Est-ce par ce qu’elle vient d’ailleurs, mais toujours dans le monde littéraire, qu’elle apporte un nouveau souffle à la bande dessinée jeunesse ? Toujours est-il que, en quelques années, Carbone a complètement explosé, sachant s’entourer de jeunes dessinateurs prometteurs et animant leurs traits, avec des séries comme La boîte à musique, Dans les yeux de Lya ou Les Zindics anonymes. Rencontre avec une scénariste orientée jeunesse fourmillante de projets, qu’ils soient costumés, magiques, fantaisistes, noir-polar, etc.

Bonjour Carbone, comment allez-vous après ses derniers mois complètement fous pour vous ?
J’avoue, je suis sur un nuage. C’est magique ce qu’il m’arrive.
Il y a quelques mois, le monde de la BD ne vous connaissait pas. D’où venez-vous ?
Du sud, de Perpignan.

C’est donc ça l’accent chantant.
J’étais enseignante maternelle et j’écrivais pour la littérature jeunesse, pour le para-scolaire aussi. Bon, ce n’était pas le support qui me plaisait le plus: j’adore raconter des histoires mais pas les longues descriptions.
Ça veut dire que vous dirigez peu les dessinateurs avec lesquels vous travaillez ?
Uniquement quand c’est nécessaire. Je laisse aux dessinateurs carte blanche. Il faut dire que je ne dessine pas. Même pas des bonhommes patates. C’est magique, du coup, de recevoir les illustrations, les dessins qu’ils accomplissent. Puis, j’ai de la chance, ce sont des auteurs qui n’ont pas été « formatés », ils ne sortent pas d’écoles de BD. Christ James est un auto-didacte, Gijé et Cunha viennent de l’animation. Ils ont une manière assez naturelle d’aborder les choses.


Comment sont nés vos pitchs de BD ?
Des dessins qui sont passés dans mon fil Facebook, notamment. Ainsi, j’ai vu passer une illustration d’une rouquine avec des grands yeux. Elle n’était pas sur une chaise roulante mais, directement, je l’ai vue en fauteuil. De quoi susciter l’imagination et donner Dans les yeux de Lya.
Pour La boîte à musique, le processus fut pareil. J’ai vu passer un dessin de Gija, dans le cadre de l’Inktober. (Faveb)
Vous lisiez de la BD, avant ?
Je dois admettre que je ne suis pas très bédéphile, mes frères, oui ! Cela dit, je touche à tout, je teste des choses… Quand j’ai commencé, je n’y connaissais rien en découpage, à la manière de présenter un dossier. Mais ça a fonctionné, c’est ainsi que j’ai trouvé mon premier éditeur, Jungle, avec Le Pass’Temps en compagnie d’Ariane Delrieu.
Pour la Boîte à musique, il me fallait trouver un support. Ça aurait pu être un roman, cela dit.
La BD, c’est quand même technique, non ?
Oui, il y a un nombre de cases à respecter. On teste, on apprend. Parfois, il faut recommencer parce qu’on dépasse le nombre de pages qui nous est dédié.
Mais, cela dit, j’avais l’habitude des contraintes. Le monde de la littérature jeunesse est très calibré. Avec un nombre de caractères très limités. Pou une première lecture, on ne peut pas dépasser les 25 000. 600 pages pour un roman jeunesse, c’est trop, quel que soit le sujet, les éditeurs préféreront avoir 350 pages.

Et des projets plus longs en BD, ça vous dirait ?
Pourquoi pas, des romans graphiques. Mais bon, il me manque un peu de temps, pour le moment. C’est Tetris dans mon emploi du temps. En plus de celles qui continuent, j’ai deux séries qui commencent chez Jungle : Complots à Versailles avec Giulia Adragnia et Maïana – Le Calendrier de l’Avant avec Pauline Berdal.
Puis, il y a une série en préparation pour 2021 avec Nicolas Barry : Le monde des cancres, chez Dupuis. J’ai aussi La Brigade des souvenirs, en préparation, avec Cee Cee Mia, Marko et Maela Cosson.

Mais je suis contente d’être arrivée en BD, c’est le format dans lequel je suis le plus à l’aise. Il me parle. Puis, on peut se projeter, on peut étaler quand on procède par série.
C’est beaucoup plus plaisant que dans le monde de la littérature jeunesse.

Pourquoi ?
Parce que nous sommes inconsidérés et mal pays. Il est arrivé qu’on me commande un texte avant de finalement changer d’auteur. De mon expérience de l’univers BD, il est plus respectueux. J’y ai l’impression d’être une auteure.
Bon, je ne demande pas la gloire et à vrai dire je m’en tape d’être connue. Mais, quand j’appelais mes éditeurs jeunesse, personne ne me répondait. Ici, bien !

C’est quoi la force de la BD ?
C’est un esprit. Le livre jeunesse est consommable, une fois qu’on l’a lu, on le range. Bien sûr, on a tous lu, enfant, un livre qui nous a plu, qui nous a fait voyager mais quand on déménage, le plus souvent, on les laisse derrière.
La BD amène l’idée de collection, d’objet littéraire à part. Il n’y a pas de collectionneur dans les salons jeunesse. Mais des parents qui achètent des livres, pas pour eux mais pour leurs gamins. Alors, que la BD, en général, c’est le choix du lecteur lui-même.
Puis, il y a une collaboration. Alors que quand j’écrivais un livre jeunesse, je ne savais jamais qui l’illustrerait. Je ne dis pas que je n’en referai pas, qui sait, mais pas aux mêmes conditions.

Vous partez dans tous les sens, non, au fil de vos scénarios ? Il n’y a pas un genre particulier.
Le policier, c’est mon truc à la base. Beaucoup plus que le fantastique. Un monde comme celui de Pandorient dans La boîte à musique, ça ne m’attirait pas. Je n’étais même pas sûr d’être capable de faire de la fantasy. Mais, au départ, c’est toujours un fil conducteur qu’on suit. Et, à y repenser, s’il est peuplé de créatures imaginaires, Pandorient est avant tout notre monde… en miniature. Mais j’avais peur d’aborder ce genre tant je pensais qu’il était super-codifié. Au final, j’ai réussi à créer ce que je voulais. Et quand le héros est coincé, j’arrive à m’en sortir.

Et l’aspect musical, va-t-il ressortir à un moment ?
Pas forcément, peut-être, qui sait ? Notez que dans le tome 4, l’intrigue se développera autour d’une professeure de musique. Mais je n’y avais pas pensé, ce n’est pas conscient.
Et du côté des Zyndics anonymes ?
Le deuxième tome est prévu pour janvier. J’ai la chance de travailler avec de bons dessinateurs. Pour ce projet, j’ai galéré à trouver Christ James. Mais c’est une pépite. Avec lui, je ne m’interdis pas grand-chose. Il ne m’a jamais dit : « ça, je ne saurai pas faire ». Alors, j’en profite. Puis, j’ai la chance d’avoir une éditrice compétente. Laurence (Van Tricht), c’est la parole d’évangile.

Série : La boîte à musique
Tome : 3 – À la recherche des origines
Scénario : Carbone
Dessin et couleurs : Gijé (Page Facebook)
Genre : Aventure, Fantasy
Éditeur : Dupuis
Nbre de pages : 56
Prix : 12 €
Date de sortie : le 04/10/2019
Extraits :
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