d’ailleurs (moi qui ai du mal à différencier une Citroën et une Opel, par exemple), en bande dessinée, c’est très loin d’être ma came. Je laisse ça aux autres, le plus souvent. Encore plus les histoires sorties d’un autre temps, de l’âge d’or. Fou que je suis. Peut-être aussi parce que je m’en suis fait une fausse idée. Cet album, comme tous les précédents (Le Marsupilami de Batem, François Walthéry, Frank Pé, Chaland), pourtant, c’est comme les coffres aux trésors dans les films. On l’ouvre et la lumière irradie plus que de raison, emplissant la pièce.

© Hubinon

Et c’est exactement cet effet qui se produit quand on s’engouffre dans ces pages retraçant la carrière et les facettes de Victor Hubinon. Et comme je n’y connaissais rien, j’ai appris beaucoup sous la plume de Daniel Couvreur, journaliste et responsable de la cellule culture du Soir. Comme toujours, Éric Verhoest, directeur éditorial et galeriste de Champaka, a sélectionné un large échantillon de planches mais aussi de recherches, de couvertures, du début à la maturité, agrandies pour bien profiter de tout le talent dont était capable Victor Hubinon. L’analyser et l’apprécier. Dans les airs comme sur terre, puis dans la mer, dans le réalisme plus vrai que nature comme dans un esprit quelque part entre l' »école de Marcinelle » et l’Amérique de tant d’auteurs inspirants. En même temps, Victor Hubinon était capable de faire une planche à la pointe de la technologie (tellement que violence et dimension politique de ces histoires lui valurent la censure) et des attitudes de personnage et une autre de Fifi.

On découvre aussi le travail de peintre d’Hubinon, chaînon manquant évoquant Dali ou Magritte. Les reproductions présentes dans cet album sont assez dingues! Quelle maîtrise de la couleur pour ce roi du noir et blanc se suffisant tellement à lui-même, et c’est rare.

© Hubinon
© Hubinon
© Hubinon

C’est d’ailleurs un des points sur lequel appuie François Schuiten dans les autres deux tiers de cet album, ce beau-livre. Oui, c’est François Schuiten, créateur de cités obscures et autres rêves, qui est le deuxième guide de cette visite rien qu’à nous. Fin connaisseur et grand amateur du travail d’Hubinon, Schuiten, dans de courtes interventions n’évitant parfois pas le trop-plein de superlatifs qui n’étouffent pas pour autant ce témoignage passionnant, retrace chronologiquement le travail de son illustre prédécesseur et attire le regard sur les grandes forces de l’artiste: cette manière de découper le mouvement avec plusieurs éléments (dans une même couverture ou une même case, plusieurs avions pour montrer le déplacement d’un seul); cette manière de ne rien mettre de trop, de ne pas en faire des caisses; de jouer avec les échelles de grandeur sans s’y perdre; de manier les outils; de gérer la mise en scène pour qu’elle soit optimale pour générer les émotions et la tension du lecteur.

© Charlier/Hubinon
© Hubinon

Petit reproche, toute cette seconde partie est essentiellement focalisée sur Buck Danny, avec comme cocasseries que beaucoup de planches sont en néerlandais (ou tweetalig, c’est enrichissant de voir les vestiges de la traduction sur base des originaux en français), je n’aurais pas craché sur un peu plus de Barbe-Rouge, ou La Mouette, oeuvre restée inachevée devant l’éternel. Pour le reste, quelle leçon, quelle créativité et quel sens de l’action. Qui va bien plus loin que me faire aimer les avions – je lirais bien quelques Buck Danny, tiens -. Ce genre de livre est inestimable.

© Hubinon

Titre : Victor Hubinon – Une vie en dessins

Beau livre

Direction éditoriale : Éric Verhoest

Textes : Daniel Couvreur

Commentaires des planches : François Schuiten

Genre: Art book, Beau livre, Biographie, Étude, Monographie

Éditeur: Dupuis / Champaka Brussels

Collection : Une vie en dessins

Nbre de pages: 320

Prix: 55€

Date de sortie: le 14/01/2022

Extraits: 

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