L’ours ! Figure animalière emblématique dans les légendes et jusqu’aux récits fictionnels actuels, gentil ou méchant, toujours est-il que le Neuvième Art l’a adopté et continue d’en faire un de ses personnages phares quand il s’agit d’explorer la faune. Entre Abénaquis et Iroquois, Patrick Prugne a trouvé la trace de celui que, récemment, Jean-Claude Servais ou Kokor ont pris comme héros, et qui semble de bien mauvais poil. Les bruits sourds d’un monde nord-américain sur le sentier de la guerre auraient-ils eu raison de sa sagesse ?
Résumé de l’éditeur : En 1756, la France se trouve au coeur d’un conflit majeur qui embrase toute l’Europe et qui l’oppose à la Prusse et à l’Angleterre, son ennemi héréditaire. C’est la guerre de sept ans. Pour les colonies françaises du Nouveau Monde, cette guerre a commencé dès 1754. Les sujets du roi George portent sans relâche l’escarmouche contre les forts français dressés sur leur frontière de l’Ouest. La bataille de Fort Carillon eut lieu au sud du lac Champlain, entre ce dernier et le lac George. Ces deux lacs séparaient la colonie britannique de New York de la colonie française du Canada (Nouvelle-France). L’histoire de Tomahawk débute un mois avant cette bataille et s’achève au moment de l’attaque. Nous suivons Jean Malavoy, jeune milicien, dans un combat contre un gigantesque grizzly…

L’homme est un ours pour l’homme. Et à quoi bon comprimer son instinct sous des habits de guerre ? Caserné à Fort Carillon, Jean Malavoy n’est pas trop à son affaire guerrière. Certains l’ont vu, lui l’a senti: le fameux grizzly qu’il traque, parce qu’il a une revanche à prendre, semble l’avoir suivi jusqu’ici, peu importe les kilomètres de forêt qu’il a fallu parcourir pour arriver sur ses terres qui ne demandent qu’à s’embraser sous les coups de semonce de la folie des hommes. Rien n’y fera, ni son amoureuse Abequa, ni les remontrances du prêtre, encore moins le tour de garde qu’il doit prendre: Jean doit partir à la chasse.

Et tant pis si cela lui vaut d’être considéré comme un déserteur, le malin traqueur n’écoute que son coeur, serré par le drame qui s’est joué il y a quelques lustres. À la vie à la mort, oeil pour oeil, griffe pour griffe. Peu importe les dangers qui semblent bien plus mortels que cet ours à débusquer : Highlanders et Iroquois tendent leur piège et font un carnage dans le silence et la verdure de cette forêt intacte jusque-là. J’en veux pour preuve tous les animaux que Patrick Prugne y a surpris.

Après avoir pris la mer et fréquenté quelques fripouilles pour percer le secret La Pérouse, Patrick Prugne revient à ses Amérindiens dans Tomahawk. Dans l’enfer importé par les conquérants européens, l’auteur trouve une nouvelle fois le chemin de la nature, de l’extase et de la découverte, dans des couleurs douces qui imprègnent les doigts mais ne résistent pas au sang qui coule. Tout en se lavant par l’eau de la rivière.


Dans un microcosme portant l’évasion, Patrick Prugne n’a pas à jouer longtemps au chat et à la souris avec le fauve, pourtant Jean ne va pas pouvoir faire mouche au premier coup et, malgré l’aveuglement de sa quête, le voilà obliger de sauver le pauvre soldat qui l’a remplacé dans la garde et manque de se faire pulvériser par les Écossais. Là où le sentier de la guerre est droit et sans échappatoire, les routes de la vengeance peuvent se révéler sinueuses, invitant à l’introspection, mitigeant les desseins bien tranchés.

S’il est dommage que la lecture récente d’un autre album, dans un registre complètement différent, m’ait mis la puce à l’oreille concernant le dénouement – et Patrick Prugne n’y est bien entendu pour rien -, voilà un album qui flatte les sens. Revisitant le mythe de la bête sauvage et mangeuse d’homme, Patrick Prugne réussit un album qui se dresse sur ses deux pattes arrières non pour charger mais pour crier son amour à un monde sauvage qui n’avait pas besoin que l’homme vienne le détraquer. Face au plantigrade, l’humanité belliqueuse en prend pour son grade. Et nous, plein les yeux, encore une fois.

Et, dans l’air du vent, Patrick Prugne enchaîne sur un projet Pocahontas.
En attendant, les planches originales de Tomahawk sont visibles sur le site de la Galerie/Éditions Daniel Maghen.
Titre : Tomahawk
Récit complet
Scénario, dessin et couleurs : Patrick Prugne
Genre : Aventure, Guerre, Histoire, Survival
Éditeur : Daniel Maghen
Nbre de pages : 96
Prix : 19,50€
Date de sortie : le 03/09/2020
Extraits :
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