Le Tendre et le féroce: Terence Trolley et Kryll, deux BD qui prouvent que ce cher Serge est toujours dans le coup

Entre les temps d’antan et légendaires et le futur plus ou moins proche, Serge Le Tendre a développé au fil des décennies des univers de BD palpitants, fondateurs même. De la quête de l’Oiseau du temps à son arrivée chez Drakoo, en livrant sans doute l’album du jeune éditeur le moins fantasy à ce jour, Serge Le Tendre continue de surprendre, même quand il doit agencer toujours un peu plus l’échiquier de la saga qui l’a révélé il y a maintenant quasiment quarante ans. On commence avec la « nouveauté » Terence Trolley, puis, on ne peut que vous parler de l’avancement d’Avant la quête de l’oiseau du temps.

Fenêtre ouverte sur le cerveau,… le fléau vient de l’extérieur

© Le Tendre/Boutin-Gagné/Frémineur chez Drakoo

Résumé de l’éditeur : La Panaklay, une multinationale, avait financé il y a une douzaine d’années, un laboratoire de recherches afin d’explorer les perceptions extrasensorielles de très jeunes enfants avant que leur fontanelle, la « fenêtre sur le cerveau », ne se referme. Norton, l’un des responsables du projet, révolté par l’exploitation de ces petits cobayes, avait saboté le laboratoire avant de s’enfuir avec deux des enfants les plus prometteurs. Dix ans plus tard, la Panaklay vient de retrouver la trace de Norton. Celui-ci fait appel à son neveu, Terence Trolley, pour qu’il veille sur ses protégés. Tous ignorent que les étranges pouvoirs des enfants sont en train de se réveiller et qu’ils vont tout faire basculer. Ce sera un voyage sans retour au bout de la peur.

© Le Tendre/Boutin-Gagné/Frémineur chez Drakoo

Quand Christophe Arleston nous a présenté Drakoo, il était forcément question d’univers fantasy sans qu’ils soient pour autant cloisonnés. Avec comme recrue un héros de l’âge d’or, et de la réinvention, du genre, Le Tendre, certains attendaient peut-être un retour aux sources dans la veine de l’Oiseau du temps. Il n’en est rien. En compagnie Patrick Boutin-Gagné, Serge Le Tendre nous entraîne dans le futur. Et tout n’y est pas beau et joli, puisque le réchauffement climatique arrive quasiment à ses fins, minimisé par l’être humain.

© Le Tendre/Boutin-Gagné/Frémineur chez Drakoo

Préférant gérer les risques plutôt que de contrebalancer cette immense menace terrestre, ce rouleau-compresseur. Ont alors fleuri toute une série de holdings étudiant peu ou prou la situation et tous ses composants. Jusqu’à étudier l’être humain lui-même… et ses mutations. Notamment, à la source, les enfants qui, dit-on, ont des pouvoirs spéciaux, aussi longtemps que leurs fontanelles ne se colmatent pas. Concept puissant.

© Le Tendre/Boutin-Gagné/Frémineur chez Drakoo

Comme Lilly, qui fait pousser des tomates, et Neway, qui fait vaciller une mentaliste de cirque et parle aux loups (l’esprit antique, déjà exploré par Le Tendre n’est pas loin). Des signes qui ne trompent pas et risquent de les faire… repérer. C’est pourquoi Norton et les deux enfants qu’il garde se font discrets. D’autant que les gens qui les recherchent sont puissants et ont leur lot de mercenaires. Comme celui qui vient de débarquer en fanfare avec son gros van: Terence Trolley. Malgré ses sautes d’humeur, sa tendance à la picole dans des bars peu recommandables et un drame qui le hante. Terence est un gentil, même si les auteurs laissent un peu de temps aux lecteurs pour apprendre à connaître cette bête violente et pourtant brisée. D’autant plus que sa protégée Kristelle pourrait bien lui voler la vedette dans le bureau d’enquête et de recouvrement pour lequel Terence travaille… Travaillait.

© Le Tendre/Boutin-Gagné/Frémineur chez Drakoo

Et s’il débarque dans ce coin perdu, son oncle ne va pas avoir le temps de faire les présentations avec ses apprentis-mutants, la Panaklay est déjà là, vociférante et avide de feu et de sang.

© Le Tendre/Boutin-Gagné/Frémineur chez Drakoo

Quelque part entre Harmony et X-Men, avec un (anti)héros cousin des rôles de Kurt Russell dans les années 80, Boutin-Gagné sert avec brio et fracas ce début de série qui démarre  mollement dans sa  première moitié mais appuie sa singularité en même temps que l’action se fait forte. Parce que sous les coups, il y a du sens et des surprises de taille. Éparpillant quelques images chocs qui tiennent parfois à une seule onomatopée, à une esthétique graff, Boutin-Gagné fait un travail convaincant avec son style carré mais terriblement dynamique. Les couleurs d’Aurélie Frémineur, elles, étonnent par leurs choix pas si évidents, osés et finalement pertinents pour rendre le monde de bientôt un peu plus effrayant. Belle entrée en matière, donc, même si on attendait un poil plus de l’installation des enjeux de cette série bien dans son époque.

© Le Tendre/Boutin-Gagné/Frémineur chez Drakoo

Kryll, pousse-au-crime

Résumé de l’éditeur : Le chevalier Bragon poursuit son périple au coeur de des terres éclatées de La Marche et affronte la secte de l’Ordre du Signe, de plus en plus menaçante. Mais Bragon, esseulé depuis la mort du père de Mara, peut compter sur l’aide de Bulrog qu’il forme aux armes, de la même façon qu’il fut formé au combat par Le Rige. La Conque de Ramor, protégée par les habitants de la cité des Gris-Grelets, est menacée, devenant un objet de convoitise et un enjeu pour chaque camp, notamment pour la secte de l’Ordre du Signe. Afin d’avoir le champ libre, elle doit d’abord se débarrasser de Bragon et fait alors appel à la tribu des Méridines dont fait partie Kryll, une jeune femme vierge. Les femmes de cette tribu ont en effet un terrible pouvoir, celui de secréter une substance mortelle qui s’insinue dans le corps de leur premier amant…

Recherches de couverture © Etien

Ohlalalala les amis ! J’ai récupéré mon retard, j’ai enfin lu la saga initiée par Le Tendre et Loisel et perpétuée par quelques dignes successeurs. J’avais forcément des images en tête, des images toutes faites de cette épopée mais jamais je n’avais trouvé le temps de rentrer dedans. On fait ça parfois. Il y a des alcools qu’on laisse dans le bar pour en profiter au bon moment. Même si, après dégustation, une part d’innocence sera perdue. Et qu’on n’y goûtera plus jamais de la même manière, tant on en connaîtra désormais les enjeux. Ce qu’il y a d’étonnant avec la saga de l’Oiseau du temps, c’est que l’histoire originale est bien plus ramassée que la série préquelle à laquelle elle a donné lieu, ce cycle Avant la quête qui permet de mieux explorer l’univers tout en, c’est vrai, en ôtant une part de ses mystères.

© Le Tendre/Loisel/Etien/Lapierre chez Dargaud

Mais une fois qu’on accepte ce pacte-là, on peut franchement se laisser aller à ce plaisir coupable. Sans doute, le cycle Avant la quête bonifie-t-il à mesure que le dénouement se rapproche (un troisième cycle devrait avoir lieu ensuite). Et dans ce sixième tome, à mesure que les tatoués oppressent le monde d’Akbar, Bulrog va peut-être enfin réaliser son rêve, être l’élève du Chevalier Bragon. Il a eu ses deux premières leçons en tout cas, en une fraction de seconde. Mais il n’y a pas le temps de s’amuser. L’heure presse, l’ennemi est peut-être plus que jamais proche d’avoir entre ses mains la conque de Ramor, le dieu qui dévasterait tout.

© Le Tendre/Loisel/Etien
© Le Tendre/Loisel/Etien/Lapierre chez Dargaud

Dans ce monde de brutes, tripes aux vents et cervelles éclatées par moments, et de prêcheurs complètement fous, Le Tendre, Loisel et Etien ont bien choisi leur heure pour abattre l’une des plus belles cartes de cette deuxième longue aventure : Kryll. Un personnage féminin fort et complexe qui ne remplace pas la divine Pélisse mais lui assure un bel héritage tempétueux malgré la timidité de façade, en quête de vengeance, qui s’associe à la drôle de tribu de Bragon, après qu’il l’ait sauvée d’une situation sanglante. Kryll et son accompagnateur Passin n’ont pas de tatouage, on peut leur faire confiance. Et la quête continuer, un peu plus nombreux. Insouciants ? Non, il faut toujours payer ses erreurs du passé.

© Le Tendre/Loisel/Etien/Lapierre chez Dargaud

Dans cet album, le dessin de David Etien est radieux mais le ciel se couvre au fur et à mesure (avec un gros travail du coloriste Lapierre pour garder les ambiances lugubres mais faire voir les personnages et les actions). Les mines, elles, s’obscurcissent à la lueur du feu de bois. Des choix mortels doivent être pris. Le dessin d’Etien resserre l’étau de l’obscurantisme mais laisse filtrer l’espoir, incertain et appelant quoi qu’il en soit aux sacrifices. La tension n’en est que plus forte mais la poésie des deux auteurs continue de surplomber cet univers passionnant. Plus que deux tomes et nous en aurons fini avec le calendrier de l’Avant. Pour aborder celui de l’après.

© Le Tendre/Loisel/Etien/Lapierre chez Dargaud

Série: Terence Trolley

Tome : 1 – La fenêtre sur le cerveau

Scénario : Serge Le Tendre

Dessin : Patrick Boutin-Gagné

Couleurs : Aurélie Frémineur

Genre : Science-Fiction, Thriller

Éditeur : Drakoo

Nbre de pages : 48

Prix : 14,50€

Date de sortie : le 03/06/2020

Extraits : 

Série: La Quête de l’oiseau du temps

Cycle : 2 – Avant la quête

Tome : 6 – Kryll

Scénario : Serge Le Tendre et Régis Loisel

Dessin : David Étien

Couleurs : Lapierre

Genre : Heroic Fantasy

Éditeur : Dargaud

Nbre de pages : 64

Prix : 15

Date de sortie : le 31/01/2020

Extraits : 

Un commentaire

  1. Autant je te rejoins sur le tome d’avant la quete qui remonte un peu le catastrophique album précèdent (meme si la duree deraisonnable de cette serie ne se justifie vraiment pas), autant Terrence trolley est d’une grande banalite dans ses themes sf et est bien peu porté par un graphisme aux couleurs tres old school. Un vrai loupé pour moi sur ce tome et je trouve que Serge Le tendre commence a avoir du mal a proposer des nouvelles choses…. triste…

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