L’origine du Monde, la fin d’autres : entre bd de cul et pur entertainment philosophique, Geoffroy Monde impressionnant
Si un jour, vous voyez des espèces de montagnes avec des bras et des jambes tutoyer les plus hauts buildings de votre ville, pincez-vous. Si malgré tout, vous constatez que vous ne rêvez pas, c’est que vous êtes tombé dans l’imaginaire de Geoffroy Monde. Celui dans lequel des dieux olympiens peuvent également vous faire du rentre-dedans, vous passer sur le corps dans une onde de plaisir sans que vous ayez vu venir quelque chose. Geoffroy Monde, entre je-m’en-foutisme et déclinaison de sujets plus sérieux sans se départir de son audace, de ses traits d’esprit farfelus, corrosifs, irrésistibles. Dont on aura un encore plus grand panorama en mai.
Résumé de l’éditeur : La Terre et la planète Alta sont-elles vouées à se détruire mutuellement et définitivement ? Alors que les cyclopes sèment le chaos sur Terre, sur Alta, la reine Kiba et le professeur Nansen, aidés par la mystérieuse organisation des Merles, cherchent toujours à briser le lien entre les deux mondes et à empêcher la guerre menée par Rachel et Valéria. Poussière réussira-t-elle à convaincre sa soeur Ayame d’apaiser la colère des géants altiens et mettre ainsi fin au conflit ?
Je ne suis pas sûr que tous les lecteurs ayant assisté au début de cet OVNI qu’est Poussière soient présents pour la conclusion. Mais ça n’enlève rien au talent de Geoffroy Monde, perché mais transcendant. C’est sûr, il faut suivre ce trublion qui a fait preuve d’une nouvelle facette de son art en imaginant cette saga interstellaire et pourtant beaucoup plus proche de nous qu’elle ne semble. Dans le troisième tome de sa trilogie, le voilà qui soulève le voile de tous les mystères éthiques et mythologiques.
À 35 ans, celui qui depuis onze ans tâche de sans cesse se renouveler dans des albums toujours plus improbables. Après avoir fait parler l’absurde, voilà Geoffroy qui veut trouver un sens à l’insensé. Sans besoin de Thanos ou autre Darkseid, notre planète bleue s’est retrouvée liée à une planète lointaine. Les deux équilibres en ont été impactés, tout va disparaître, un drôle de transfert. Pas le temps de s’installer sur un divan, pour la cause (on peut cela dit réfléchir en agissant), le temps presse. Sur Terre comme sur Alta.
Passant d’un décor à l’autre, Geoffroy Monde réussit une fin d’époque dévorante, épique tout en cherchant l’éthique, ce qui vaut la peine ou non d’être sauvé. Pour ce faire, il a une quantité de personnages assez phénoménale, quelques humains normaux et pas mal d’extra-terrestres équipés de super-pouvoirs qui sont autant de handicaps physiques, esthétiques. Un mal pour un bien ou pour un autre mal.
Entre action et réflexion philosophique, cathartique, Geoffroy Monde a trouvé les forces de son dessin qu’on n’aurait pas vu, il y a peu, s’engager (car il y en a de l’engagement, autant que de la folie) dans une telle fresque. Les effets, les dimensions mêlées au niveau de l’espace comme du graphisme, tout est maîtrisé dans ce dernier album.
Avec, comme dernière planche, une fin ouverte mais peut-être résignée, une fin de non-recevoir ou un aveu de faiblesse, de défaite, petit humain que nous sommes, avec tous nos combats trop grands pour nous et pourtant issus de nos comportements détestables, devant un champ des possibles métaphysique, troublant, délirant, semblant à côté de la plaque au premier abord, et viable au second. Bien plus qu’ici-bas où l’on a l’impression que l’Homme est de moins en moins capable de sauver ce qu’il a saccagé. Car malgré l’apparence que peu prendre le style Monde, la vie n’est pas un jeu vidéo.
Résumé de l’éditeur : Jadis, les Dieux de l’Olympe régnaient sur trous les êtres vivants. Les Hommes leur étaient soumis… jusqu’à ce que Prométhée décide de les libérer. Pour leur insuffler le Feu Sacré, le vigoureux Titan n’eut qu’une seule solution : leur passer sur le corps, sans leur demander leur avis, répandant le savoir dans l’humanité comme une MST pandé-nique. Prométhée puni et enchaîné, la bande des dieux craignant de disparaître aux yeux des humains, envoyèrent Mercure en grande pompe, reprendre patiemment la vénérable flamme à chaque femme et chaque homme de la planète. « Plus jamais ça », dirent les humains après cette double conquéquette, en rajoutant : «Promettez-nous ».
Ça ressemble à un manga, un livre de poche mais détrompez-vous: c’est un livre de cul. Et pas le premier, le 24e de la collection BDCul aux Éditions Les Requins-Marteaux, dernier-né (enfin depuis est sorti le Teddy Beat 3 – Sex Change de Morgan Navarro) d’une série de propositions découvertes par des auteurs de premier plan : Bastien Vivès, Aude Picault, Guillaume Bouzard, Hugues Micol ou encore Ugo Bienvenu. Le tout sous des couvertures souvent audacieuses et fabriquée avec des effets spéciaux. Pour le Privilège des Dieux, ce sont rien de moins que des éclairs argentés qui jaillissent de l’entrejambe du héros, Prométhée. Enfin, le héraut qui s’est retourné contre ses géniteurs: les dieux de l’Olympe. À cheval sur le monde entier, il ne pensait pas si bien dire, et jouir.
Le chibre en avant, les coudes en arrière, les genoux pliés, Et tchic et tchac et tchic et tchac et tchic et tchac han-han. Des millénaires avant Fragmax, Prométhée avait déjà la rythmique pour disperser le savoir et le pouvoir des dieux: le feu sacré de la connaissance. Celui-là même qu’ils gardaient secret et sans partage pour que les terriens leur mangent dans la main. Parce que quand on croit, on a peur, on sert au mieux pour bénéficier des meilleurs auspices.
Dans son périple iconoclaste, le Titan à la dégaine tout en muscles a ainsi décidé, pour une obscure raison, de disperser ce feu tout en devant l’allumer en toute créature humaine habitant notre monde, dans tous les continents, sous l’océan ou dans les airs. Tous, mères et pères, soeurs et frères, vieux et jeunes, devaient subir l’onde de choc, l’irrésistible vague de plaisir amenée par ce brakmar d’enfer… qui jetait un froid sur Jupiter et leur clique. La fin de leur règne était-elle en approche, coup de rein après coup de rein.
Alors pour contrer Prométhée, pas le choix, il a fallu envoyer Mercure pour reconquérir la tête à coups de bite. Ben oui, action – réaction. Voilà comment, de manière interposée et décalée, à travers les temps et les âges, le combat du bien contre le mal a procuré bien du plaisir à une foule en sueur. Mais qui allait gagner ? Et qui allait, entre deux coïts révéler aux humains quelques secrets pour évoluer.
Bousculant sans aucun doute le nombre de rapports sexuels présents dans un livre (et même sans doute à l’écran), Geoffroy Monde livre un album pop et dément, hardcore mais pas trop porno. Parce qu’à force d’en montrer à tout bout de champ, l’auteur démystifie l’engin de tous les tabous et nous plonge dans son histoire héroïco-mique en s’offrant le luxe de visiter tous les décors et toutes les époques, y compris dans les costumes et les modes (vous pensiez vraiment que 208 pages – pubs comprises – durant, sans Durex, le monde entier allait courir tout nu à sa perte ou à sa révélation?). Western, prohibition, moyen-âge, tout y passe, et repasse. Le plaisir libertaire mais aussi l’amour, ce sentiment que, peut-être, les dieux ne connaissaient pas, et pouvant revêtir différentes formes. Sans s’encombrer des conventions, du regard des autres. Entre hommes entre femmes ou de manière hétéro, dans la plus grande des puretés, l’origine du Monde démonte.
La suite, best-of parrainé par une gloire de Fluide Glacial
Et ça va continuer d’être ça fête à Monsieur Monde puisque, sous le haut patronage de Daniel Goossens, le trublion aura l’honneur du second tome de L’Institut Fluide Glacial, nouvelle collection dédiée aux auteurs qui constituent la relève de Fluide Glacial. Parmi ces 56 pages, on trouvera un best-of des planches publiées par le caméléon graphique (également auteur-compositeur-interprète dans les projets Cadet ou Attention) au fil des dernières années dans le magazine d’Umour. Ça sort le 12 mai.
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