Jamais on a vu un Merlu si loin de la mer, face aux dangers de l’air et dans la poussière amère de la terre. En temps de guerre. Décidément, les routes de l’exil de la seconde guerre mondiale continuent d’inspirer les oeuvres de fiction ou de réalité. Et la BD n’est jamais la dernière à y goûter. On l’a vu récemment avec la Déconfiture de Pascal Rabaté. Cette fois, sur les routes de la défaite, Thierry Dubois et Jérôme Phalippou s’intéressent au sort de Georges, chauffeur poids-lourd par la force des choses. Au courage lourd aussi.

Résumé de l’éditeur : Mai 1940, l’exode, une colonne de camions tente de monter au front. Mais la percée allemande est trop forte. La troupe est faite prisonnière. Pour Georges Colin, soldat de 25 ans, il n’est pas question de moisir dans les camps. à la première occasion, il s’évade et rentre chez lui, tant bien que mal. L’armistice est signé. L’occupation commence. La petite entreprise familiale de transport est réduite à néant, ou presque. Il faudra plus que du courage pour relancer l’activité. Quand on conduit un camion, et que l’on passe régulièrement la ligne de démarcation, on intéresse bien du monde.

Pas d’il était une fois. Entre un gamin qui pousse une brouette bien trop lourde pour lui, une femme et son vélo, une charrette dont la roue tourne sotte, une voiture en panne, un vieillard éreinté contre un arbre, c’est dans l’enfer de la route que Dubois et Phalippou ouvrent ce premier tome. Pas le temps de souffler, juste celui de respirer l’odeur de la défaire et d’avoir sur les lèvres le goût du danger, du sang que s’apprêtent à répandre les avions ennemis.


Tous aux abris. Et face aux obus, c’est désabusés que les hommes de la troupe de George se rendent compte qu’ils arrivent trop tard pour espérer repousser l’envahisseur. Sans un coup de feu, le bataillon est emprisonné. Mais quelques audacieux parviennent à s’enfuir dans la nuit propice. En terrain conquis, George, mais son prénom importe peu tant il va se faire un surnom, Le Merlu, va réinventer sa vie et son courage. Devenir chauffeur d’un genre particulier. Mais encore faut-il traverser la « demarkation linie » qui arrête même les plus téméraires héros de BD (une chouette case clin d’oeil de l’auteur) et se méfier de tout. Se mettre d’accord pour dire que sa vie vaut moins que celles qui seront sauvées par son action. Quelle résilience.


Dans ce premier tome qui raconte la vie et la mort (?) du Merlu, Thierry Dubois et Jérôme Phalippou, avec les belles couleurs de Patrick Larme, réussissent du bel ouvrage, jouant entre le jour et la nuit, l’attention et la tension. Toujours aux aguets, encore plus dans la sphère proche – le loup est peut-être dans la bergerie – mais se permettant tout de même quelques moments gouaillards. Dans un style moins Tardi que Vieux Fourneaux, Phalippou est bien dans son élément, sachant trouver les scènes qui marquent et le découpage qui impacte. Notamment quand la nuit fait son oeuvre sur les actions secrètes des résistants. Le temps n’est pas à l’insouciance et si le drame frappe à la portière de notre héros, les auteurs ne font pas dans la surenchère et livre un commencement bien senti. Oui, un commencement, car la première édition de cet album est complétée des premières planches, crayonnées et élégantes, du second opus.

Série : Le Merlu
Tome : 1 – Les routes de la défaite
Scénario : Thierry Dubois
Dessin : Jérôme Phalippou
Couleurs : Patrick Larme
Genre : Drame, Guerre, Histoire
Éditeur : Paquet
Nbre de pages : 48
Prix : 14€
Date de sortie : le 05/08/2020
Extraits :
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