Pendant que la Belgique était traversée par une tempête ce mardi soir, Jean-Louis Aubert était de passage à Liège au Forum pour un concert intimiste, la tournée « Prémi(c)xes ». Intimiste? Mon oeil oui, la tempête était dans la salle!
Seul en scène – quoi que -, le papy du rock français (64 ans, 43 ans de carrière) a électrisé pendant 2h30 le public intergénérationnel (tout le lectorat du journal de Tintin était présent, de 7 à 77 ans!), sans autre répit que ses deux courtes pauses en coulisse avant les rappels. 2h30 durant lesquelles Jean-Louis Aubert a enchaîné les titres de sa carrière solo et de celle de ses débuts, la belle époque de Téléphone.
Après un début chaleureux mais encore intimiste, une étincelle met le feu à la salle dès les premières notes de Juste une illusion, un titre qui a accompagné tant de générations qu’on pourrait le croire issu du répertoire de Téléphone. C’est pourtant le premier titre de son premier album solo, Plâtre et ciment, sorti en 1986, dix ans après la création de Téléphone et quelques mois seulement après sa séparation. Une partie du public présent mardi n’était pas née!
Le public s’est levé comme un seul homme: un grande partie ne se rassiéra plus.
Ailleurs, Demain, là-bas, peut-être, Puisses-tu, toute la carrière solo est parcourue: on passe les albums en revue, Plâtre et ciment, Idéal standard, Roc Eclair,…
Mais Téléphone n’est jamais très loin, Au coeur de la nuit, Le jour s’est levé (au piano),…
Près de trois ans se sont écoulés depuis le retour sur la scène de Forest National de la partie masculine de Téléphone: Aubert, Kolinka et Bertignac. À l’époque, le trio – rejoint par le jeunot Aleksander Angelov – sous le nom Les insus avait enchanté le public nostalgique dans une compo rock classique: guitare / basse / batterie. Une énergie folle sur scène, à la hauteur des attentes. Cette fois, Aubert est seul sur scène, dans une salle assise (bien qu’on l’a vu, les sièges n’ont pas très utiles…).
Comment allait-il gérer ce nouveau défi? Seul en scène, c’est l’impossibilité de se (re)poser le temps d’un solo de guitare ou de batterie, c’est l’obligation de porter sur ses seules épaules les attentes du public. Bien sûr, certains artistes sont passés maîtres dans l’art de (se) jouer du public, en les faisant chanter à leur place (coucou Patrick) ou en les laissant applaudir pendant de longues minutes (recoucou Patrick). Rien de tout cela, ici!
Aubert occupe tout l’espace, sans répit, n’hésite pas à descendre dans le public et à improviser des moments pleins de tendresse avec des fans de tous âges. Le tout seul. Ou presque…
Car si son talent est avant tout d’écrire depuis 40 ans des textes inoubliables, Jean-Louis Aubert est également un metteur en scène hors pair, accompagné de décors tantôt sobres (une simple lumière orange faisant penser à la pochette de Rock N Roll Animal de Lou Reed) tantôt plus élaborés – une sorte de loft industriel créant une ambiance cosy qui n’est pas sans rappeler la tournée intimiste de Cali), mais surtout d’une technologie à la pointe, avec des caméras lui permettant de créer en direct des hologrammes sur les extrémités de la scène (ndlr. Elle ne voit plus des nains mais des Jean-Louis partout !).
Voilà pour l’image.
Pour le son, il était seul, toujours, mais accompagné de son dragon, ensemble de pédales lui permettant de moduler le son de sa guitare, d’en enregistrer et répéter des séquences s’ajoutant au son joué en direct sur sa guitare 12 cordes.
Voilà pour le son.
Mixez les deux et vous avez 1, 2, 3, 4 Jean-Louis Aubert sur scène.
Fermez les yeux et vous avez un groupe complet, multi-instrumentiste.
La puissance d’un groupe et la grâce d’un seul-en-scène: voilà ce qu’a offert pendant plus de 2h – hors rappels – un sexy sexagénaire, avant d’enchaîner avec un dernier extrait de Roc Eclair, Puisses-tu, deux titres de Téléphone, Quelque chose en toi et l’incontournable Cendrillon et de conclure avec un final téléphoné, Voilà, c’est fini, le titre de l’album déjà trentenaire « Bleu blanc vert ».
Voilà, c’est fini. Mais Jean-Louis nous l’a démontré de façon magistrale ce mardi à Liège: le jour se lève encore.
Compte-rendu et photos: Benoît Demazy