Acteur, réalisateur, auteur, dessinateur… Hugues Hausman est au carrefour des Arts, heureusement pas tous confinés même si notre artiste polyvalent a dû se réinventer. Alors qu’il était de passage à la galerie Aarnor pour soutenir son ami Bruno Gilson, l’occasion était trop belle. Son irrésistible recueil de calembredaines (le premier de ce qui pourrait être une longue série) sous le bras, nous avons longuement discuté avec ce passionné de l’équilibre et de l’immédiateté, des mots qui font mouche et des rencontres improbables. Interview passionnée et passionnante.
Bonjour Hugues, je ne vais pas vous faire l’affront de vous demander ce que signifie ce mot presque oublié qu’est Calembredaine, vous en retranscrivez la définition en ouverture de votre album. Mais comment est née l’idée d’en faire ?
En réalité, j’en ai toujours dessinées. À mes débuts, j’avais créé un personnage: Édouard Clarke, très influencé par Le Chat, Philippe Geluck est un ami de la famille. Ce personnage était chouette mais il ressemblait trop au Chat, en philosophe approximatif. Alors, je l’ai abandonné mais j’ai continué mes dessins.
Le nom calembredaine veut bien dire ce que ça veut dire. J’ai redessiné des idées que j’avais eues avant, cette fois-ci sans Édouard. Et d’autres personnages leur convenaient bien aussi, ça les démarquait même.

Le Chat n’était quand même pas loin.
En effet, avec Philippe Geluck, j’ai travaillé sur la saison 2 de la série de capsules animées du Chat qui n’a pas vu le jour. Nous collaborions dans une sorte de ping-pong, de cadavres exquis en duo qui naissaient à mesure que nous échangions nos feuilles. Si cette saison animée ne voit définitivement pas le jour, il y a bien de quoi faire un album, de gags en une planche. J’aimais la différence de graphisme entre la BD et la série télévisée, mais manifestement cela avait décontenancé une partie du public. Pour la saison 2, nous travaillions à une version simplifiée, pour nous rapprocher de la BD.
En attendant peut-être un album du Chat que vous cosigneriez, voilà donc le premier album de Calembredaines.
En fait, c’est le deuxième n°1. J’avais, il y a quelques années, sorti une édition limitée, regroupant une centaine de gags et limitée à 50 exemplaires. Une sorte de maquette en fait. Cette fois, il y a 331 dessins et l’album a été tiré à 500 exemplaires.
Avec, sans doute, ce qui est la préface qui a nécessité le plus de temps d’écriture à son auteur, Philippe Geluck. Entre 1965 et 2017.
“ Qu’est-ce que j’aime ça, les petits dessins rigolos et jolis à regarder ! Je ne sais pas pourquoi, mais ça m’a toujours plu. Ça doit me venir de mon père qui n’y entendait rien à la bédé mais qui se passionnait pour les cartoonistes. C’est lui qui m’a fait découvrir Siné, Sempé et Steinberg. C’est encore lui qui m’a entraîné vers Ungerer, Chaval et Copi. C’est grâce à lui que j’ai découvert dans sa collection de Playboy et de Lui, planqués au fond de l’armoire à 33 tours, les Bosc, Sokol ou Interlandi. Maintenant que je m’y essaie aussi, à cet art majeur, je ressens ce qu’ils ont tous dû vivre à un moment ou l’autre, ce sentiment d’admiration infinie mêlée de jalousie féroce devant la trouvaille d’un confrère. Mais bordel de merde, pourquoi c’est lui qui a eu l’idée et pas moi ? C’est tellement con comme j’aime et j’aurais été si fier de la trouver avant lui ! ”
En relisant ces lignes, rédigées en 1965, à 11 ans et demi, je me suis dit qu’elles n’avaient pas pris une ride et qu’elles conviendraient parfaitement à la préface de Calembredaines. C’est comme si elles avaient été écrites pour Hugues, à une époque où il ne dessinait pas encore pour la bonne raison qu’il n’était pas encore né. Je ne pouvais pas me douter à l’époque que je serais un jour jaloux d’un gaillard qui n’existait même pas encore. Mais attention, comme à l’époque, jaloux et admiratif. Même plus admiratif que jaloux. En fait, que admiratif et pas jaloux pour un sou. Comment ne pas l’être devant un talent aussi éblouissant ? Hugues Hausman dessine comme j’aime : c’est simple et subtil, c’est beau et ça me fait rire à chaque fois. Et, cerise sur le gâteau, c’est très con. Ce type a décidément tout pour lui !
Elle est magnifique cette préface de Philippe, je suis super-honoré qu’un gars que j’admire écrive ceci à propos de moi. En fait, Bruno Gilson a créé cette petite structure d’édition, La surprise du chef, comme un label. Ça me rassurait plutôt que de me lancer sans filet, de m’autoproduire purement et simplement comme je l’avais fait avec mon dernier film dont aucun distributeur n’a voulu. En plus, le premier album de Bruno, Tatanka, avait le même format, à l’italienne. Comme je n’étais pas connu, j’ai demandé à Philippe s’il voulait bien signer la préface. Peut-être que le lecteur serait plus enclin à acheter cet album en voyant le mot de Philippe. Il n’y a pas de secret. Mais ça me met déjà la pression pour le tome 2, il va falloir que je frappe aussi fort.

En tout cas, la première chose que voit le lecteur, c’est la couverture. Un bonhomme qui attend le retour du boomerang qui, sans qu’il ne s’en doute, a fait le tour de la couverture. Comment imagine-t-on une couverture ?
Comme une affiche, il faut que ce soit lisible, que l’esprit soit palpable sans le texte. C’est une affaire de situation. Ici, j’ai repris une vieille calembredaine que je n’avais pas retenue pour l’album. Je trouvais ça drôle qu’elle puisse se répercuter sur la quatrième de couverture. En fait, il y a aussi une question d’équilibre à régler, que le dessin ne parasite pas le titre. Comme dans la collection Pataquès de James, que j’adore, la couverture d’un album d’humour peut être un gag, mais pas toujours.
Dans Pataquès, dernièrement est sorti Salade César de Karibou et Josselin Duparcmeur. La couverture est super-lisible, ce n’est pas un gag mais il fait mouche ce Jules César sur une sorte de poney shetland.
Le confinement fut-il un moteur pour votre création ?
Lors du premier confinement, je me suis retrouvé sans boulot. C’est ainsi que j’ai inventé confilement, des statuettes en fil de fer. J’en ai posté une pour rigoler, et Walid, l’animateur de C’est presque sérieux, a très vite embrayé.. Après tout, j’avais une pince, du fil de fer et des blocs de bois, et je n’avais plus rien à faire, je pouvais rééditer ce travail. Au fil du temps, j’ai eu 200 commandes. Quelqu’un m’a même demandé un Chat. Alors j’ai présenté ce que je faisais pour m’en sortir à Philippe Geluck. Il m’a donné son autorisation tout en me disant : « Mais fais-m’en une pour le Musée du Chat ». Quel honneur.
En fait, je fais toujours mon croquis avant de construire la structure, pour savoir d’où je pars et où j’arrive. Le principe du confilement, c’est un seul fil, sans soudure. Ça exige d’être synthétique mais ça offre la possibilité de recommencer à l’infini si le client n’est pas satisfait. Avant de fixer les choses, je montre toujours la tentative au commanditaire. J’ai par exemple réalisé un Napoléon. Je n’en étais pas tout à fait convaincu mais la cliente le trouvait parfait. Je n’ai donc rien retouché. Puis, parfois, je m’amuse, je pars en free style : sur le thème du Petit Prince, j’ai fait la Rose et le Renard, sur un plus grand socle.
On m’a aussi commandé une Vespa, un tracteur. A priori, rien n’est impossible mais je montre parfois mes limites. Éric Lamiroy est celui qui m’a fait le plus suer. Notamment avec la mythique pochette London Calling des Clash, avec le bris de guitare. J’ai aussi fait Keith Richard avec un vrai mégot, ou Chuck Berry.
J’y pense, c’est le même principe que vos dessins, non ?
Au fond, le fil de fer rejoint mon travail du dessin, simple. Je dois opérer avec le moins de traits possible. Mon papa, René, me disait d’ailleurs : « Tu fais la chose la plus compliquée qui soit : faire simple. » C’est vrai que lui, ce n’était pas la simplicité qui le caractérisait, moi j’étais incapable de faire ce qu’il faisait. Je dois synthétiser pour être le plus efficace possible.

Mais ce n’est pas de l’ordre du dessin de presse, vous veillez à la compréhension de vos dessins dans le temps. Qu’ils ne soient pas vite obsolètes mais universels.
Kroll, Dubus et d’autres sont à la pointe de ce dessin de presse dans notre pays. Je les admire. Moi, la politique m’embête, en faire un dessin c’est risquer l’obsolescence si on ne le remet pas en contexte. J’ai par exemple réalisé des saynètes sur le Covid mais aucune ne se retrouve dans l’album. Heureusement, pendant cette période, à la reprise lors du déconfinement, j’ai pu faire du théâtre dans Un week-end tranquille d’Alil Vardar avec Stefan Cuvelier. Le spectacle était prévu sur quatre semaines à la Comédie Centrale, nous n’avons pu aller qu’au bout de trois. Après quoi, c’était reparti. Cette fois, nous avions l’espoir de reprendre en février. Finalement, il s’avère que ce ne sera pas avant mai, voire septembre.
Alors je me suis accroché à ma planche à dessins comme à une planche de salut. Je n’aime pas rester inactif, il faut que je crée, que je retape un meuble, que je m’occupe. D’accord, il y a aussi les séries à la télé, mais on ne peut pas faire que ça. Alors, je m’oblige à dessiner tous les jours. Ma compagne me donne un mot et j’improvise, je m’oblige à trouver un gag. Oh, 70-80% de ma production vole au bac, mais l’imagination est un muscle, ça se travaille. Au début, tout était disparate, jusqu’au moment où j’ai pris soin de tout numéroter. Punaise, j’étais déjà à 100. Douze ans après, la gymnastique s’est installée. Des potes, la famille, mes deux filles me donnent des idées. Mon ami Geoffrey m’a par exemple envoyé une idée, « si tu sais en faire quelque chose… ». C’était Plint Eastwood. Tout ce petit monde qui m’a un jour ou l’autre donné une idée est remercié en fin d’album.

J’ai toujours un carnet sur moi. Et, au pire, tout le monde en a un : son téléphone. Je regarde une émission télé, Top Chef par exemple, vois passer un dessin de Piraro, tout s’enclenche, une blague en amène une blague. Ce qu’il faut, c’est amorcer le processus, une fois que c’est parti, les idées arrivent en cascade. Il suffit de mélanger des mots.
On a parlé de Geluck, mais en quatrième de couverture, on trouve aussi une phrase qui vous est dédiée par Dan Piraro, qui est-ce ?
Merci les réseaux sociaux ! Pour moi, c’est l’un des meilleurs dessinateurs du monde, c’est drôle et graphiquement drôle. J’avais traduit en Anglais une trentaine de mes dessins et il m’avait gentiment répondu, adoubé. C’est génial.
C’est comme quand j’ai joué avec Michael Caine dans Mr. Morgan’s Last Love. Bon la moitié de mes scènes ont été supprimées mais toutes les scènes que j’avais à jouer étaient en sa compagnie. Expérience inoubliable. Quinze jours plus tard, je me retrouvais avec Gérard Depardieu, adorable, sur le tournage de La marque des Anges. Bon, je n’ai finalement vu aucun des deux films, on m’a dit qu’ils étaient bien, mais je suis riche d’avoir vécu ça. Je peux mourir tranquille.
Michael Caine, c’était l’acteur préféré de ma mère, de ma grand-mère. Quand je regardais ses films avec elles, je ne pensais jamais que, trente ans plus tard, je le fréquenterais sur un plateau de tournage.
Le fait d’être acteur influence-t-il votre manière de dessiner ?
Certainement. L’improvisation aide. Parfois, j’ai une intonation en tête, est-ce que ça va sonner sur papier ? Il faut trouver les bons mots, les onomatopées idéales. Quand je n’ai pas d’idée, je dessine quand même. Des dessins me viennent avant les idées de gag. J’ai, dans mes tiroirs, des personnages dans des positions que je trouve chouettes, des attitudes, des tronches, mais qui n’ont pas encore de texte. Je les ai scannés en couleurs et conservés sur mon PC, ils attendent. Peut-être qu’ils iront à la poubelle à un moment. Peut-être aussi qu’il me faudra compléter le dessin, rajouter un personnage pour que ça fonctionne. Ou alors je me demande ce que mon héros pourrait voir de là où il est.

J’aime en tout cas associer des choses qui ne vont pas ensemble. C’est d’ailleurs le principe des combats célèbres de l’espace inter-iconique, merveilleuse idée et exutoire lancés par Thierry Martin. Je l’admire mais je ne le connais pas personnellement. J’ai essayé de trouver des personnages auxquels les autres n’avaient pas pensé. Tout est ouvert, on peut tout désacraliser. Même Blake et Mortimer. Beaucoup de gens prennent les oeuvres trop au sérieux, immuables. Or, ce n’est jamais que du dessin. Quand je ne suis pas satisfait de ce que j’ai croqué, je balance le papier au bac. Ce qui surprend ma copine : « mais qu’est-ce que tu fais? » Ce n’est que du crayon sur du papier, on s’en fout, pourvu que ça défoule.

Je joue aussi sur le bilinguisme, sur les mots et expressions anglais. Bon, cela donne des gags intraduisibles, dont le sens pourrait échapper aux francophones. Dans mes réserves, j’ai par exemple cette composition dans laquelle une abeille rentre chez elle et dit à sa femme: « Honey, I’m home! » Ou une Wonder Woman dont le super-pouvoir est de se poser plein de questions.

L’Anglais, vous y aviez déjà fait des incursions ?
L’un de mes plus anciens projets est Jean-Marc Le Monstre. J’avais proposé le concept à Fluide Glacial, Gotlib avait trouvé ça génial mais ce n’était pas le bon moment. Jean-Marc, c’est un petit monstre qui ne sait dire que « Ta Gueule ». Nous en avions fait un dessin animé, qui existe en anglais, sous le titre de Russell the Monster qui, forcément, dit Fuck Off. Dimitri Oosterlynck produisait cette série, je faisais toutes les voix masculines et la comédienne Stéphanie Coerten se chargeait des voix féminines. Il était question d’en faire un recueil de gags en quatre cases.
J’avais tout redessiné. Ce qui est bien avec lui, c’est que tout le monde en prend pour son grade. Comme on ne peut plus rire de rien, ce n’est pas plus mal. C’est de l’humour répétitif, évidemment. Mon père m’avait dit: « C’est génial, ça ne ressemble à rien… rien de ce qui existe. » Pour les marronniers, comme la journée de la gentillesse ou de l’orgasme, je le ressors.


Combien de Calembredaines, à ce jour, alors ?
1630, série en cours. J’ai calculé que si j’en publie un par jour, je peux ne pas dessiner jusqu’à mon anniversaire. Bon, par contre, il faut que je fasse gaffe aux marronniers, je ne peux pas publier sur le thème de Noël en avril !

Dont pas mal traitant de l’univers de Star Wars, non ?
Je suis complètement fan de cette saga. Alors, ça transparaît. Comme j’ai un pote tellement passionné de Star Wars qu’il en a créé une page Facebook « Dark Star & Rebels », je lui ai transféré tous mes dessins jouant sur une référence Star Wars afin qu’il puisse en publier un par semaine. Ça m’a donné l’occasion de les compter, il y en avait 56. Pas autant que ça, finalement.

La culture populaire n’est pas épargnée par vos associations.
J’aime faire intervenir de bêtes duos. Comme Obi-Wan Kenobi et Barbie, Pif et Tondu, Batman et Robin des bois.
Et vous avez trouvé le moyen de reprendre les aventures de Tintin en même temps que celles de Rintintin. Ça donne Rintintin et Rinhaddock.
Au moins, je ne risque aucun problème. On m’avait commandé un confilement sur Tintin, je n’ai même pas été jusqu’à demander l’autorisation à Moulinsart, c’était peine perdue. J’ai donc refusé.

Vous mettez-vous des limites ?
Aucun, si ça me fait rire, j’espère qu’il s’en trouvera d’autres qui riront de mon gag. J’aime aussi jouer sur les anachronismes, revenir aux hommes préhistoriques. C’est un truc que j’ai appris : quand tu n’as pas d’inspiration, dessine un homme préhistorique. Une fois que tu l’as, vois quel anachronisme tu pourrais y glisser. Comme, dans une discussion: « T’as pas vu le message que j’ai laissé sur ton mur? »
J’ai appris ça de Gary Larson, il a réussi le dessin qui m’a fait le plus rire au monde. J’en ai pleuré une heure de son Neanderthal Creativity.
Les définitions, ça fonctionne aussi. Je suis allé voir la définition de moustique, par exemple. Un texte très long. Alors, j’ai mis en scène un scientifique qui explique cela en long et en large pour conclure: « en réalité, c’est un gros con! » Le gag vient de la longueur et la chute fait que c’est drôle.
Quid du format ?
C’est primordial quand on pratique l’humour dessiné de trouver le bon format. 95% de mon travail sur les calembredaines repose sur un dessin. C’est comme une flèche qui doit aller au centre, directement. Je ne suis pas un grand dessinateur, il m’importe de synthétiser l’idée, d’en faire un flash. De simplifier le trait ou en tout cas d’en trouver un qui soit adéquat.

Quand je vois Bruno Gilson qui fait du Franquin les doigts dans le nez, j’en serais incapable ! Nous avons un projet tous les deux : faire de nouvelles idées noires, dans un style à la Franquin. Je ne sais pas si quelqu’un en sera preneur mais quinze scénarios sont prêts à être dessinés. Ce n’est pas un pastiche, plutôt un hommage, une manière de prolonger l’oeuvre de Franquin.

Parfois votre trait se fait plus gras, non?
Je dessine au pinceau. Parfois, c’est plus fin, parfois moins. Tout se fait par rapport au gag, à ce qui est le plus lisible, cohérent. J’aime délier le trait, qu’il n’y ait pas de parasite. Piraro offre une chiée de détails, lui, j’en prends le contre-pied.
Des flashs, n’est-ce pas justement possible qu’en BD ? Là où le théâtre, même en stand-up, s’inscrit dans un temps plus long ?
Oh, je ne crois pas. Sur scène aussi, ça peut être immédiat, on lâche une vanne et on passe à autre chose. PE est excellent à ce niveau. J’avais adoré son spectacle. Malgré la conduite, il arrive à rebondir sur tout ce qui peut se passer dans la salle, dans les réactions du public, il est super vif. Je l’ai rencontré lors de sa première scène, depuis nous sommes potes. Il est vraiment balèze. Allez voir sa dernière capsule, sur le cimetière de Basse Wavre.
Dans mes calembredaines, tout va vite, est immédiat. C’est drôle, on passe à autre chose. D’où l’importance de l’efficacité et de l’équilibre. Et nous vivons à une époque qui permet ça.
Au fond, c’est votre première BD, non ?
Publiée, oui! J’ai fini le découpage d’une histoire de 90 planches. D’autres BD sont prêtes. Comme ce projet que j’avais fait pour Le Lombard: Une vie d’acteur. Mon frère en signait les couleurs. C’est une autobiographie, passée de 44 planches à 62, après correction avec mon éditeur. Mais le projet n’est pas passé, je ne suis pas assez connu même si le concept était inédit.
J’ai un autre album complet: Le retour des dimanches soir. Un projet bâtard puisqu’il fait 33 planches. C’est une BD sans parole sur les familles recomposées.
Mais le projet qui me tient le plus à coeur, c’est La larme du clown, mon 3e bébé. J’ai dû le recommencer dix fois complètement, depuis 92-93. J’espère m’être amélioré à chaque fois. Cette fois, je me dis que c’est peut-être mûr. Je me demande si j’aurais la force de le recommencer, surtout.
Sinon, j’avais scénarisé un album de Zunie aux côtés de mon père et j’ai illustré des livres aux Éditions Lamiroy, notamment, au format cartes postales. Il y a eu » Je l’ai bien connu. Un con. » de Sergio Honorez, Aimez-moi les uns les autres de Christophe Goudine. J’ai composé la charte graphique d’une collection. Puis, aux Éditions du Singe, j’avais signé un artbook de femmes à poil sexy.
On en a un peu parlé. Dès votre enfance, vous avez été entouré de monstres sacrés de la BD. René Hausman, votre papa; Didier Comès, votre beau-père; Noël Bissot, votre grand-père. Ils vous ont appris.
Graphiquement, je pense que je suis plus proche de Noël. J’en ai conservé tous les originaux, comme un gardien du temple. C’est le précurseur des mini-récits. Je suis toujours plus proche de lui que de René et Didier. Mais, à part Johan De Moor, je constate que beaucoup de fils d’auteurs ont du mal à s’affranchir de la trace paternelle. Je n’ai en tout cas pas le talent de René Hausman et Didier Comès, nous ne jouons pas dans la même cour.
Mon père était la tendresse incarnée, il m’encourageait, aimait tout ce que je faisais. Comès, lui, me demandait si je voulais l’avis de l’ami ou du professionnel. Il n’a jamais été tendre et m’a permis de m’améliorer, de remettre mon travail sur l’ouvrage. Je savais que s’il me disait enfin que c’était bien, c’est que ça l’était. Il n’y avait pas de flagornerie.

Il m’avait commandité une adaptation de Silence au cinéma. C’est fou, il recevait plein de demandes. Il était prévu par contrat que Didier avait le droit de choisir. Comme j’avais vu Silence se faire sous mes yeux, ainsi que les incohérences qui passent inaperçues tellement l’oeuvre est géniale, j’en ai écrit un scénario. Les dix premières planches. Comès a tout de suite été enthousiaste. Il m’a dit: « En quarante ans, personne n’a compris comme toi ce que c’est d’adapter une BD. » La plupart des cinéastes pensaient que la BD était le storyboard pour le cinéma. Le problème étant qu’ils n’adoptaient pas de point de vue. Mon personnage préféré étant Blanche Neige, le nain, c’est par son prisme que je voulais revisiter la BD. Comès voulait lire la suite. J’ai donc avancé puis lui ai envoyé une version martyre. « Voilà, j’ai fini la version 0. » Didier était à Angoulême et m’a dit qu’il le lirait quand il rentrerait. C’était sans compter la pneumonie qui l’a terrassé. Il n’a jamais lu mon scénario entier. Erwin Lapraille qui payait les droits aurait voulu que j’en réalise l’adaptation. Mais, comme je n’étais pas connu, le scénario a voyagé. Jeunet, etc. Rien ne s’est concrétisé et Erwin a arrêté les frais. Bref, ce projet est au point mort, dans les mains de Casterman, qui ne fera sans doute jamais appel à moi si une adaptation cinéma est relancée.

Et du côté de René ?
Oh, il faudrait un gros budget comme ses univers sont moyenâgeux, fantastiques. Ce serait génial, cela dit.
Des coups de coeur récent ?
Il faut flinguer Ramirez. J’ai acheté l’acte 2 mais je dois relire le premier pour bien en profiter. Sinon ce génie de Manu Larcenet qui s’intègre dans des oeuvres d’art. Calvin & Hobbes est indémodable. Piraro, pour les raisons que j’ai évoquées. Ben Dessy pour son Macadam Valley. Faut pas prendre les cons pour des gens d’Emmanuel Reuzé. Fabcaro et son Zaï zaï zaï zaï adapté au cinéma par François Dessagnat avec Jean-Paul Rouve, je ne sais pas comment ils vont faire ! J’aime aussi Walter Appleduck et les éditos du Journal Spirou que Fabcaro réalise avec Fabrice Erre.
Sinon, Merci l’amour, merci la vie de Yannick Grossetête m’a beaucoup plu aussi. Puis, il y a Salade César, ma compagne m’a dit ne jamais m’avoir entendu rire autant devant une BD. Les idées sont claires, graphiquement c’est un peu droit, et ça fait tout le décalage.
Un dernier ? Cocco Bill de Jacovetti.
Merci Hugues, et n’oublions pas de vous rejoindre sur la page Facebook de Calembredaines ou votre site.
Série : Calembredaines
Tome : 1
Recueil de gags
Scénario, dessin et couleurs : Hugues Hausman
Genre : Humour, Non-Sense, Parodie
Éditeur : La surprise du chef
Distributeur : Lamiroy
Nbre de pages : 120
Prix : 25€
Date de sortie : le 15/01/2021
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