L’Aventure, coffre à trésors de la BD franco-belge, souffle le frisson des grands espaces dessinés et diversifiés

« L’aventure c’est l’aventure
Elle est pareille à l’amour
Elle est en moi pour toujours
Oui pour toujours

(…)

Magnifique
C’est l’aventure
Fantastique
C’est l’aventure
Erotique
C’est l’aventure
Politique
C’est l’aventure
L’aventure
C’est l’aventure « 

( Francis Lai – Catherine Desage)

… et pourtant, parfois, l’Aventure attend longtemps son heure. Parce qu’il faut accumuler les indices pour trouver le trésor ou qu’on attend quelqu’un, peut-être aussi parce qu’il faut que les astres s’alignent pour donner toute la lumière au rêve d’une vie. Vingt-six ans après le rêve feuilletonesque d’Alain De Kuyssche (toujours de la partie), par l’intervention d’André Taymans suivi par d’autres auteurs et acteurs motivés : Christian Lallemand et Pierre Daisomont dans le comité de rédaction, Stéphane Dizier, Benoi, Henry Taymans (pas le frère ou le père de… non, le fils de… du haut de ses 12 ans), Antonio Cossu, Nico, Darko Perovic et Pierre-Emmanuel Paulis, rien que pour le premier numéro ! Un premier numéro qui lance les Éditions du Tiroir, basées à Braine-L’Alleud. 

Résumé de l’éditeur : Les Éditions du tiroir souhaitent proposer aux auteurs de bande-dessinée un nouvel espace de création basé sur un nouveau modèle économique de financement. En effet, à l’heure où le statut de l’auteur paraît de plus en plus précaire, il nous semble indispensable de garantir aux dessinateurs et scénaristes une juste rémunération pour leur travail et une diffusion la plus large possible de leurs œuvres. Cela passera par un modèle mixte de financement comprenant du crowdfunding et des fonds propres.

Couverture rougeoyante sur laquelle une ombre semble gagner la ville, et la vie, titre blanc et frontal ne laissant pas de doute (mais des surprises) sur le contenu des pages que nous serons amenés à découvrir, format A4 souple et 80 planches d’exclusivités. Voilà, par le menu, ce que L’Aventure va vous donner à voir. L’aventure, irrépressible, immobile ou trépidante, incasable (et pourtant), volatile et diversifiant, mettant le pied dans la porte pour ne pas se sentir cloisonnée.

© Dizier

Comme dans les (bons) fromages belges ayant assez de nez que pour allécher les bédéphiles et les autres, il y a un peu de tout dans ce premier numéro. Surtout beaucoup de récits à suivre dont les premières parties sont déjà fournies. Beaucoup d’horizons et d’univers aussi. Faisons le compte.

Il y a d’abord Lettres Mortes, quatre pages d’un mystère absolu et jusqu’ici insondable de Christian Lallemand et Stéphane Dizier. Une voiture salement amochée, une patiente hospitalisée qui se réveille en sursaut (d’un long sommeil ou d’une petite sieste), une ombre et des lettres soigneusement manipulées, ouvertes puis refermées. Bon, le résumé nous en dit un peu plus en nous présentant un peu plus Jodie, amnésique depuis un accident qui va aller à la chasse aux souvenirs dans son village natal, auprès de sa grand-mère qui va très vite… mourir. Jodie sera alors seule et influençable.

Autre style graphique, celui de Benoi, le Namurois qui a initié depuis quelques temps un rendez-vous d’Urban Sketchers dans les rues de Namur et d’ailleurs. Et c’est de ça qu’il est question dans Un carnet en bandoulière qui relate l’un de ses derniers voyages, mystère, entre beer et bear, entre autres. C’est accrocheur, c’est une expérience autant qu’un cours de croquis et de dessin. Avec l’impression d’être privilégiés.

Benoi, aussi, l’est puisqu’on peut aussi découvrir Le Préveneur, histoire courte dans les campagnes laborieuses quand le fantastique fait irruption sans prévenir. Et quand un petit garçon entend des voix, pas celle de la vierge mais d’un nain… de jardin. Benoi a pris le parti de récu(pé)rer les planches de ses histoires parues dans les Spirou des années 80 pour en remanier les couleurs. Et ça sonne bien.

© Benoi

L’homme qui tombe à pic, André Taymans est lui aussi de la revue et deux de ses projets y trouvent leur place. Avec Eden, d’abord, et la collaboration de son fils, le papa de Caroline Baldwin ou autres Mac Namara offre une suite et un retour au monde perdu. Avec un charme vintage et hippie, une héroïne qui a déjà la détermination dans son regard et la trace du Professeur Challenger retrouvée. Les dinosaures et la préhistoire ne sont pas loin. Et Henri leur donne un peu plus le pouvoir pour inaugurer Le coin des futurs pros. Une rubrique qui fait parler les dessins d’enfants et de jeunes talents.

© André Taymans
© André Taymans

Monument adulé par ses pairs, Antonio Cossu (qui s’est fait un nom et sa propre collection chez Dupuis, dans les années 80), qu’on avait un peu perdu de vue, nous donne de ses nouvelles dans une interview et dans des cases de Marilyn’s blues. L’auteur qui faisait partie des pionniers de L’Aventure n’a rien perdu de son pouvoir de trait, en noir et blanc frontal et fatal, ni de sa manière de ficeler des histoires intrigantes, bizarres et un peu malaisante. Ça parle de bébé, d’oiseaux au long bec, d’orages, d’inspiration, de masque mais nous ne vous en dirons pas plus.

© Cossu
© Cossu
© Cossu

Au géant, succède un jeune auteur qui a déjà démontré son savoir-faire dans deux tomes précédents (Adelin et Irina qui récidivent ici), Nico qui meurt d’envie d’encore en découdre, plus que jamais, avec une histoire folle dans un Moyen-Âge qui l’est tout autant, avec de la baston, des scènes de nuits sur les remparts et le pouvoir… aux femmes en armures… légères et au langage fleuri. Pour faire pousser une aventure caustique et dynamique.

© Nico

Dans un univers diamétralement opposé, cousin de Gotham, hard boiled et pulp, L’Aventure offre une vitrine à Brek de Perovic, paru chez Inukshuk. Une histoire d’espions en vase clos qui se tirent dans les pattes et qui ne ratent pas la mise. C’est époustouflant !

© Perovic

Et, en clôture, prouvant qu’elle est raccord avec un monde du Neuvième Art qui quête de plus en plus les étoiles, le nouveau magazine propose quatre planches de L’énigme Apollo 11 ou The Splashdown de Pierre-Emmanuel Paulis et André Taymans. Ou comment une journaliste française, Christine Fisher va refaire l’Histoire et se rendre compte que quelque chose cloche avec la mission Apollo 11. Une fiction annoncée comme s’inspirant de faits réel, qui commence sous les belles couleurs crépusculaires du Pacifique. Quatre planches, c’est peu (on aperçoit tout de même un Buck Danny avec son plateau repas), mais ça suffit à donner envie de s’immerger un peu plus dans ce monde de femmes.

© Paulis/Taymans

Enfin, last but not least, car il ne faut jamais oublier de tourner la page, la quatrième de couverture annonce une collaboration entre Taymans et Walthéry (au dessin d’une héroïne qui échappe peut-être enfin au moule Natacha! et qui sera l’invité de la deuxième revue de L’Aventure) pour animer le destin d’une nouvelle héroïne, Sophia Stromboli, au coeur d’enquêtes dont nous ne savons pas plus. Ça suffit à nous titiller.

© Taymans/Walthéry

La suite s’annonce tout aussi palpitante puisque, outre des carnets making-of) les prochaines revues annoncent le retour de… Percevan de Luguy et Léturgie (qu’est-ce qu’on l’attendait, ils vont faire de nous des lecteurs heureux). L’aventure, c’est son nom, et elle ne peut mieux le porter!

Pour tous ceux qui voudraient soutenir le projet: rendez-vous sur Ulule (fr.ulule.com/revue-l-aventure) jusqu’au 10 juin ou abonnez-vous sur le site des Éditions : (www.editions-du-tiroir.org/formulaire-d-abonnement-a-la-revue-)

En attendant, suivez leurs pages Facebook (ici pour L’Aventure, là pour les Éditions du tiroir), leur site et n’hésitez pas à vous le procurez au prix de 9,50€

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