Entre Italie, Outre-Atlantique et monde franco-belge, Mirka Andolfo a mis le monde du Septième Art à sa botte. Avec une efficacité redoutable et une force de frappe vévéprime, l’auteure passe d’un monde à l’autre avec dextérité et de vénéneux maléfices qui agissent sur nos yeux comme des philtres d’amour. Quitte à basculer dans l’ombre, le glauque. Recrue de choc de Glénat, la jeune dessinatrice crève les cases et donne matière à faire des cauchemars sous des courbes qu’on aurait tort de penser inoffensives.
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Les chroniques d’Under York : la guerre d’égouts et d’égo remonte à la surface, magies contre démon

Résumé de l’éditeur : Alison Walker, 22 ans, est une jeune peintre prometteuse de Manhattan. Mais elle a un secret. C’est aussi une sorcière. Elle et sa famille appartiennent au monde de l’Under York. Un New York mystérieux et sous-terrain où règnent depuis plusieurs siècles cinq puissants clans de sorciers. Ces familles aux codes de vie très stricts, issues des principales communautés du pays (africaine, irlandaise, chinoise, mexicaine et amérindienne), pratiquent une magie aussi puissante que dangereuse. Des générations entières, ils ont été chassés, persécutés. Aujourd’hui, ils influent en secret sur la vie à la surface et ses habitants. Participer à la destinée d’un monde qui les a bannis, voilà leur revanche. Et voilà l’univers dans lequel a grandi Alison Walker. L’univers qu’elle a fui et dont elle ne veut plus entendre parler aujourd’hui. Jusqu’à ce que le destin la rattrape…

Troisième tome et fin du premier cycle, déjà, pour la série entamée en mars 2019 sous l’inspiration de Sylvain Runberg. Sous un pentacle, la situation n’a fait que s’envenimer entre démon millénaire et magiciens issus de diverses cultures qui ne font que rendre difficile l’union sacrée. Il y en a du monde porté à ébullition dans les égouts de New York et la situation continue de déborder dans le monde des moldus (comme dirait l’autre). Attaques et Mal se répandent. Et qui sait ce qui peut influencer l’élection qui a lieu ce jour… diabolique.

Alternant toujours chapitres BD et intermédiaires basés sur des extraits du journal intime de leur héroïne présentant un texte manuscrit et illustré, Sylvain Runberg et Mirka Andolfo (encrée par Carmelo Zaggaria) continuent leur exploration de ce monde fou à défaut d’être complètement original. Poussant tous les curseurs de la possession enfantine, les deux auteurs trouvent un ton teenager sans infantiliser le public. Avec une surprise sympathique dès les premières planches, Runberg s’appuie sur la force dévastatrice de son acolyte pour tout faire péter et fournir un spectacle dantesque.

Voilà un premier cycle, sous les couleurs de Piky Hamilton qui a mis un peu de temps à se mettre en place mais fait état d’un potentiel sérieux et très qualitatif.

Mercy, belle plante… carnivore
Résumé de l’éditeur : Alaska, fin du XIXe siècle. Hellaine, une femme d’apparence noble et aux origines mystérieuses, débarque dans la petite ville de Woodsburg non loin de l’épicentre de la ruée vers l’or du Klondike, Dawson City. Elle cherche à acheter la concession d’une mine à l’abandon. Et manifestement, elle a un plan. Un plan qui va être bouleversé par l’apparition de Rory, une jeune orpheline amérindienne pour qui Hellaine va se prendre d’affection après l’avoir délivré des griffes de son agresseur…
Allez les enfants et pré-ados, circulez, y’a plus rien à voir. Ou si, mais quand vous serez plus grand. Avec deux 64-pages publiés en même pas un mois de temps (bon, il est vrai que la série a commencé un peu plus tôt chez Panini Italie), seule aux commandes, Mirka Andolfo continue d’impressionner dans une histoire froide mais envoûtante qui risque de vous filer longtemps des frissons. Avec un monstre vénéneux qu’au bout de deux tomes, nous ne sommes pas encore bien arrivés à cerner.

Ne vous attardez pas trop sur le résumé de l’éditeur qui, sans doute, est un peu trop volubile. Oui, laissez-vous porter dans ce récit inédit laissant courir pour la diversion le spectre d’un Jack L’Éventreur alaskain pour mieux ménager la surprise de ce qui nous attend vraiment : des êtres a priori respectables, parmi l’élite de la bourgeoisie, qui pourtant ont besoin de sang bien humain pour survivre et garder une apparence présentable.

Hellaine et son dévoué Mister Goodwill arrivent à Woodsburg et s’ils voulaient passer inaperçus, c’est raté. Tant leur faste fait s’illuminer les regards que posent sur eux les citoyens de cette bourgade minière. Le duo ne semble pas d’ici mais, pourtant, certains habitants, sans pouvoir se l’expliquer, se sentent lier à eux. De quoi créer la faille et le malaise chez ces êtres a priori bien détachés de la chair et de l’âme humaines, au point même de pouvoir les faire renoncer, quelque temps, à leur instinct de survie, vorace. C’est le cas d’une petite fille amérindienne, toute mignonne qu’elle est, qui a tôt fait d’appeler Hellaine… maman.

Sans perdre la main sur sa poignée de personnages emblématiques, Mirka Andolfo crée une vraie ambiance et un vrai décor humain à son histoire, pour la faire vibrer et créer la faille entre le possible et l’impossible, l’humain et l’inhumain. Rythmant son récit de cauchemars et de festin d’hémoglobine, la dessinatrice sublime son sens de l’action et de l’horreur, sans jamais perdre sa rondeur Disneyenne, accessible, et la sexytude de son lâcher de crayon. De quoi servir un peu plus le décalage et permettre à l’effroi de nous saisir à la gorge, alors qu’une armée d’Indiens tente de dompter les monstres sanguinaires qui prennent vie sous nos yeux.

Cultivant quelque chose de l’extra-terrestre tout en étant complètement terrien, pas loin des fleurs carnivores, Mirka crée là des créatures innommables tout en réussissant à nous y attacher, parce que le mystère à percer pourrait bien faire tout vaciller de nos croyances et convictions. En attendant, les scènes violentes s’enchaînent et, en deux tomes, beaucoup de choses, souvent inattendues, se sont déjà passées. Me laissant bouche bée devant un tel génie graphique et colorimétrique. Intense. Aussi froid que bouillant. Deux tomes sur trois sont parus.


Titre : Les chroniques d’Under York
Tome : 3 – Confrontation
Scénario : Sylvain Runberg
Dessin : Mirka Andolfo
Couleurs : Piky Hamilton
Genre : Fantastique
Éditeur : Glénat
Collection : Log-in
Nbre de pages : 72
Prix : 16,90€
Date de sortie : le 08/07/2020
Titre : Mercy
Tome : 1 – La dame, le gel et le diable / 2 – Des chasseurs, des fleurs et du sang
Scénario, Dessin et couleurs : Mirka Andolfo
Assistants : Arancia Studio (Gianluca Papi, Fabio Amelia, Fabrizio Verrocchi)
Traduction : Flore Piacentino
Genre : Fantastique, Horreur
Éditeur VO : Panini
Éditeur : Glénat
Nbre de pages : 64
Prix : 14,95€
Date de sortie : le 02/09/2020 et le 14/10/2020
Extraits :