Du 2 au 11 août, les Lokerse Feesten proposent une affiche hétéroclite sur le site désormais célèbre du Grote Kaai. Succédant à un Metal Day qui une fois de plus a fait le plein, c’est une affiche bien différente que proposait le festival ce 5 aout avec Whispering Sons, Father John Misty et, en tête d’affiche, l’immense Patti Smith.
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Pour ouvrir la soirée sur la scène principale c’est à Whispering Sons que la programmation a fait confiance.
Whispering Sons c’est Kobe Lijnen à la guitare, Tuur Vandeborne à la basse, Sander Hermans aux claviers, Sander Pelsmaekers à la batterie et Fenne Kuppens au chant. En 2016, le groupe remportait le célèbre Humo Rock Rally et, depuis, il trace sa route de bien belle manière.
Avec son post punk noir et racé, le band s’est forgé un joli contingent de fans à travers le pays et aussi hors frontières notamment en Allemagne où l’on apprécie beaucoup sa musique sombre et dansante.
Un premier album, Image, dans la poche, le groupe a offert ce soir une prestation solide et habitée ponctuée par la gestuelle épileptique de sa chanteuse à la voix grave, parfois même anxiogène. Un band à suivre assurément, et plus que du coin de l’oeil…
Le public qui s’était lâché avec Whispering Sons va hélas sombrer dans une semi léthargie face à la performance certes talentueuse, mais plutôt anesthésiante, de Father John Misty.
Celui qui à la ville porte le nom de Joshua Michael Tillman, s’est lié d’amitié avec Jonathan Wilson et on a pu l’applaudir au sein de Fleet Foxes et de moult autres projets. Il se produit désormais en solo flanqué d’un band capable d’envoyer du lourd, mais dans de trop rares occasions.
Dans l’ensemble, le set s’avère un peu longuet et répétitif, et ses chansons tristes sublimant la détresse sentimentale et la mélancolie ont du mal à s’imposer en festival malgré une qualité de composition indéniable. Bref, un set en demi teinte qui a sans doute ravi les fans du barbu aux lunettes sombres, sans pour autant faire l’unanimité au sein du public présent ce soir. À revoir en salle dans une ambiance plus adaptée à l’écoute de l’univers particulier de cet artiste.
Il est vrai que celle que tous sont venus applaudir, ce soir, n’est autre qu’une légende vivante, une icône, la marraine du punk, poétesse dans l’âme et interprète exceptionnelle : Madame Patti Smith !
J’ai eu la chance de découvrir Patti en 1975 avec Horses que je tiens personnellement pour un des albums les plus importants de l’histoire du rock, et d’assister à plus d’une vingtaine de ses concerts depuis sa première venue légendaire en Belgique et son show mythique à l’Auditoire Paul Emile Janson, le 14 mai 1976. Le choc ! Le genre de concert qui change une vie et vous lie définitivement avec l’artiste pour des décennies.
Ensuite, il y a eu le Cirque Royal (2 fois en 1977 et 78), puis Forest National en 1978 et une multitude d’autres visites de la dame dans notre pays qu’elle apprécie particulièrement. À chaque fois Patti m’a scotché, envoûté, bouleversé, retourné. Grande dame dont les combats justes et la lucidité sur notre monde sont à louer, Patti Smith rassemble les générations et suscite amour et respect chez ses fans. À coté de moi, une jeune femme, mains jointes devant son visage, semble statufiée lors de l’entrée sur scène de la chanteuse septuagénaire. C’est beau à voir, cet impact émotionnel que dégage l’oeuvre de Patricia Lee Smith sur les générations.
Ce soir elle est entourée d’un band dans lequel on retrouve à la guitare son fils Jackson, dont c’est l’anniversaire aujourd’hui, Sebastian Rochford à la batterie et le fidèle Tony Shanahan aux claviers, aux backing vocals et à la basse.
Ça fait bien longtemps maintenant que Lenny Kaye a cédé sa place aux guitares, mais même si l’homme a eu l’importance qu’on sait sur la carrière de Patti, son absence n’atténue en rien la puissance dégagée par les compos et autres reprises sublimées proposées ce soir par l’artiste.
Parmi les grands moments du set, citons outre des reprises inspirées de Neil Young (After the Gold Rush), Jimi Hendrix (Are You Expérienced?), The Rolling Stones (I’m Free) ou Lou Reed (Walk On The Wild Side), une incroyable version de Beds are Burning de Midnight Oil et les classiques Pisssing on a River, Because The Night, un Gloria détonnant et, bien sûr, People Have the Power pour terminer le show en beauté. C’est beau, c’est grand, c’est émouvant, c’est juste du Patti Smith près de l’os comme on l’aime.
Quelques derniers signes de la main adressés à un public aux anges, un sourire, et la grande dame prend congé de la foule avant de s’engouffrer backstage dans un van noir dont les feux arrières rouges sang s’enfoncent lentement dans la nuit.
Merci Madame, mille fois encore, merci !
Jean-Pierre Vanderlinden