Arrête-toi, là ! Respire bien fort. L’air pur de la mer, la saveur de l’iode. Sous le ciel bleu et le cagnard de Marseille. C’est là que nous retournons une nouvelle fois en compagnie des héros de Marcel Pagnol qui trouvent un énième souffle, beau et pur, en BD. À Marseille, mais pas n’importe où, au port. Là où tout le monde s’imagine marin. Peut-être encore plus Marius, dont l’amour semble incompris de sa dulcinée.
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Résumé de l’éditeur : La trilogie marseillaise de Pagnol arrive en BD ! Marius, le fils de César le cafetier du bar de la Marine, passe son temps à admirer les bateaux qui font escale dans le Vieux Port. Il ne vit que pour une seule chose : embarquer sur un navire et partir pour des pays lointains. Il est tellement obnubilé par cette idée qu’il ne voit même pas l’amour que lui porte Fanny, la marchande de coquillages, depuis l’enfance. Pour attirer son attention, Fanny décide de le rendre jaloux et se laisse courtiser par le vieux Panisse, ami de César. Mais si Marius aime lui aussi Fanny en secret, il ne peut faire taire son désir du grand large.

Je l’ai déjà dit dans d’autres chroniques mais c’est fou comme le théâtre et la BD sont faits pour s’accorder. La preuve ultime, c’est peut-être cet album, somptueux, lumineux mais aussi fort en gouailles et en bons mots. Du Pagnol pur jus mais aussi du Sébastien Morice pur jus (à base d’eau salée bien sûr). Aucun des deux ne se compromettant dans l’art de l’autre. Chacun renforçant le pouvoir de l’autre.

Et ce même si l’histoire est sans doute l’une des plus connues de la littérature française et qu’on en a vu et revu des passages à la télé. Même si on a été un peu meurtri par la version de Daniel Auteuil et son accent forcé. ici, rien n’est forcé, dans ce port où chacun s’inventera une vie de marin, tout coule de source. Une source améliorée avec 1/3 de curacao, 1/3 de citron, 1/3 de picon et 1/3 d’eau. C’est la recette de César, un brin tyrannique avec son fils, bonne pâte, Marius. Celui-là même qui a des vues sur la Fanny. Qui, elle, est convoitée par ce bon vieux veuf de Panisse qui s’en va la négocier avec sa mère. Panisse, il est riche. Marius est colérique. Et il a sa fierté. Et ça déménage à trois.



Sur quelques ares du Vieux-Port, Serge Scotto, Éric Stoffel et Sébastien Morice aménagent une bulle intemporelle, avec le charme d’antan et un théâtre de vies plus vraies que nature. Les mouettes se gaussent, les hommes s’écharpent. Toute la magie de Sébastien Morice réside dans sa maestria à illuminer les décors mais aussi les visages.


En résultent des scènes très spontanées, les expressions jaillissent et le mélange est détonnant. D’autant plus que dans cette intrigue confinée, par un découpage dynamique et des attitudes de personnages qui ne tiennent pas en place, le dessinateur réussit à vaincre de toutes ses forces la monotonie qu’on pouvait craindre. Quitte à la provoquer dans des scènes où le décor reste fixe et où seuls les personnages bougent. Comme cette empoignade entre César et Panisse. On est sous le charme. On vous remet un pastis ?


Tome : 1/2
D’après la pièce de théâtre de Marcel Pagnol
Scénario : Serge Scotto et Éric Stoffel
Dessin et couleurs : Sébastien Morice
Genre : Comédie dramatique
Éditeur : Grand Angle
Collection : Marcel Pagnol en BD
Nbre de pages : 56
Prix : 14,50€
Date de sortie : le 06/11/2019
Extraits :