« Des lutins venant en aide à un humble et généreux cordonnier… Les souliers de douze princesses retrouvés complètement ruinés chaque matin… Un vénérable genévrier veillant sur une famille dont la mère vient de mourir en accouchant… » Voilà le programme du joli coffret proposé par Les Aventuriers de l’étrange en cette fin d’année. Sous les dorures et un joli portrait, dans le ciel bleu nuageux, des Frères Jacob et Wilhelm Grimm, les éditions que mènent avec originalité, folie et beauté Marc-Antoine Fleuret proposent trois contes oubliés mais envoûtants (qui en appellent d’autres). Et à l’instar du « it’s a small small world » qu’entonne le monde de Disney (qui a tout de même édulcoré et perdu pas mal de goûts de beaucoup de contes), les Aventuriers de l’étrange, fidèles à leur réputation de globe-trotters, partent dans l’Allemagne légendaire en passant par les États-Unis (Martin Powell), l’Espagne (Pedro Rodriguez et Nuria Tamarit) et la Roumanie (Maria Surducan).

Les lutins et le cordonnier par Martin Powell et Pedro Rodriguez
Résumé de l’éditeur : Il était une fois un humble cordonnier. Il n’était pas bien riche mais s’employait avec ardeur à confectionner les plus belles chaussures de la ville. Tout le monde louait la qualité de son travail mais également sa bonté, car, oui, il avait un cœur d’or. Cependant, une nuit, alors que le sommeil le gagnait, il ne put terminer la paire de souliers qu’il avait en chantier. Sauf qu’au petit matin, l’ouvrage était terminé. Et le miracle se produisit durant plusieurs nuits.

Pour commencer, une histoire qui a débuté il y a quelques années. En effet, les Éditions Paquet avaient, en 2013, publié cette histoire courte (trente planches). Un one-shot, un essai que Marc-Antoine Fleuret a confirmé en prolongeant l’aventure Grimm en BD, à portée des petits et des grands. Les lutins et le cordonnier, c’est l’album le plus « gros nez » de cette sélection, le plus Schtroumpf et tendre, avec des bons sentiments et une magie rigolote et pleine d’humanité. Et de bonnes actions.

Sur l’adaptation de Martin Powell, Pedro Rodriguez met sa patte (lui qui possède plusieurs styles) à cet univers fantasque et farceur, qui revisite dans le fantastique, pourquoi pas, la merveilleuse chanson de Goldman Il changeait la vie. Car les cordonniers sont souvent les plus mal chaussés, pourtant on va beaucoup plus loin les pieds chaussés et enlacés. Ou en lacets !

Le bal des douze princesses par Maria Surducan
Résumé de l’éditeur : Il était une fois, douze princesses qu’un mystère entourait. Rapées, usées, déchirées, chaque matin leurs chaussures étaient retrouvées complètement ruinées. Hors de lui, le roi dépêcha plusieurs princes à la surveillance de ses douze diablesses de filles. Un, puis deux, puis trois, puis cinq et enfin dix, tous disparurent. Pourtant, à l’aube du onzième jour, un jeune rêveur, bien plus malin que tous les précédents prétendants, se présenta aux portes du palais…

Hé hé, encore une histoire de chaussures ! Qui s’usent plus vite que leur ombre. Pas de chance, la ville dans laquelle habitent ces douze princesses, tyrannisant des pointes aux talons, est bien loin du cordonnier duquel nous venons de faire la connaissance. Si, de la réalité, s’ouvre bien une porte vers un monde imaginaire, c’est bien dans un piège dark qu’elle nous plonge. Des prétendants disparaissent les uns après les autres. Une malédiction ? Un pacte des têtes couronnées avec le diable ?

Toujours est-il que c’est à contre-courant, des hommes qui fuient la ville pour éviter leur perte et la rencontre de ces princesses-vampires, qu’un artiste aimant vivre d’amour et d’eau fraîche, d’oisiveté et de naïveté, va tenter sa chance. Quitte à, entre cauchemar et rêve, percer le mystère ou sombrer, comme tous les autres. Dans la combinaison du jour et de la nuit, peut-être pas si horrible, Maria Surducan enchante les vivants et les ombres, les bipèdes et les sirènes, les bons et les monstres, pour les faire danser à l’abri des regards indiscrets.

Dans la combinaison des couleurs, tantôt naturelles, tantôt avec effet « négatifs », l’auteure roumaine réussit une belle métamorphose, dansante, moins noire que prévu. Étrange et beau.

Le conte du genévrier par Nuria Tamarit
Résumé de l’éditeur : Il était une fois dans des montagnes reculées, non loin d’un immense genévrier, une jeune femme éplorée. Priant, suppliant, implorant, elle n’arrivait pas avoir d’enfant… jusqu’à ce fameux matin d’hiver où elle s’entailla le doigt. Désespérée, elle fit alors un vœu ; le vœu d’avoir un enfant blanc comme la neige et vermeil comme son sang. Un garçonnet au comportement bizarre naquit neuf mois plus tard…

Au pied du genévrier, voilà sans doute l’histoire la plus ardue de ce premier trio (sur le coffret, la numérotation « 1 » laisse penser qu’on peut s’attendre à d’autres opus), la plus « gore », la plus irrémédiable. Personnifiant la tragédie, la belle-mère maléfique aux côtés d’un père dont la vision est obscurcie par la tristesse, Nuria Tamarit choisit la neige comme linceul mais aussi comme terreau de la renaissance. Car dans les contes, il y a une vie après la mort.

Avec son dessin voulu naïf, presque superficiel, avec les yeux, les nez, les mentons plus gros que le ventre, l’Espagnole réussit un livre sensible, brillant par son décalage entre la mise en image et le propos. Parce qu’adapter une histoire comme ça, à plusieurs sens, c’est un vrai défi. Il ne faut pas se louper et ce serait dommage de se couper d’un public à qui le conte peut toutefois, malgré sa violence symbolique et réelle, s’adresse. Je pense aux enfants, dans ce cas.

Mais dans la poésie d’un oiseau qui s’envole et chante se détresse ou la décapitation burlesque d’un héros, Nuria Tamarit saisit l’occasion pour faire éclore un peu plus la puissance de son dessin et la grâce des Grimm. Jamais compromise dans ces trois albums, fidèles et réflexifs.

Titre : Les Merveilleux contes de Grimm – 1
Coffret de trois volumes
D’après les contes des Frères Grimm
Scénario : Martin Powell, Maria Surducan et Nuria Tamarit
Dessin et couleurs : Pedro Rodriguez, Maria Surducan et Nuria Tamarit
Genre : Conte, Fantastique, Fantasy, Horreur
Éditeur : Les aventuriers de l’étrange
Nbre de pages : 32, 48 et 52
Prix : 39€ (37,05€ sur le site de l’éditeur avec 9 tirés-à-part offerts)
Date de sortie : le 27/11/2020
Extraits :
livres?
– Vivre, comme on dit, est bon …
– Une bonne vie est encore mieux.
– Exactement! Mais les livres https://ebookgratuit.blog/ peuvent encore être trouvés pour la lecture.