Le fond de l’air est… red sur la couverture de ce deuxième tome de La Déconfiture et, mine de rien, ça n’annonce rien de bon pour les centaines de soldats capturés par les Boches et qui sont autant de fantômes à errer sur les routes de France, vers un destin funeste. Rien de bon, on vous dit, sauf pour le lecteur qui risque bien d’être une nouvelle fois séduit par un Rabaté des grands jours, fort comme un bataillon.

Résumé de l’éditeur : Juin 1940. Videgrain, soldat du 11e régiment, est sur les routes… Les Allemands ont enfoncé tous les fronts, c’est la débâcle. Les Stukas viennent faire des incursions meurtrières sur les colonnes de réfugiés qui fuient l’avancée allemande. Videgrain, qui a été séparé de son régiment, le rejoint à temps pour être fait prisonnier par l’armée allemande avec tous ses camarades. Au fil du chemin qui les emmène vers leur camp de détention, leur nombre s’accroît de jour en jour, confirmant l’étendue de la défaite française. Videgrain, son copain Marty et quelques autres soldats, veulent profiter de la pagaille créée par cette colonne de prisonniers qui s’étire de plus en plus, pour s’évader…

Là où l’on pouvait encore rire devant le passage un brin déglingué des petits soldats de Rabaté dans le premier acte, cette deuxième et dernière partie passe dans le camp de la tragédie. Celle qui prête encore parfois à sourire mais laisse l’effroi prendre sa place, petit à petit. Le 11e régiment a nourri les cohortes de prisonniers qu’emmène l’occupant vers des camps du désespoir et la bonhommie de ces hommes obligés à être des guerriers (sans en avoir tous l’envie et les prérequis) pour défendre leur patrie est désormais chassée sous les schnell incisifs d’un officier chleu qui n’invitent pas franchement à désobéir.

La menace est omniprésente sur nos vaillants petits gars qui n’avaient pas demandé ça. Rabaté a pourtant la présence d’esprit et artistique de ne pas donner de visage à l’ennemi, le laissant perpétuellement dans l’ombre. De quoi lui donner une prestance glaçante (des scènes auxquels on ne s’attend pas, même au coeur de l’horreur) mais aussi le sauver des apparences, évitant le manichéisme et la personnification du mal. Pour mieux plonger dans les regards, les cernes, les moues, les gueules qui incarnent la défaite française… mais pas sa résignation.

Car si l’horizon est barbelé et semble ne pas s’étendre beaucoup plus loin qu’à portée de fusils pas franchement adepte de la transigeance. Ici, on tire à vue. Encore mieux, à bout portant. Pas de quoi dégonfler et ébranler Videgrain qui va s’évader dans un plan forcément imparfait qui va l’emmener sur des chemins de travers, dans un chassé-croisé bien moins vacancier que celui des juillettistes et des aoûtiens et face à des rencontres méfiantes ou réconfortantes. Notre personnage et les pauvres diables qui les suivent (que Rabaté est fort pour insuffler le dynamisme choral tout en campant des personnalités fort différentes!) ne sont pas au bout de leurs surprises, parfois bonnes, un peu plus souvent mauvaises. Quant à nous, on ne savait pas où Rabaté allait nous emmener, la surprise est de taille, inimaginable et pourtant magistrale. Du grand art redoutable et tellement à visage humain.

Titre: La déconfiture
Tome: Deuxième partie
Scénario et dessin: Pascal Rabaté
Genre: Guerre, Road-trip, Humour
Éditeur: Futuropolis
Nbre de pages: 117
Prix: 20€
Date de sortie: le 22/02/2018
Extraits: