Rire à en faire péter les coutures et à se faire peur: double-dose du Joker entre L’homme qui rit et Renaissance

Pas de doute, le 31 octobre a laissé des traces et comme le Joker règne toujours au cinéma, le voilà qui hante pas mal des récits inédits ou réédités chez Urban Comics. Avec plus ou moins de maestria et des visions bien différentes du plus célèbre ennemi de Batman en fonction des auteurs qui s’en emparent. De quoi participer à son enrichissement plus qu’à son appauvrissement. Cette fois, nous vous donnons le choix entre L’homme qui rit et Joker Renaissance.

À lire aussi | J comme Joker, J comme Joaquin Phoenix qui nous clown le bec dans un film incandescent et grandiose, appelant une suite

À lire aussi | Chevalier plus que jamais noir, Jack Napier en White Knight : grandeur et décadence de Batman dans l’ombre du Joker, au crépuscule de Gotham

© Snyder/Tynion/Capullo chez DC Comics

L’homme qui rit, mais surtout Cibles Mouvantes

Résumé de l’éditeur : Un nouveau criminel hante les rues de Gotham City, ornant le visage de ses victimes d’un sourire crispé et indélébile. Le meurtrier lève bientôt le voile sur son identité, en passant en direct à la télévision. Il menace alors de polluer les réservoirs d’eau de la ville, promettant à tous les téléspectateurs qu’ils ne tarderont pas à « mourir de rire ». Mais celui qui se fait appeler le Joker va devoir faire face au justicier de Gotham et rencontrer pour la première fois celui que l’on appelle le Batman…

© Brubaker/Rucka/Mahnke chez DC Comics

Avec The man who laughs, publié pour la première fois il y a quasiment quinze ans, Ed Brubaker,  Gregg Rucka, Doug Mahnke et David Baron faisaient un gros clin d’oeil au film qui inspira à Bob Kane et Bill Finger la création de ce sinistre et pourtant révolutionnaire personnage. Et comme les versions quant à ses origines divergent, ils auraient été bêtes de ne pas en profiter pour donner la leur, sans trop s’éloigner du travail accompli par leurs collègues avant eux.

© Brubaker/Rucka/Mahnke chez DC Comics

Attention, ceci n’est pas une nouvelle version de Batman. L’univers est déjà bien installé, y compris dans la relation que le Dark Knight entretient avec James Gordon. Tous deux vont être poussés dans leurs retranchements par le nouveau venu, barge à en mourir… ou à en faire mourir. Cela commence par des images d’horreur grimaçante dans les bas-fonds de Gotham pour finir dans les hautes strates de la société avec quelques millionnaires menacés de mort, même quand ils sont comme dans une chambre jaune hermétique à tout assaut. Même Bruce Wayne en fera les frais.

© Brubaker/Rucka/Mahnke chez DC Comics

Véritable poursuite dans la nuit, face à un ennemi aussi souriant que déterminé, et dont l’identité réelle fait peut-être de lui la plus grande menace que Gotham ait jamais connue, The Man Who Laughs met en place toute la rythmique, les concours de circonstances funestes et dilemmes indivisibles dont le clown est capable. Les auteurs ont aussi fait le choix d’un questionnement intérieur pour les dits héros, la voix-off, tant de Batman que de Gordon, est omniprésente, au risque d’être barbante.

© Brubaker/Rucka/Mahnke chez DC Comics

Le dessin de Doug Mahnke est efficace, se fondant dans l’obscurité et la neige qui tombe peu à peu, les bruits et onomatopées sont incisifs et les visages expressifs. Certaines séquences font vraiment du cinéma, adoptant sa lisibilité sans forcément avoir les clés pour que le lecteur comprenne tout de suite ce qu’il se passe (l’assassinat de sang-froid du caméraman). Pour le reste, peut-être est-ce moi qui ai trop lu de bonnes choses autour du personnage ces derniers mois (et Joker Renaissance, dont je vous parle plus bas), l’histoire m’a trop semblé être une resucée des plus célèbres origines du personnage. Machiavélique mais déjà vu. Face à l’homme qui rit, j’ai ri jaune.

© Brubaker/Rucka/Mahnke chez DC Comics

Par contre, ne refermez pas tout de suite le bouquin. S’il n’y a pas, comme on en trouve souvent, de cahier bonus rassemblant toutes les couvertures utilisées en comics autour de cette histoire, Urban Comics a décidé d’allier à L’homme qui rit, assez curieusement d’ailleurs si ce n’est le fait que c’est le même duo de scénaristes Brubaker-Rucka à la barre, le récit Cibles Mouvantes dégoupillé par Michael Lark et Stefano Gaudiano au dessin et Lee Loughridge aux couleurs.

Ce récit, même pas mentionné en couverture (alors que, selon moi, c’est lui le vrai récit phare de ce volume), commence par un bat-signal dans le ciel de Gotham et pourtant Batman ne sera réduit qu’à jouer les seconds-rôles et pourtant canaliser toute la lumière au détriment de ceux qui font un travail de fourmi. Car c’est bien aux policiers (eux non plus ne sont pas surplombés par un personnage phare, Gordon est absent), avec un côté Homicide, très documentaire, que les auteurs font la part belle, et laide. La course-contre-la-montre est une nouvelle fois diabolique mais un peu plus creusée que sur le premier récit. Avec plus de rebondissements et surtout un méchant qui apparaît comme jusqu’au-boutiste pour permettre à sa blague dévastatrice de connaître sa chute tant attendue. Un terrorisme beaucoup plus percutant, en trois chapitres et une conclusion.

© Brubaker/Lark/Gaudiano/Loughridge chez DC Comics

Joker Renaissance ou les chutes du Reichenbach du Dark Knight

Résumé de l’éditeur : Le Clown Prince du Crime s’apprête à porter les attaques les plus fortes jamais lancées à l’encontre du Chevalier Noir. Que ce soit en s’en prenant directement à Alfred et toute la Bat-Famille ou en prenant le contrôle des membres de la Ligue de Justice à l’aide d’un mystérieux gaz, le Joker est toujours là pour se rappeler au bon souvenir de Batman et le pousser dans ses derniers retranchements, son pire ennemi, le plus fou, le plus mauvais. Ni plus, ni moins.

© Snyder/Tynion/Capullo chez DC Comics

Beaucoup plus récent, Joker Renaissance sort en gros pavé de 416 pages regroupant le récit originel (Le deuil de la famille, Mascarade/Fini de jouer signés par des flamboyants Scott Snyder, James Tynion IV et Greg Capullo) mais aussi ses intermèdes (mêmes scénaristes alliés de Jock) et les histoires se déroulant parallèlement aux sinistres faits racontés (L’homme pâle de James Tynion IV avec Kelley Jones, Graham Nolan, John McCrea, Sam Kieth et Dustin NGuyen ainsi que Mon meilleur ami du même scénariste accompagné de Roge Antonio) ajoutant de la noirceur et un supplément d’âme néfaste à ce branle-bas de combat.

© Snyder/Tynion/Capullo chez DC Comics

Se déroulant après La cour des hiboux mais pouvant se lire indépendamment, Joker Renaissance ne peut mieux porter son nom. Cela fait un an que Batman et Gotham n’ont plus eu de nouvelles du Joker. Et ils ne s’en portaient pas plus mal. Vous pensez ! En plus, le visage arraché au Joker trône sous haute protection au commissariat. Le Joker n’a plus de visage, plus de sourire, plus d’existence. Et, après un an, lui qui n’est pas habitué à la patience, sans doute ne reviendra-t-il plus. Est-il mort pour de bon ?

© Snyder/Tynion/Capullo chez DC Comics

Pourtant, il paraît qu’on n’oublie pas l’odeur de la poudre, ni du sang, et il suffit quatre pages, baignant dans le mystère, pour que le Joker refasse surface dans la plus incroyable des horreurs. Il suffit de quatre pages à Greg Capullo pour déployer tout son talent… en coupant la lumière, panne d’électricité, et en surprenant le lecteur à la lumière d’une lampe de poche. Deux pages intenables, une boucherie, qui propulse dans les ténèbres ce récit enragé, halluciné, sous tension et fou à lier.

© Snyder/Tynion/Capullo chez DC Comics

Ramenant le mythe et les légendes médiévales à la surface, le bouffon de Gotham, qui s’est épinglé comme il le pouvait son visage dévasté, s’en prend là où ça fait le plus mal : la famille de Batman, ou de Bats comme il l’appelle. Plus question de jouer avec l’un ou l’autre, c’est par lot que le Joker les enlève pour mettre Batman au pied du mur et jouer avec ses nerfs. Plus d’Alfred, plus de Robin, ni de Nightwing, encore moins de Batgirl et de Red Hood. C’est avec ses propres ressources, sans plus pouvoir se démultiplier ni faire confiance (si ce n’est à Gordon, ciblé lui aussi) que Batman doit compter. Confronté à la mortalité des siens en approchant l’immortalité de son pire ennemi. Il y a un peu du Graal là-dessus, et de cette recherche toujours plus intense de ce qui a bien pu métamorphoser un homme (si tant est qu’il l’ait été) en cette créature des enfers, de son ADN, à la fois poison et antidote.

© Snyder/Tynion/Capullo chez DC Comics

Dans Joker Renaissance, c’est comme un anniversaire, tous les amis sont de la partie. La famille de Batman est décimée et les images qui sortent du crayon de Capullo font froid dans le dos et craindre le pire (le trait de Joke est lui propice à encore plus de folie dans les intermèdes), mais celle des méchants de Gotham se reconstitue autour du clown farceur qui entend faire de Batman son roi, et sous-entend que s’ils sont les meilleurs ennemis c’est aussi parce qu’ils sont les meilleurs amis. Même La ligue des Justiciers apparaît pour se retourner contre le chevalier noir. Il n’y a plus d’union sacrée, quoique.

© Snyder/Tynion/Capullo chez DC Comics

Prouvant qu’il n’y a pas toujours besoin de tout recommencer, Snyder et Tynion se servent des bases pour aller dix pas plus loin, au point de non-retour dans un récit moins héroïque qu’hyper-horrifique qui marque les esprits. Et dont les faux-semblants et vraies sueurs froides se prolongent dans les récits qui accompagnent cette édition, évinçant Batman mais plongeant dans les tourments de deux personnages satellitaires que Joker a lui aussi fait souffrir : le Docteur Mahreen Zaheer qui pense, avec l’aide d’un autre médecin d’Arkham avoir percé le mystère des origines du Joker, et un journaliste, Tommy Blackcrow qui a eu le malheur de dire à son nouveau harceleur qu’il était un monstre de solitude.

© Snyder/Tynion/Capullo chez DC Comics

Du coup, celui-ci compte bien hanter son nouveau meilleur ami. Pour ces deux récits, les dessinateurs ont été triés sur le volet, chacun amène sa dimension, son interprétation et son orfèvrerie, n’hésitant pas à aller dans des styles plus saisissants (mention spéciale à Sam Kieth).

© Snyder/Tynion/Capullo chez DC Comics

Bref, Batman, c’est bien le meilleur des univers de super-héros pour jouer avec Halloween, toute l’année.

© Snyder/Tynion/Capullo chez DC Comics

Titre : Joker – L’homme qui rit

Récit complet (complété avec Cibles Mouvantes)

Scénario: Ed Brubaker et Greg Rucka

Dessin : Doug Mahnke (et Michael Lark et Stefano Gaudiano)

Couleurs : David Baron (et Lee Loughridge)

Traduction : Philippe Touboul et Alex Nikolavitch

Genre: Action, Fantastique, Psychologique, Super-Héros

Éditeur VF: Urban comics

Collection : DC Deluxe

Éditeur VO : DC Comics

Nbre de pages: 168

Prix: 15,50€

Date de sortie: le 27/09/2019

Titre : Joker Renaissance

Récit complet

Scénario : Scott Snyder et James Tynion IV

Dessin : Greg Capullo, Jock, Kelley Jones, Graham Nolan, John McCrea, Sam Kieth, Dustin NGuyen, Roge Antonio

Couleurs : FCO, Plascencia, David Baron, Michelle Madsen, Gregory Wright, Ronda Pattison, Dave McKaig et Nick Filardi

Traduction : Jérôme Wicky

Genre: Action, Fantastique, Psychologique, Super-Héros

Éditeur VF: Urban comics

Collection : DC Renaissance

Éditeur VO : DC Comics

Nbre de pages: 416

Prix: 35€

Date de sortie: le 27/09/2019

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.