C’est une nouvelle aventure hybride qui marque la première collaboration entre Sylvain Runberg et Mirka Andolfo (qui a semble-t-il succédé à Karim Friha), entre franco-belge et comics, entre teenagers et adulte. Revisitant la Big Apple, les auteurs nous entraînent sous ses trottoirs et même les métros, dans les canalisations. Là où on s’attendait à croiser des crocodiles mais où l’on a plutôt rencontré la magie et un monde fantastique hirsute et saisissant. Un peu effrayant.
Résumé de l’éditeur: Le destin de New York s’écrit dans ses profondeurs… Alison Walker, 22 ans, est une jeune peintre prometteuse de Manhattan. Mais elle a un secret. C’est aussi une sorcière. Elle et sa famille appartiennent au monde de l’Under York. Un New York mystérieux et sous-terrain où règnent depuis plusieurs siècles cinq puissants clans de sorciers. Ces familles aux codes de vie très stricts, issues des principales communautés du pays (africaine, irlandaise, chinoise, mexicaine et amérindienne), pratiquent une magie aussi puissante que dangereuse. Des générations entières, ils ont été chassés, persécutés. Aujourd’hui, ils influent en secret sur la vie à la surface et ses habitants. Participer à la destinée d’un monde qui les a bannis, voilà leur revanche. Et voilà l’univers dans lequel a grandi Alison Walker. L’univers qu’elle a fui et dont elle ne veut plus entendre parler aujourd’hui. Jusqu’à ce que le destin la rattrape…

C’est un trait vif et dynamique qui nous emmène à la conquête du nouveau monde, ou plutôt des nouveaux. Car un accord a été trouvé pour que ceux qui ne s’appellent pas les moldus ici puissent vivre en paix aux côtés de ceux qui sont dotés de pouvoirs magiques. Des élections politiques pour la tête de New York vont pourtant peut-être tout changer même si le sosie d’Adam Lambert est en bonne voie pour s’imposer.

Pour tout dire, j’ai été un peu perdu au début, dans le bon sens, Comme dans ces histoires où tout ne se déroule pas dans le sens des aiguilles d’une montre. Non, on prend le récit en cours de route, et il faudra être patient pour dénouer tout ce qui a pu se passer pour en arriver au bord du gouffre, dans les griffes du démon byzantin Marduk.

Un mystère levé au prix de flashbacks lourdingues? Non, l’astuce trouvée par Runberg est osée mais adaptée à son sujet et à son heroïne qui veut faire oublier ses origines et vivre la tête haute à l’air libre malgré quelques petits secrets: de courts intermèdes illustrés où notre héroïne, jeune adulte, se livre à son journal intime et y couche ses démons.
Mais qui est-elle? Une enfant perdue entre l’en-dessous et le dessus. Sorcière, elle a refoulé son passé, l’a enterré un peu plus, pour vivre une vie d’humaine normale. Une vie d’artiste. Pour laquelle une belle carrière se profile même si son inspiration est hantée par tous ses affres. Jusqu’à ce que le vernissage de sa première exposition soit perturbé et tourne au cauchemar sous le pouvoir de son frère, Bayard. Le reste de leur famille semble avoir fauté et libéré la plus grande menace que New York ait jamais connue, en haut comme en bas.
Et Alison doit replonger.

Toujours aussi affûté, avec cette première partie de trilogie (qui pourrait être le premier arc d’une histoire voyant bien plus loin, et il y a matière à), Sylvain Runberg s’attaque à l’urban fantasy mais aussi reality tant il ouvre son monde et sa vision de celui-ci. Comme dans Harry Potter, les sorciers et la magie viennent de tous les pays et trouvent dans la cosmopolite New-York un refuge de choix. Avec beaucoup de femmes, également. Il faut dire que la dessinatrice aime les dessiner, mais peut être un peu trop dans le même moule, généreuses en décolleté, bien « poumonnées ». C’est une marque de fabrique mais dans un récit avant tout jeunesse, c’est un peu dommage. Un peu de sobriété moins sexualisée aurait été plus efficace pour ce genre de récit.

Cela dit, loin de s’arrêter l’aspect « migration » de son histoire, c’est aussi dans la différence que le scénariste pêche un autre sujet touchy. La différence qui, historiquement, en a conduits au bûcher. Le tout sur fond de mythologie, d’élections politiques explosives, etc. La manière dont Runberg dompte tous ses thèmes est toujours aussi fluide et audacieuse. La proactive Mirka Andolfo, elle, abat le boulot avec audace et spectaculaire. Musclé et dynamique pour permettre au lecteur de rêver New York. À l’heure où Mélusine tire sa révérence en ayant ouvert son monde, voilà la relève !

Et, hop, en bonus, une page du tome 2 qui devrait paraître le 2 janvier 2020.


Psssst… En fouillant sur les réseaux, on a même retrouvé des traces du projet que Sylvain Runberg et Karim Friha avait en commun autour de cet Under York, il y a quelques années. C’était prometteur, également.
Titre : Les chroniques d’Under York
Tome : 1 – La malédiction
Scénario : Sylvain Runberg
Dessin : Mirka Andolfo
Couleurs : Piky Hamilton
Genre : Fantastique
Éditeur : Glénat
Collection : Log-in
Nbre de pages : 80
Prix : 16,90€
Date de sortie : le 20/03/2019
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