Vous l’entendez ? Non ? Tendez l’oreille. Vous l’entendez, maintenant ? Le bruit des bottes autoritaires qui martèlent un peu plus le sol depuis quelque temps et, encore plus, depuis le 26 mai, quand les extrêmes sont revenus en force, dans plusieurs régions de l’Europe. Vous le sentez le souffle de l’ignoble, perpétré par des semeurs de haine adoubés par des électeurs qui ont tout mélangé et ont perdu le cours de l’Histoire. Pourtant les livres, les documentaires, les fictions en tous genres n’ont jamais oublié les sinistres événements qui l’ont parcouru. Alors, c’est, les livres sérieux ne sont pas toujours accrocheurs pour le commun des mortels qui veut du pain et des jeux. Alors, voilà, un album BD très bien fait qui raconte Hitler, de sa naissance à sa mort et après, avec des animaux, de manières très humoristique, corrosive et truculente mais avec une fidélité à la réalité et un souci des détails (jusqu’à l’anecdotique qui vous fait dire « m’enfin, c’est pas vrai) exemplaires. Interview avec Bernard Swysen et Ptiluc pour la véritable histoire vraie du plus grand méchant historique.

Bonjour à tous les deux, comment allez-vous ?
Ptiluc : Je suis plutôt content, l’album est sorti il y a quelques jours (ndlr. nous avons mené cette interview au mois de mars) et, depuis, c’est un marathon. Nous avons une sacrée presse. L’album était attendu. Il faut dire qu’avec Bernard, vu tout l’actualité récente, nous voulions parler de ce qu’il se passe avant les dérives. Ce par quoi elles peuvent être provoquées.
Bernard : C’est un soulagement, cet accueil. Parce qu’à l’annonce de la parution, j’ai senti une sorte de méfiance. Au final, l’accueil est heureux. Et, en fait, je n’en doutais pas. Le 1er mars, l’album est sorti; le 3 mars, il partait en réimpression.
Bernard, comment s’est montée cette collection ?
Bernard : À cause de toutes les conneries que j’entendais. On utilise et fait beaucoup appel à l’Histoire mais il y a une méconnaissance totale de celle-ci. Un facho n’est pas un nazi. Ces termes sont utilisés n’importe comment. Le postulat de départ était de réexpliquer à un large public ce qu’il s’est passé… et ce qui risque encore de se passer. Nous sommes en plein dedans, il y a plein de choses qui doivent se mettre en place. Je voulais aborder cette Histoire par les méchants qui l’ont parcourue : comment sont-ils sont arrivés au pouvoir et quelles en ont été les conséquences ?

Après un début sous le nom Les grands méchants de l’histoire, la collection a changé de nom pour devenir : La véritable histoire de…
Bernard : C’est exact. Avec les Grands méchants de l’Histoire, beaucoup n’ont pas compris le concept. Alors, oui, l’humour était bien présent mais tout ce qui était raconté était véridique. Ces albums ne sont pas inventés, ils sont vérifiés par un historien, Elie Barnavi pour celui-ci. On a repéré deux erreurs qui n’ont pas été corrigées dans la première édition : une date et des tanks trop américanisés. Pour le reste, chaque fois, j’attendais d’avoir la planche dessinée pour la montrer au relecteur. C’était un risque mais ça ne lui permettait pas d’intervenir plus que pour une correction. En amont de l’écriture, il y a eu des mois de lecture, des milliers de signets, une phase de décantation et un travail de contraction. Avant de vérifier que je ne m’étais pas trompé.

Ptiluc, comment avez-vous intégré cette série des Grands Méchants de l’Histoire ?
Ptiluc : À vrai dire, je n’étais pas convaincu du premier coup. Bernard est venu me chercher en Alsace lors d’un festival. Nous avons parlé de ses projets en cours. Sa série m’intéressait moyen. Je me suis donné le temps de la réflexion. Le lendemain, je l’ai rappelé, j’en étais… à une seule condition : consacrer cet album à Hitler !
Qui vous était familier dans votre oeuvre, non ?
Ptiluc : Oui, il était déjà intervenu dans mon album La foire aux cochons. C’est ainsi que tous les dictateurs du XXe siècle se retrouvaient transformés en cochons, dans une sorte de purgatoire. Et, entre eux, ils se racontaient leurs méthodes et refaisaient le monde et l’histoire.

Comment l’aborder dans ce nouvel album ?
Ptiluc : Ce ne fut pas une mince affaire. Si Hitler était bien dans la liste de méchants que Bernard avait en tête, il pensait y arriver plus tard. Ce sont des albums très documentaires, précis, qui composent cette série. Il fallait parvenir à mettre en valeur tout ce qu’Hitler a fait de déterminant mais être concis.
Bernard : Hitler, c’est LE grand méchant. Pas tant par le physique, cela dit. J’ai senti une sorte de crainte à son évocation, c’était délicat de le faire dans l’humour. Mais nous l’avons fait sans auto-censure, comme nous le sentions.

Ptiluc : J’y allais à petits pas. Je n’avais presque jamais bossé avec un scénariste. Mais après la page d’essai qui donnait le ton, j’ai très vite compris que ce serait simple avec Bernard. C’était une collaboration, je ne devais pas dessiner son scénario à la virgule près.
Le faire avec des animaux, votre péché mignon, qu’est-ce que ça implique ?
Ptiluc : L’animalier édulcore l’horreur. Un acte violent commis par des rats… reste commis par des rats. Encore plus à gros nez.
Je n’ai pas l’impression qu’on les utilise si souvent que ça, les animaux, et plus souvent dans un rapport à l’heroic-fantasy. Il y a eu de grandes réussites comme De cape et de crocs. Après, c’est un procédé vieux comme le monde. Les fables antiques faisaient déjà parler les animaux des comportements humains. La Fontaine a repris le principe.

Bernard : Les animaux permettent d’aller le plus loin possible.
Comment avez-vous abordé cet album ?
Ptiluc : Il était hors de question de me replonger dans Maus d’Art Spiegelman ou La bête est morte de Calvo. C’était clair dès le début. Par contre, mon Hitler est calqué au doigt près – vous regarderez – sur celui de Calvo. Quant à Maus, je m’en suis servi pour évoquer la Shoah, passer dessus le temps de deux planches « choc » en noir et blanc. Ce n’était pas le sujet de l’album, même si nous l’en avons parsemé, nous ne pouvions pas l’éviter. C’est une parenthèse dans la guerre, beaucoup ont découvert ces camps après, même si certains savaient ce qu’il s’était passé, il ne fallait pas gâcher la liesse de la libération. Pour les montrer, la question se posait de comment le faire. Nous voulions quelque chose de fort, d’évocateur. C’était la limite à l’humour quitte à faire appel à la culture du lecteur.
Bernard : Aborder la Shoah, je ne le sentais pas beaucoup, dans le ton adopté. Nous avons tenté de le faire dans la continuité de l’album mais c’était totalement inapproprié. Pas par peur de choquer mais parce que c’est un passage tellement horrifique. Du coup, on s’est servi de Gerstein, l’homme qui a montré ce qu’il se passait avant de se suicider. Il a alerté la chancellerie européenne, tout le monde savait.

Vous parlez d’ailleurs de blabla politique qui a retardé l’intervention des Américains dans cette guerre.
Bernard : C’est un bouquin intéressant, je pense, pour voir la lâcheté politique. Dès le début des années 30, on aurait pu arrêter la machine infernale. Sauf qu’ils ont laissé faire, jusqu’à aller de plus en plus loin et au point de non-retour. C’est de l’ordre de la lâcheté diplomatique. Je pense d’ailleurs qu’il n’y a pas eu deux mais une seule guerre mondiale. La deuxième n’est que la conséquence du ratage de la première et de la manière dont on a essayé de la régler.

Ptiluc : C’est toujours pareil. Je ne sais pas ce que Trump prévoit. Au Vénézuela, par exemple. Mais il y a toujours cette association malsaine du monde politico-médiatique. Et à l’ère d’Internet, c’est un outil de propagande tout trouvé !
C’était en tout cas le bon moment, entre Trump et Macron le technocrate, entre Bayer et Boss qui ont fait fortune sur la guerre. Puis, grâce à Bernard, c’était aussi le moment pour moi de revenir sur la scène BD à un moment où j’étais inquiet de mon avenir dans cet art.

Comment avez-vous collaboré ?
Bernard : J’ai sondé tous les auteurs pour établir la manière dont on pouvait travailler. Pixel Vengeur, par exemple, avait envie de s’attaquer à un album mais il ne fallait pas que ce soit un travail de commande. L’idée est de laisser faire au dessinateur ce qu’il veut.
L’avantage, c’est que sans le faire exprès, au moment où Ptiluc est arrivé dans le projet, je commençais seulement le scénario. Si le scénario avait été complet, la collaboration n’aurait pas été la même, tout comme le rendu final de l’album. En voyant les premiers dessins de Ptiluc, j’ai pu faire du sur-mesure. En écrivant, je voyais son dessin, les mimiques. Ça nous a permis d’être plus dynamiques, expressifs. Ils sont rares les auteurs d’humour qui me font rire d’emblée rien que par leur dessin. C’était l’atout de Ptiluc, mon inspiration.

Ptiluc : À chaque entretien que nous avions, Bernard et moi, nous développions chaque page. Je n’ai pas respecté la mise en page initiale, avec planches principalement de neuf cases mais pouvant varier, des strips, un suspense de fin de page. Beaucoup de scènes ont été raccourcies ou rallongées. Mais, dès le départ, il était évident que nous aurions face à nous deux personnages narrateurs. J’ai pensé à la voix off de Blake et Mortimer ou de l’Oncle Paul, je n’en voulais pas ! Alors, ces deux personnages, je les trouvais drôles et j’ai proposé à Bernard de mettre en scène ce professeur et son élève.

Deux personnages qui vont changer physiquement, à cause de la maltraitante, de la famine, de la déportation, c’est finement joué.
Bernard : Dès la première page, il y avait beaucoup de texte explicatif. Ce que Ptiluc… déteste. Il est donc venu avec ces deux personnages. Ils ont mûri et je les ai développés. Ces deux personnages, j’en ai fait des Juifs qui veulent quitter le pays pour se mettre en sécurité. Mais ils ne vont pas pouvoir et vont se retrouver piégés, déportés. Ils pensaient pouvoir avoir le statut de réfugié et avoir une excellente raison de fuir, la montée du nazisme, mais ils vont se rendre compte que les pays libres sont peu enclins à les accueillir. Ça nous permettait de tout mettre sans s’éterniser sur l’une ou l’autre scène.
Nous les suivons d’ailleurs jusqu’au mur de Berlin. Car la guerre ne s’arrête pas à la mort d’Hitler. Les deux personnages sont vieux mais ont la connaissance de ce qu’il s’est passé et tirent la sonnette d’alarme.

Avec une mine d’informations, d’allusion, d’anecdotes. Un album bien fourni.
Ptiluc : Il y a des choses pour ceux qui connaissent l’Histoire sur lesquelles d’autres passeront dessus. Dans l’anecdotique, Bernard a par exemple voulu intégrer la réplique du général McAuliffe, « Nuts », dans une Bastogne assiégée.

Bernard : Pour ça, nous avions la pression. Il y a énormément de choses à dire sur un personnage comme Hitler. Parce qu’il soulève la passion et autant d’interrogations. Avec Hitler, un régime a, pour la première fois, théoriser un génocide. C’est à dire qu’avec sang-froid, un type derrière un bureau à imaginer de donner un numéro à chaque victime de cette haine. C’était très administré, froid, pervers. Loin des hordes barbares qui déferlent!
D’ailleurs, ce genre de personnage peut revenir au pouvoir à n’importe quel moment. Hitler est tout de même le fruit d’une société démocratique, civilisée, avec des entrées dans le monde aristocrate. On a déjà vu bien pire ! Je voulais aussi que l’histoire commence un peu avant la naissance d’Hitler, pour expliquer le contexte. Et parcourir toute sa vie.

Le nombre de pages était-il fixé ?
Bernard : Nous voulions que le lecteur puisse être actif, comprendre par lui-même certaines choses. Mais tout devait aussi être clair. Nous aurions pu faire 500 pages sur le sujet. En tout cas, je ne voulais faire qu’un seul tome. Parce qu’en deux tomes, à la fin d’une année, on en a toujours un qui manque. Nous avions la liberté de pagination, sans contrainte. Nous arrêtions quand nous pensions avoir fini. Il fallait donner suffisamment d’informations car il se passe beaucoup de choses. Ce n’est pas un album sur la seconde guerre mondiale mais sur Hitler. Il fallait aborder son enfance, son expérience de peintre raté, recalé aux Beaux-Arts.
Certains diront : « Oui mais il n’a pas eu une enfance facile ». Même dans ce contexte, sa mère l’adorait. Chez les Hitler, ce n’était pas chez Dickens. Le vrai problème, c’est que, dès le départ, Hitler était un frustré, en manque voire incapable d’empathie. C’est un problème psychiatrique. Et je pense d’ailleurs que tous les personnages de cette collection ont ça en commun.
Il est aussi, évidemment, question de propagande.
Bernard : Plus le truc est énorme, plus ça marche, tant qu’on donne aux gens ce qu’ils ont envie d’entendre. Ça peut commencer par une pub pour shampoing. Les fake news étaient le fer-de-lance du régime nazi. Elles ont toujours existé. Avec Internet, les outils pour les répandre se sont juste multipliés.

Pourtant, sur Internet, on a accès à plusieurs journaux, dans plusieurs langues, pour recouper les sources. Tous les outils sont disponibles pour s’informer correctement. Mais l’algorithme tourne en rond et a vite fait de nous ramener à un média putaclic. Au final, il n’y a qu’un système amélioré pour faire de la propagande alors qu’il donne la possibilité de bien s’informer.
Avec cet album, je voulais apporter un récit qui soit ludique, qui amène une connaissance mais qui développe aussi le sens critique pour ne pas croire tout ce qu’on raconte et ce qu’on a envie d’entendre. Ça commence dès l’école primaire. Certains jeunes ne savent même plus qui était Hitler !

Et tant qu’à parler propagande, parlons chansons. Certains passages de cet album ne jureraient pas dans une comédie musicale.
Ces chansons ont réellement existé et été chantées. Par ces gens-là, à ce moment-là. Hitler était un fan d’Opéra. Et Mussolini s’inspirait de la grandeur antique pour montrer à quel point l’Italie était un grand peuple.
Dans cet album, malgré la gravité du sujet, il y a pas mal d’humour.
Ptiluc : Initialement, il devait y en avoir plus. Bernard adore les calembours, moi pas ! (rires) J’en ai quand même laissé un ou deux. Notamment, le pire du livre, sur Rohm qui n’a jamais compris pourquoi Hitler le laissait tomber.
Bernard : Ce n’était pas l’Oncle Paul, l’angle d’attaque c’était l’humour, justement. C’est vrai que j’adore les calembours. On se téléphonait tous les jours pour se faire part de nos idées. Les calembours n’étaient pas une obligation, Ptiluc avait le loisir de les sucrer s’ils l’empêchaient d’avancer. Celui sur Rohm, il trouvait que c’était le plus nul du siècle. Bon, d’autres auteurs ne les enlèvent pas. Mais j’ai appris que Morris enlevait les calembours de Goscinny. Ça rassure, non ?
Mais il faut bien se dire que si les choses ont l’air racontées de manière comique, elles sont véridiques. Comme l’épisode de la recherche de look d’Hitler. Il a essayé plusieurs moustaches. Puis, il fallait traduire les épisodes moins connus d’Hitler. On a parfois l’impression qu’Hitler est arrivé au pouvoir en un claquement de doigts. C’est faux. C’était plus compliqué que ça, il y a un jeu d’alliance, il n’a pas été élu directement.

Puis, dans votre bestiaire, il y a plein de personnages connus.
Bernard : Comme Tintin qui vole un chien, appelé Fuchsl, à un Allemand dans une gare. Il y a les Dalton, aussi.
Ptiluc : Tous les Américains qui débarquent sont des personnages Disney. Ils sont venus avec le Plan Marshall, Coca et les films d’Hollywood. Pour le débarquement, j’ai donc mis aux soldats américains des grandes oreilles et des culottes rouges. Bon, on n’a pas le droit de faire ce qu’on veut, question de droits, donc je les ai maquillés. Mais, symboliquement, je trouvais ça bien. Il y a Patton en Pat Hibulaire, les Rapetout, Donald, Dingo.

Pour le reste, avant, j’avais toujours fait des peuples de rats, des peuples de cochons ou de singes. Mais je n’avais jamais fait des mélanges d’espèces. Ici, j’ai essayé de trouver des animaux qui correspondent au caractère des personnages qu’ils représentent. Goebbels en corbeau, Himmler en bouledogue. Ça me semblait mieux que de dépeindre tous les Allemands comme des loups. De même, pour les Américains, ça aurait été ridicule de représenter Patton en Mickey. Tout est un jeu de combinaison sans perdre de vue que c’est un sujet délicat, qu’il faut doser et ne pas submerger.
Les personnages secondaires sont aussi très travaillés.
Ptiluc : J’ai fait beaucoup de recherches dessus. Certains sont hyper-importants dans la carrière d’Hitler mais disparaissent de suite. Il fallait affirmer le faciès, la physionomie. Mais aussi les costumes, ce dont je me passe habituellement dans mes albums animaliers. Merci Wikipédia, Google, pour les photos de tronche. J’ai pu aller précisément dans le détail des coupes, des costumes, des moustaches… Tout s’est rapidement imposé…
… sauf Himmler que, la tête dans le guidon, j’ai confondu avec Rudolf Hess. Un beau mec, laqué, qui revient très peu. Un loup élancé. Sauf qu’à un moment donné, après une dizaine de planches, je me suis rendu compte que je les avais intervertis. Et ce crapaud innommable qu’est Himmler était bien plus beau qu’il n’y paraissait. Il m’était impossible de tout retoucher donc Himmler est devenu un hybride.

Vous faites de la 3D en 2D, en faisant ressortir les personnages du décor.
Ptiluc : Au départ, je dessine en bleu, j’aquarelle mais garde les décors en crayonné. J’ai toujours fait ça. J’ai aussi voulu identifier les monuments connus. Cette vieille technique, c’est une chance inouïe.
La suite ?
Ptiluc : Il y en a une. Staline ! On l’a repoussée d’un an, mais je me suis réservé ce personnage. Je suis au 2/3 de l’album, je vais assez vite. Cela fait quatre ans que je vais en Russie tous les ans. Aborder Staline coulait de source, on en a eu une image complètement déformée. Ça me fascine, notre époque, la situation au proche Orient, découle du nazisme et du communisme.
L’Histoire, ça m’a toujours plu. Je suis né en 56, mes parents parlaient de la guerre. J’ai vu l’Europe se former, l’Otan se créer. Pour mieux comprendre tout ça, j’ai fait mes recherches de mon côté.
Il y a des trucs incroyables. Comme la fuite des cerveaux allemands. On en parle peu dans notre album mais Scorzeny, c’est un personnage fascinant. Hitler lui avait demandé d’approfondir ses opérations commando. Après quoi, il a été récupéré par les Ricains, les Égyptiens… puis Israël et le Mossad. Alors que ce gars était nazi !
Bernard : Pour la suite, malheureusement, la liste des tyrans est longue. Avec des personnages qu’on connait tous sans savoir qui ils sont. J’ai reçu récemment le témoignage d’un professeur. Dans sa classe, beaucoup d’élèves ne savaient pas qui était Hitler. Voilà où nous en sommes.
Il y a aussi Brigitte Bardot, avec Dzack, dans un autre genre !
C’est un hasard. À vrai dire, je ne pensais pas que ce projet serait annoncé aussi vite. Mais puisque Brigitte Bardot l’a annoncé dans une interview. C’est très gai comme éclairage. J’ai vraiment découvert quelqu’un de très drôle mais aussi de très pointu dans ses souvenirs. Beaucoup plus légère qu’il n’y paraît. De quoi retracer une époque formidable.

Il y a aussi Les rescapés d’Eden, une nouvelle série d’heroïc fantasy dont le premier tome vient de sortir et dont une partie a été prépublié dans le dernier numéro de Lanfeust. C’est Adam et Ève revisité. Je fais ça en compagnie d’un dessinateur que, je pense, on va vite s’arracher vu son talent. Il est venu me trouver à Angoulême pour un conseil. Quand j’ai vu ce qu’il produisait, je lui ai dit : « Toi, je ne te lâche pas! » Je lui ai fait du sur-mesure en fonction de ses aspirations. Il s’appelle Siteb.


En tout cas, la BD permet tout parce qu’elle est écrite et visuelle. Lors de mon projet BD avec Claude Lelouch, il m’avait dit : « Dans la BD, c’est le lecteur qui est le cinéaste ». C’est lui qui décide la voix, la musique, les plans. Quant aux grandes cases, le lecteur doit avoir le talent d’aller dans le détail.
Mais vous êtes aussi dessinateur, non ?
J’ai la double-casquette. Avec l’avantage, quand je suis scénariste, de ne pas être enfermé dans mon propre graphisme. Puis, j’écris plus vite que je ne dessine. Mais je suis sur un projet. Ici, ça faisait deux ans que je ne dessinais plus. Une pause qui m’a fait du bien, après 35 ans de métier. Mon premier album est sorti en 1984, une autre époque avec 600/700 nouveautés par an. Aujourd’hui, nous sommes entre 5000 et 6000.
J’ai aussi scénarisé une nouvelle série sur l’Antiquité dessiné par Dzack, le dessinateur des Blondes.
Le mal, il est toujours là, non ?
Ptiluc : Il ne faut pas avoir fait la philo ou être rousseauiste. Cette société et son fonctionnement qui existent depuis si peu de temps, 1000 ans, est fragile. Regardez la Yougoslavie, la Syrie. Si la culture et l’éducation régressent, on revient au plus fort qui frappe le plus faible, au fait de devoir se battre pour manger. C’est ce que font les dictatures, raser la culture, avant toute chose.
Et dire qu’Hitler aurait pu être peintre.
Ptiluc : Oui, à quoi ça tient !
Merci à tous les deux d’avoir côtoyé ce grand méchant et de l’avoir rendu accessible malgré toute sa pathologie assassine !
Série : La véritable histoire vraie
Tome : Hitler
Scénario : Bernard Swysen
Dessin et couleurs : Ptiluc
Préface : Johann Chapoutot
Postface : Elie Barnavi
Genre: Biographie, Histoire, Humour
Éditeur: Dupuis
Nbre de pages: 120
Prix: 20,95€
Date de sortie: le 01/03/2019
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