Double dose d’Alix : une géante, des anthropophages, les secrets des dieux et des monstres

D’un côté Le dieu sans nom, de l’autre L’esclave de Khorsabad. Avec un univers établi sur diverses séries, Alix vit à la fois sa vie de gamin et sa vie d’adulte. Dans la série-mère, c’est ainsi David B. et Giorgio Albertini qui donnent suite à leur Veni Vidi Vici. Tandis que dans Alix Senator, Valérie Mangin et Thierry Démarez continuent de naviguer entre l’horreur épique et cette envie de nous en mettre plein les mirettes dans les lieux oubliés mais imposants de l’Antiquité, en révélant scrupuleusement ce qui est vrai ou faux dans leur intrigue. Entre les steppes et l’Assyrie, le lecteur a le choix du décor et des armes, même si dans ces deux albums tout neufs, c’est face à la volonté, la puissance et la malédiction des dieux qu’Alix, ses amis et ses ennemis (bien plus nombreux) sont confrontés.

© Mangin/Démarez/Chagnaud chez Casterman

Alix, Oural ouhlalala

© David B./Albertini chez Casterman

Résumé de l’éditeur : Envoyé par César chez les Sarmates, dans les steppes de l’Oural, afin de sécuriser les positions romaines à l’est, Alix va faire la rencontre du roi sarmate Eunonès. César veut s’assurer de la neutralité du roi de cette tribu nomade en y envoyant Alix. Arrivé dans les steppes, celui-ci sera capturé par les Androphages, une armée de chasseurs du nord ayant pour cheffe la géante Personne. Au sein de cette peuplade, notre héros sera emmené par leur cheffe au bord du monde afin d’y trouver un cheval fabuleux qui pourrait devenir la monture de la géante.

© David B./Albertini chez Casterman

C’est quand même fou les nouvelles terres et peuplades qu’on peut explorer, soixante ans après, avec ce petit Gaulois. Mais c’est vrai que l’empire romain était XXL. Et le fait d’associer aux aventures d’Alix de nouveaux auteurs ouvre sans doute encore plus le champ des possibles. David B. en rêvait, le voilà installé durablement dans la série créée par Jacques Martin et bien décidé, après avoir revisité une bataille mythique, à explorer avec ce blondinet la face obscure de l’empire romain, à jouer avec ses frontières, là où le pouvoir central ne fait pas l’unanimité. Un no man’s land, d’autant plus qu’il est habité par des nomades anthropophages.

© David B./Albertini chez Casterman

L’intrigue de base n’est pas si éloignée du récent tome consacré aux Helvètes par Mathieu Bréda et Marc Jailloux. Dans une même dynamique de western, le décor est tout à fait différent, de même que les peuplades qui y vivent. Surtout, Alix est isolé. Même si une vieille connaissance (enfin, non, récente finalement, puisque déjà présente dans Veni Vidi Vici) va l’entraîner dans une aventure insensée, à la recherche d’un mythique cheval. Une quête qui, au galop, risque bien de les emmener dans la mâchoire de guerriers qui n’ont pas besoin d’avoir faim pour ronger de l’humain.

© David B./Albertini chez Casterman

Dans ce virage mêlant horreur et fantastique, dans ce match-retour, les deux auteurs subissent le contrecoup de leur surprenant premier acte des aventures d’Alix et la Géante. Pas toujours très lisible, cet album souffre déjà d’une couverture bizarre dans la composition de son personnage principal. Mais c’est dès que Personne apparaît (de manière violente et irrationnelle tant graphiquement que scénaristiquement, comme une apparition dans le tourbillon des combats) que le bât blesse. Si la distance de Veni Vidi Vici convenait très bien à la relation qui allait lier Alix et Personne dans le Je te hais moi non plus, leur rapprochement à la « Toi et moi contre le monde entier à la poursuite du… cheval magique« , laissant les inimitiés de côté, est malheureusement incasable.

© David B./Albertini chez Casterman

Tantôt gigantesque, tantôt dépassant de deux têtes le Romain, Personne change de taille, page après page, échalas rendu maladroit par son dessinateur alors qu’elle doit être obstinée et inébranlable. Drôles de perspectives qui nous sortent plusieurs fois d’un récit finalement bien artificiel et louvoyant progressivement vers le blockbuster manquant d’âme, brillant par des gestes désespérés des héros (Enak et un lance-pierre what the fuck), à côté de leurs pompes. Les comédiens de papier sont en roue libre. Et franchement, après le bonheur de voir David B. et Giorgio Albertini mettre leur main au célèbre héros, c’est la douche froide en plein Oural. On a mal pour eux.

© David B./Albertini chez Casterman

Alix Senator, post-Parthe-um

© Mangin/Démarez/Chagnaud chez Casterman

Résumé de l’éditeur : Cela fait des années qu’Alix n’a plus mis les pieds à Khorsabad : bien trop longtemps. Alix, comme par le passé, est fait prisonnier. C’est un seigneur local, Barzapharnès, qui commandite l’enlèvement du sénateur afin de provoquer une nouvelle guerre avec Rome et de retrouver le trésor mythique de la cité, dont – le pense-t-il – Alix connaît la cachette.

© Mangin/Démarez/Chagnaud chez Casterman

Les retours aux sources, ce n’est jamais évident. On peut y perdre son âme, sa patte, faire dans le récit bateau et attendu. Il n’en est rien sur la route de Khorsabad, entre décembre 11 et janvier 10 avant JC.. Valérie Mangin et Thierry Démarez font comme ils l’ont toujours fait depuis maintenant 11 tomes. Dans l’Assyrie du début de la légende, chez les Parthes, rien ne se finit et les auteurs croisent les rois, les influences, les malédictions et les vengeances, dans une folle chasse à l’homme. « Ta vie appartient désormais à Khorsabad », le cri glaçant a perduré avec les décennies. Crassus est mort depuis longtemps, mais le souvenir de sa mort auréolée d’or a lui aussi traversé les temps. Pensant être incognito, Alix s’est jeté lui-même dans un piège, espérant boucler la boucle et rendre gloire à son père, mort au combat ici même. Mais il n’est pas le seul à vouloir refermer la plaie.

© Mangin/Démarez/Chagnaud chez Casterman
© Mangin/Démarez/Chagnaud chez Casterman

Voilà Alix arrêté et apporté devant le trône d’un roi dont un voile cultive le mystère mais pas la soif des montagnes d’or dont le Gaulois semble désormais le seul à détenir le secret. Où est le trésor ? Nul ne le sait mais l’ennemi semble coûte que coûte vouloir lui délier la langue quitte à lui faire rendre gorge. En commençant par celles de ses alliés de circonstances. Dont un homme qui ressemble étrangement à Enak, laissé dans le creux de la vague, terrassé, dans un précédent épisode. Puis, comme un trio, c’est mieux qu’un duo, les deux vont faire force commune avec l’Égyptienne Tefnout. Et s’enfuir dans la cité abandonnée, maudite, de Khorsabad donc.

© Mangin/Démarez/Chagnaud chez Casterman

Croisant de près ou de loin les spectres annonciateurs d’autres tragédies comme celles d’Agrippine ou de Baudouin, Mangin et Démarez mettent une nouvelle fois à rude épreuve leurs personnages dans un thriller antique extra puis intra-muros. Il n’est pas évident de s’aventurer dans ce dédale fou et riche en se disant qu’il faudra en ressortir au bout d’une vingtaine de pages. Il y avait de quoi se perdre mais les auteurs trouvent leur chemin et leur armée, sans oublier de contrecarrer les projets d’une richesse qui n’est pas tout à fait celle qu’on pensait. Un album intense et brillant, incendiaire une nouvelle fois. Notons, toujours, sur le site dédié à la série, un décryptage de ce qui est vrai et faux dans la dramaturgie de l’album.

© Mangin/Démarez/Chagnaud chez Casterman

Série : Alix

Tome : 39 – Le dieu sans nom

Scénario  : David B.

Dessin : Giorgio Albertini

Couleurs : Giorgio Albertini, V. Belardo, V. Moscon

Genre: Aventure, Fantastique, Guerre, Histoire, Horreur, Western

Éditeur: Casterman

Nbre de pages: 48

Prix: 11,95€

Date de sortie: le 07/10/2020

Extraits : 

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Série: Alix Senator

Tome: 11 – L’esclave de Khorsabad

D’après l’univers créé par Jacques Martin

Scénario: Valérie Mangin

Dessin: Thierry Démarez

Couleurs: Jean-Jacques Chagnaud

Genre: Histoire, Aventure

Éditeur: Casterman

Nbre de pages: 48

Prix: 13,95€

Date de sortie: le 07/10/2020

Extraits:

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