Brigitte, Marilyn ou même Pénélope, sacrées héroïnes. Au cinéma ou dans l’imaginaire, de chair ou de papier, ces icônes ont survécu aux années, aux décennies, aux siècles même pour la dernière, continuant d’être des muses. En cette année déconfinée, Bernard Swysen a choisi de les libérer une nouvelle fois en compagnie de Christian Paty, dessinateur avec qui il s’est bien trouvé et qui augure une collaboration au long cours. Dieu créa Bardot, Monroe et la Femme, Swysen et Paty la redessinèrent avec passion, inlassablement. Avec de la légèreté et de l’humour qui n’occultent pas les drames. Sous les jupes des histoires réelles ou mythiques, Bernard Swysen nous emmène dans cette longue interview, tandis que Christian a ouvert son coffre à trésors et à esquisses.

Bonjour Bernard, tout d’abord, comment allez-vous, comment s’est passé votre confinement ?
Si ce n’est qu’on ne pouvait plus voir les enfants et les copains, le confinement n’a pas changé grand-chose. Depuis quelques années, je me suis mis au vert, j’ai quitté Bruxelles, et le Cinquantenaire, où ce n’était plus possible de vivre, pour m’installer en plein champ, dans une ambiance moins stressée. Quant au confinement, ma femme, la romancière Sophie Flamand, et moi, travaillons déjà à la maison. Dans la vie quotidienne, nous faisions déjà nos courses dans les fermes.
Vos deux albums consacrés à Brigitte Bardot et Marilyn Monroe sortent ces jours-ci. Ont-ils dû être décalés ?
Oui, ils auraient dû sortir en plein confinement. Par chance, ils ne sont pas sortis juste avant même si, dans ces cas-là, en collaboration avec les libraires, les éditeurs réorganisent des mises en avant. Mais ça a mis un fameux bazar. Un de mes albums prévu chez Soleil en mai est reporté à janvier 2021.
En fait, Brigitte Bardot et Marilyn Monroe étaient déjà dans les caisses des offices des libraires. Maintenant, pas tant pour moi que pour le monde du livre en général, j’espère vraiment que les lecteurs feront leur grand retour dans les librairies indépendantes qui tirent déjà assez la langue comme ça.

Les étoiles de l’Histoire, c’est une collection. Votre deuxième en très peu de temps chez Dupuis. À l’heure où les séries sont de moins en moins courantes, les éditeurs ne sont-ils pas plus friands de collections ?
C’est vrai qu’il est très compliqué d’envisager des séries à l’heure actuelle. Lancer une série, c’est lui laisser le temps. Or, pour différentes raisons, notamment la volonté d’un chiffre rapide, ce n’est plus le format envisagé. Parce qu’une série ne décolle pas au premier tome. Il faut souvent 4-5 albums, pour que ses chiffres de vente tiennent la route.
Avec une collection, les choses sont plus faciles, les albums sont individuels, indépendants. Ce n’est pas grave si on n’a pas lu la première parution et l’aspect thématique peut accrocher les lecteurs. Mais je regrette qu’on ne puisse plus se projeter dans de longues séries. Et quand certaines naissent, néanmoins, c’est avant tout parce que les éditeurs les ont conçues en di- ou tri-ptyque au départ, qu’elles ont fonctionné et qu’ils les ont pérennisées.

On se souvient que La véritable histoire de…, votre précédente collection historique, avait dû changer de nom pour Les grands méchants de l’Histoire. Ici, Les étoiles de l’Histoire, c’était suffisamment clair ?
Oui, je pense, ça expliquait bien ce que nous voulions faire, explorer les destins incroyables du cinéma. Commencer par Charlie Chaplin me semblait évident, il en allait des débuts du cinéma. Il a inventé beaucoup de choses. Quant à Brigitte Bardot et Marilyn Monroe, les deux albums devaient sortir en même temps. D’autant plus qu’ils étaient tous deux dessinés par Christian Paty.

Comment est née cette collection ?
J’ai vraiment pris mon pied. J’adore le cinéma et cette collection m’a permis de revoir dans l’ordre chronologique les oeuvres de ces artistes. Ça m’a beaucoup plu et c’était très intéressant.
J’ai essayé de ne m’attacher qu’aux faits vérifiés. Auprès des enfants de Charlie Chaplin ou de Brigitte Bardot elle-même, même si elle m’a laissé beaucoup de liberté. Je me suis fait aider par d’autres personnes de son entourage. Tout est vrai m’a-t-elle dit après avoir refermé l’album. Même quand on lui élève une statue, ce qu’elle n’aime pas, ou quand on l’égratigne.

Marilyn, elle, contrairement à Bardot, elle inventait des choses. En matière de carabistouilles, elle faisait figure de championne, s’appropriant l’histoire d’une amie. Dans les mémoires qu’elle a écrites, tout est faux. Elle se disait orpheline pour ne pas dire que sa mère était folle et placée en institution. J’ai avancé à l’aveugle pour elle, je n’avais pas de témoignage de première main.
Comment gagne-t-on la confiance de Brigitte Bardot ?
J’y ai été à l’instinct, à l’expérience. En vrai, ce fut très facile, j’ai écrit à la Fondation et, en deux jours, c’était réglé. Nous nous sommes entendus directement, nous nous sommes bien reniflés. Elle a énormément d’humour.

Un jour, j’ai reçu un coup de téléphone. À l’autre bout du fil, je ne reconnaissais pas la voix qui s’est du coup amusée: « Vous n’avez pas reconnu votre héroïne de BD ? » Le franc ne tombait toujours pas. « C’est BB de BD! ». Rien n’y faisait. « Enfin Bernard, c’est Brigitte! »
Aussi, ma fille est en Bolivie pour le moment, dans un centre de revalidation pour animaux blessés, avec comme confort le strict minimum. Un jour où elle était de passage en Belgique, Brigitte l’a appelée pour la féliciter.
Vous êtes-vous rendu chez elle ?
Non, je n’avais pas envie de m’imposer. Si je devais passer dans le coin, je suis sûr qu’elle m’inviterait. Mais elle est déjà tellement embêtée. Il me fallait une raison valable pour aller la trouver.

Pour commencer en force, Mylène Demongeot signe les préfaces des deux livres.
Elle a accepté directement. D’autant plus qu’elle avait une réelle complicité avec Brigitte Bardot, bien loin de la concurrence artificielle créée par la presse qu’on leur prêtait. D’ailleurs, à la suite de cet album, Mylène et Brigitte ont repris langue.
Pour Brigitte Bardot, j’ai également demandé à Ginette Vincendeau, universitaire à Londres et professeure d’études cinématographiques au King’s College, d’intervenir. Je voulais avoir son regard d’historienne sur le phénomène de la starification.
J’imagine qu’il vous a fallu faire des choix de ce que vous pouviez raconter dans le format BD.
Éh bien non, pas tellement. J’ai eu la chance que Dupuis m’accorde un nombre de page illimité. C’est une chance, je n’ai pas été contraint de faire le tri. Tout ce qui me paraissait important, je l’ai intégré pour être le plus exhaustif possible.
C’est deux albums – et c’est d’autant plus vrai quand on voit la planche qui réunit Bardot et Monroe dans chaque exemplaire -, ils sont conçus en miroir, non ?
On ne peut mieux dire. Ou qu’on aille dans le monde entier, Brigitte et Marilyn sont connues. Ce sont des symboles, des mythes universels. Dites que vous êtes français à un Chinois, il vous dira « ah comme Brigitte Bardot ». Pour Marilyn, le phénomène s’est peut-être accentué par sa disparition prématurée. Leur force de caractère a joué dans la construction de leur mythe.


Pourtant, pour devenir mythiques, ou simplement vivre leur vie et leurs rôles comme elles l’entendaient, il leur a fallu se battre.
C’est un fait, elles incarnaient les jolies blondes, de ravissantes idiotes pour reprendre le nom d’un film dans lequel jouait Bardot sans pour autant être une idiote. Marilyn en voulait énormément à ses producteurs. Il faut dire qu’à l’époque une star était très souvent la propriété d’un studio. Qui choisissait ou non de la faire choisir, qui lui imposait ses rôles ou la prêtait à d’autres studios. On l’a abonnée aux rôles bébêtes. D’où sa volonté, surprenant tout le monde, de partir à New-York pour faire l’Actor’s Studio. Elle ne voulait pas être seulement jolie. Elle venait d’un milieu modeste mais a toujours voulu se grandir par la Culture. Elle lisait assidûment et, parfois, des lectures ardues !

Bardot, elle, c’était l’inverse, elle provenait d’un milieu très bourgeois, cultivé, qui n’avait pas l’intention de la laisser devenir artiste. Elle, elle voulait être elle-même.
Même si leurs deux milieux étaient très différents, Brigitte comme Marilyn ont été confrontées aux mêmes problèmes.
C’est vrai, elles ont dû se battre avec plus ou moins de bonheur contre le pouvoir des studios, l’emprise masculine… Mais Marilyn est arrivée trop tôt, je le crains. Bardot, elle, c’était le bon moment. Celui qui allait faire d’elle le catalyseur. Tellement de gens se sont projetés en elle, autant dans la haine que l’amour.

Autre « miroir », le rapport à l’enfantement. Marilyn aurait tellement voulu avoir un enfant.
J’ose penser que si ce désir de maternité avait été rencontré, si elle n’avait pas connu tant de fausses couches, elle ne se serait pas suicidée.
Bardot, elle, a eu un fils, Nicolas, avec qui les relations ont été tendues dès le départ. Elle n’a jamais souhaité être mère et de nombreux avortements ont suivi.
Je pense surtout que sa grossesse fut un cauchemar. Elle est tombée enceinte trop tôt et sa popularité n’a rien arrangé. Elle a vécu sa grossesse enfermée dans un appartement, les rideaux toujours fermés pour empêcher les journalistes, qui louaient les balcons à proximité ou montaient sur les toits, de la prendre en photo.

Pour ce qui est des avortements, je crois qu’elle en souffre toujours. Elle a toujours été discrète là-dessus. La BD en parle sans s’épancher.
Quelle ampleur médiatique, quand même.
Marilyn se protégeait mieux de ce qu’on a appelé les paparazzis, à l’ère de Brigitte Bardot et d’après la Dolce Vita. Car, pour Brigitte, c’était l’émeute. Lors de son dernier festival de Cannes, elle a failli mourir, il y a eu des blessés. Encore aujourd’hui, des bateaux passent devant la Madrague avec des haut-parleurs et des gens se massent devant son portail.
Par contre, sa Fondation cartonne, elle a fait plier des gouvernements notamment sur des interdictions d’importations. Il y eut de belles victoires. Et elle continue de recevoir du courrier, des lettres d’amour.
D’autant que Brigitte Bardot n’a pas toujours su comment gérer la presse. Elle s’en est vraiment fait une alliée dans sa seconde partie de « carrière ».
Disons que Brigitte a toujours eu un ton frondeur, ça lui a valu des ennuis. Elle disait ce qu’elle pensait. Mais elle a toujours regretté qu’une énorme portion des choses qui ont été écrites sur elle soit inventée. Un jour, elle est sortie avec son père de leur immeuble. La presse s’en est emparée en titrant que Bardot sortait même avec des vieux. Tout était bon pour vendre du papier. Aussi, ces dernières années, Brigitte a souvent regretté que des mots soient sortis de leur contexte. Quand une conversation de quinze minutes devient un gros titre. Qu’on en enlève de la substance.

Mais la célébrité, le cinéma n’étaient pas des plans de carrière. Tout ça lui est tombé dessus.
Au contraire de Marilyn.
Oui, Marilyn s’en est accommodée. Mais Brigitte a été traquée comme une bête. Et, un jour, elle a voulu tout arrêter. Beaucoup ont cru à un coup de publicité. Elle a eu un pont d’or extraordinaire pour jouer aux États-Unis, elle a toujours refusé pour s’occuper des animaux. Elle a juste fait quelques chansons supplémentaires, ça l’amusait.

Au fond, BB en BD, ça avait déjà eu lieu ?
Barbarella, c’est elle ! Physiquement, dans sa liberté d’esprit et de corps, Jean-Claude Forest le revendiquait. Roger Vadim en a réalisé le film d’ailleurs. Mais Brigitte Bardot ne voulait pas en être, alors ce fut Jane Fonda.
Vadim. Pourquoi Brigitte l’appelle-t-elle toujours par son nom dans la BD ?
C’est une des choses que j’ai apprise. Quand j’ai fait lire les premières planches, le scénario, à Brigitte Bardot – et dieu sait que ce n’est pas rigolo à lire -, elle m’a fait remarquer que, dans la BD, elle appelait toujours « Roger ». Ça me semblait normal sauf que son vrai prénom était… Vadim. En vrai, elle l’appelait Vava.
Au jeu des ressemblances, le coiffeur fut un passage obligé tant pour Marilyn que Brigitte.
On ne les imagine pas en brunes, hein ?

Monroe l’a fait, notamment, par admiration pour l’actrice Jean Harlow que vénérait sa tante. Une blonde platine qui a installé une mode. J’ai voulu mettre ces deux séquences, qui se répondent, parce qu’elles témoignent de la même chose : plus qu’un changement de look, c’est à ce moment qu’elles deviennent réellement Marilyn Monroe et Brigitte Bardot. Encore plus avec un film qui fera date comme Et dieu créa la femme.
Avant l’écran, toutes deux connaissaient une carrière photogénique. Qui a mis du temps à les mettre en mouvement.
Avant même que Brigitte ne tourne, certains magazines faisaient campagne pour en faire une star. Un photographe avait eu la bonne idée de lui faire faire des essais qui l’ont très vite conduite à être en une. Hélène Lazareff, rédactrice en cheffe de Elle est ainsi tombée sur ces photos et l’a engagée contre l’avis de son père. Pour sa photogénie de brune.
Marilyn, elle, a été repérée lors d’un shooting photo sur l’effort de guerre des femmes américaines. Dans un atelier de construction d’avions, Marilyn s’est faite photographiée.

Marilyn a même posé nue pour une photo. On lui a déconseillé de se reconnaître sous peine que sa carrière soit terminée…
Et elle ne l’a pas fait. Elle a assumé. Elle a expliqué qu’elle n’avait rien à manger, qu’elle avait faim et qu’elle s’est résolue à ce shooting. Je pense qu’elle a bien fait, sinon on l’aurait emmerdée et on lui aurait inlassablement demandé si c’était elle. Pourtant, si on se remet dans le contexte, il fallait du courage. Mais le fait d’assumer l’a rendue encore plus sympathique. La vérité était la meilleure conseillère. Même si dans les faits, Marilyn n’a jamais écouté qu’elle-même.

Ça s’est vu sur les plateaux?
Oui, elle était plus instable, capable de faire attendre le réalisateur. Quand on commençait à l’attendre, elle était toujours dans son bain. Tony Curtis l’avait prise en grippe à cause d’une scène dans Certains l’aiment chaud. Il avait dû manger de nombreuses cuisses de poulet pour enfin tenir la bonne prise.
Tony Curtis qui a d’ailleurs déclaré qu’embrasser Marilyn, c’était comme embrasser Hitler.
Ce fut un tournage très difficile, Marilyn oubliait ses répliques. Mais ce qu’a dit Tony Curtis était très cruel, méchant. Certes, Marilyn manquait de maturité sentimentale mais elle était plus naïve que nocive. Tout se rapporte à ce manque de confiance en elle, à cette peur de ne pas être aimée, de vieillir.
Bardot avait beaucoup plus de respect, ce n’était pas une inconsciente, elle avait les pieds sur terre. Pas que Marilyn ait eu le fond méchant mais qu’elle était dans sa bulle.

Marilyn, je pensais que c’était Norma Jeane Baker… pas du tout en fait.
Non, elle serait la fille d’un certain Mortenson mais on ne sait pas trop en fait. Comme Charlie Chaplin, en tout cas, elle a eu une enfance épouvantable, à la Dickens. Elle a beaucoup souffert, de l’abandon notamment. Sa mère, dingue, s’était retrouvée à l’asile. Comme celle de Chaplin d’ailleurs.
Toutes les deux ont tenté de s’ôter la vie. Marilyn a réussi, Brigitte est une survivante.
Oui, parce que le cinéma est une machine qui broie. On est vite prisonnier d’une image. C’est aussi pour ça que, même si elle n’était pas une grande couturière, elle fourrageait pour créer son propre style. Pour éviter l’émeute, on lui ouvrait les magasins la nuit pour qu’elle puisse faire ses achats.
Même après sa « retraite » cinématographique, on a continué à la poursuivre de près ou de loin. Comme le jour de ses 50 ans.
C’était un événement national, on en parlait à tous les journaux. Elle crée toujours l’événement cela dit, elle ne laisse personne indifférent. Mais elle continue de se protéger.
Je n’arrivais pas à me forger une opinion en vous lisant. Quel homme fut le plus important dans sa vie ?
Bardot est une amoureuse sincère. Elle a eu des grands amours mais la pression, le métier les ont parfois rendus impossibles. Elle fut très amoureuse de Sami Frey, de Jean-Louis Trintignant. Puis, il y a eu Bernard D’Ormale avec qui elle est mariée depuis bientôt trente ans. C’est quelqu’un d’apaisant.

Mais oui, Brigitte Bardot a toujours été une grande amoureuse, elle aimait le sexe bien sûr. Mais elle fut le symbole de la libération à une époque où la femme subissait, elle disait: moi je peux choisir.
Chez Marilyn, l’homme le plus présent dans sa vie fut Joe DiMaggio. Encore plus après leur divorce.
Si ce joueur de baseball était protecteur, il était aussi très brutal et jaloux. Elle a fini par le quitter, lui est resté très amoureux.
Puis, elle a été subjuguée par Henri Miller. Un grand intellectuel. Ce qu’elle voulait être mais elle était bourrée de complexes.

Marilyn est aussi passée sur le billard.
Elle était étonnée qu’on veuille lui faire changer le nez. Elle a accepté sans discuter mais sans en voir l’intérêt.
Brigitte Bardot, elle, n’a jamais été tentée. Jeune, elle avait une photogénie parfaite. Mais quand elle a eu sa première ride, elle l’a acceptée, la suivante aussi. Aujourd’hui, elle tape une broche dans ses cheveux, mais continue de se maquiller. Elle aime ça. Même si son maquillage est le même depuis trente ans, elle n’en a rien à faire.
Vieillir, il en est aussi question dans la BD, plus pour Brigitte Bardot que pour Marilyn Monroe. Ce fut facile de faire évoluer BB ?
Pour Marilyn, en effet, la question ne s’est pas posée. Pour Bardot, Christian Paty a beaucoup souffert. Le vieillissement se passe parfois sur quelques pages, avec douceur, délicatesse. Pour chaque portion de l’histoire, il regardait des photos. Mais c’est difficile de dessiner une femme dans un juste ton. Je trouve que Christian a réalisé un tour de force.


Autant Marilyn est venue assez rapidement autant Brigitte a été très difficile à appréhender en dessin. Il fallait trouver le juste milieu entre la caricature et le portrait. Brigitte Bardot devient vite un petit nez et une grande bouche, il fallait ne pas tomber là-dedans. BB a souvent été l’inspiratrice de caricatures et je sais qu’elle en déteste.

Y’a-t-il eu des interdits, justement ?
Non, Brigitte nous a laissés faire ce que nous voulions. Il n’y a eu aucun filtre, juste des suppressions si un élément était faux. Il ne s’agissait pas de raconter de conneries. Et même quand les faits que nous mettions en lumière n’étaient pas en son honneur, elle a joué le jeu.

Brigitte en vrai, alors que les mensonges ont la vie dure ?
Pour reprendre le titre d’un de ses livres, nous avons voulu montrer Brigitte telle quelle. C’est aussi une manière de remettre les pendules à l’heure, à une époque où les étiquettes restent. Avec ces trois albums cinématographiques, je voulais prendre le point de vue de Sirius, voyant les choses de très haut. À savoir, l’Histoire, les faits, de manière neutre. Le lecteur se fera une opinion lui-même.
Comment documenter tout ça, d’autant plus que, comme vous le disiez, les mensonges sont légion.
J’ai lu beaucoup d’articles. Internet est un outil remarquable, pour ça. L’INA, Institut national de l’audiovisuel, est une mine d’or. Avec des séquences et des images importantes. Notamment la longue interview de Bardot dans Cinq colonnes à la Une.
Après, je suis tombé sur des choses tellement invraisemblables. J’ai dû recouper, poser des questions. Les titres de certains représentants de la presse spécialisée people sont aberrants. Bardot était la cible par excellence.
Des stars, forcément, on en croise à chaque page. Vous ne vous appesantissez pas à les introduire. Ce n’est pas grave si le lecteur les reconnaît ou pas…
Je voulais quelque chose de naturel. Les lecteurs les plus avertis s’amuseront à les reconnaître, pour les autres, ça ne nuit pas à la lecture. Nous donnons toujours leur identité en tout cas. Marilyn et Brigitte étaient hyper-connue, forcément, certaines des stars qu’elles fréquentaient à l’époque sont passées dans l’oubli.
Pas Yves Montand et Simone Signoret qui font une apparition remarquée chez Marilyn.
Oui, et au vu de ce qu’il se passe entre Montand et Monroe, Signoret a la réaction d’une grande dame face à l’étalage dans la presse qui se produit suite à leur rencontre.

Au fond, avez-vous fait appel aux services de Christian Paty ou de Dzack, son alter ego de papier ?
Dzack ! Je ne connaissais son talent que sous cet angle-là. Les albums des Blondes, notamment. Mais nous avons écrit Christian Paty sur la couverture car les deux albums furent compliqués à réaliser, cela demandait un travail dingue, sur les décors, les personnages… C’est une réinvention totale. Paty m’impressionne, son dessin est un plaisir de fin gourmet. Avec une rapidité d’exécution incroyable – 8 pages par mois, 10 parfois -, il me livrait des planches fouillées, efficaces. Ahurissante, sa main est le prolongement de son cerveau.
D’autant plus que vous avez fait un troisième album ensemble, L’Odyssée de Pénélope.
Vous devriez voir les encrages, c’est de toute beauté. L’Odyssée de Pénélope permet à Christian de faire oeuvre d’expressivité. C’est une grande aventure humoristique et caricaturale. Un autre genre d’histoire.

Quelle est la genèse de cette mythologie revisitée ?
Après Brigitte et Marilyn, dont les albums étaient prêts depuis un bon moment, nous n’avons pas voulu nous arrêter en si bon chemin. Pourquoi ne pas continuer, autrement ? Cette idée, comme d’habitude, je l’ai eue en allant me promener. En revenant, j’avais le concept. Et j’ai réfléchi à l’éditeur qui porterait le mieux cette histoire mêlant mythe, fantastique et heroïc-fantasy : Soleil.

Pourquoi la mythologie continue-t-elle d’être autant déclinée ?
C’est le berceau de notre Histoire, de nos histoires. Tout y est déjà raconté, surtout dans la mythologie grecque. On n’y trouve pas que des monstres, il y a des drames familiaux, c’est Dallas !

Et une héroïne ?
J’adore les héroïnes. En tant qu’amateur de cinéma, j’ai toujours été attiré par les films avec des héroïnes. Quand j’ai collaboré avec Claude Lelouch, il a dit de moi que j’avais un coeur de midinette. C’est vrai que je suis bon public. Pour Angélique, marquise des anges, par exemple. J’aime les femmes fortes, celles qui doivent faire plus que les hommes pour se faire une place. Ça demande énormément de caractère.

À la place d’Ulysse, j’ai donc envoyé Pénélope en voyage. Le concept veut qu’Homère ait été misogyne. Ainsi a-t-il raconté les exploits de Pénélope à travers Ulysse. Christian et moi réhabilitons la vraie histoire. Nous nous sommes beaucoup amusés, avec une touche féministe. L’Odyssée, c’est passionnant!


Le deuxième tome devait sortir en mai, il a été repoussé à janvier, à cause des chamboulements liés au Covid. Mais le troisième tome est en route. Tant qu’il trouve son public, nous continuerons.
Comme pour Brigitte Bardot, beaucoup d’animaux entourent Pénélope.
Christian adore les animaux, il en dessine depuis longtemps et est très demandeur. Il y a aussi des monstres. Si j’ai un faible pour les histoires de femmes, j’aime aussi l’horreur. Mais ceux d’avant. J’ai été ébloui par Jurassic Park, la première fois qu’on voyait des dinosaures « pour de vrai ». Aujourd’hui, c’est trop facile ! Ça claque mais nous sommes habitués.

Quels sont vos projets actuellement ? Un nouveau tome des Étoiles de l’Histoire ?
Non, comme pour Les méchants de l’Histoire, la collection est terminée avec cette trilogie. Bon, j’aurais envie de m’intéresser à Walt Disney mais il y a un problème: nous pourrions le faire sans dessiner un seul personnage de l’univers Disney. Même les affiches des films, on ne peut pas les représenter.
Il y avait quand même du Disney dans votre album consacré à Hitler.
Du Disney, sans l’être. Ptiluc avait transformé les personnages pour les évoquer sans que ce ne soit les vrais personnages. Ce sont des cousins. Mais l’idée était vraiment de raconter Hitler et la guerre avec des personnages de dessins animés. Mais l’entreprise aux grandes oreilles est très tatillonne.

Pour la suite, sinon, nous avons un autre projet avec Christian Paty et ma femme. Ce sera historique, cette fois, mais pas hystérique.
Au fond, le meilleur film de Marilyn ? Et de Brigitte ?
Pour Marilyn, Certains l’aiment chaud de Billy Wilder même si j’aurais aimé le voir en couleurs.
Pour Bardot, les Pétroleuses de Christian-Jaque continue de me faire beaucoup rigoler. Claudia Cardinale y est magnifique, Brigitte Bardot est somptueuse. C’est un bon cocktail, franchouillard. Ou comment un village français se retrouve en plein Far West.
Comment expliquez-vous que personne, au fond, n’ait oublié Marilyn et Brigitte ?
Comment une star perdure, c’est un mystère. Marilyn et Brigitte sont des comédiennes de grande beauté mais d’autres avaient leur photogénie. Ça ne peut pas expliquer tout. Je crois que les époques auxquelles elles sont arrivées et ce qu’elles en ont fait, ça a joué. Après, il faudrait mettre un sociologue sur le coup ! Pourquoi dix romans formidables sortent-ils mais qu’un seul est un carton ?
Heureusement que nous n’avons pas la recette du succès. Nos scénarios n’auraient plus aucune subtilité.

Et on ne ferait pas des biographies de personnalités comme Bardot et Monroe.
Je vois, en tout cas, un point commun: le caractère. Chaplin avait une volonté de fer, aussi, il allait contre vents et marées. Bardot a toujours dit ce qu’elle pensait même si ça lui pétait à la figure. Marilyn aussi avait du caractère, sous l’étiquette du fantasme hollywoodien.

Je crois que ces stars nous renvoient à une sorte de paradis perdu. Voyez la nostalgie sur laquelle joue chaque retransmission des films de Louis De Funès. Ces films nous ramènent à une époque lumineuse même si, dans les faits, elle ne l’était pas tant que ça. Nous l’avons embellie avec le temps.
Voyez-vous des héritières de ces deux actrices hors-norme ?
Je n’en vois pas. Bien sûr, il y a des comédiennes que j’aime beaucoup mais je ne vois pas une personnalité émerger. C’est bizarre. Mais, aujourd’hui, on ne va plus vraiment voir un film pour ses acteurs. Dans le temps, on allait au cinéma pour le dernier Gabin ou Belmondo.
On va plutôt voir des films de réalisateurs, non ?
Hum, je ne sais pas. (il réfléchit). C’est vrai qu’on a tendance à aller voir le dernier Polanski, le dernier Spielberg. Moins par rapport à leurs acteurs.

En tout cas, ces deux albums, on les lira pour Brigitte et Marilyn, pour Bernard et Christian aussi. Merci beaucoup Bernard et bonne suite de déconfinement.
Série : Les étoiles de l’Histoire
Tome : Brigitte Bardot
Scénario : Bernard Swysen
Dessin : Christian Paty
Couleurs : Sophie David
Avant-Propos : Ginette Vincendeau
Préface : Mylène Demongeot
Genre: Biographie, Cinéma
Éditeur: Dupuis
Nbre de pages: 128 (+ 7 pages de filmographie et dossier sur la Fondation)
Prix: 22€
Date de sortie: le 29/05/2020
Série : Les étoiles de l’Histoire
Tome : Marilyn Monroe
Scénario : Bernard Swysen
Dessin : Christian Paty
Couleurs : Christian Lerolle
Préface : Mylène Demongeot
Genre: Biographie, Cinéma
Éditeur: Dupuis
Nbre de pages: 96 (+ 7 pages de filmographie)
Prix: 19;95 €
Date de sortie: le 29/05/2020
Série : L’odyssée de Pénélope
Tome : 1 – Premier chant
Scénario : Bernard Swysen
Dessin : Christian Paty
Couleurs : Sophie David
Genre : Aventure, Humour, Parodie
Éditeur : Soleil
Nbre de pages : 49
Prix : 10,95€
Date de sortie : le 08/01/2020
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