Les hasards de l’édition font parfois qu’un même univers se retrouve décliner à quelques semaines d’intervalles dans deux BDs, de loin en loin ou de proche en proche. On vous parlera bientôt des albums de science-fiction et d’explorations spatiales qui explosent; en attendant, on reste terre-à-terre, quoique, tout en essayant de gagner de la hauteur au chevet de nos grands bâtisseurs du monde moderne. Usuels, indispensables ou purement décoratifs, les monuments de prestige ont trouvé leur place dans les cases du Neuvième Art. À commencer par le pont de Brooklyn tel que rêvé puis élevé, non sans difficultés, par les Roebling.

Résumé de l’éditeur : Après la mort accidentelle en 1869 du concepteur du pont, John Augustus Roebling, c’est à son fils âgé de 32 ans seulement, Washington, que revint la lourde responsabilité de terminer cet immense projet. Malheureusement ce ne fut que le début d’un long et douloureux chemin et il fallut une incroyable obstination pour mener ce projet à son terme.

Dans la série « Ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait » (une phrase de Mark Twain qu’on se repasse à l’envi pour se mettre du baume au coeur), j’appelle The Bridge. Celui entre Brooklyn et New York et dont, au plus près même 150 après, Peter J. Tomasi et Sara Duvall retracent la construction. Alors qu’au loin Jesse James donnait les derniers coups de feu du western, les Roebling père et fils mais aussi mari et femme, sous les railleries et malgré les bâtons dans les roues et les coups du sort mortels, allaient créer un édifice qui les dépasserait.

C’est vrai, alors qu’au pied des pyramides ou des colosses antiques, nous sommes plus enclins à nous demander « comment c’est fait »; il y a aussi des miracles de bravoure bien plus proches de nous.

Et la construction du plus ambitieux des ponts (la huitième merveille du monde) relevait de la gageure, enlevant la santé de son concepteur. Washington Roebling qui, comme dans un Hitchcock fut séquestré chez lui par la maladie contractée dans un caisson de décompression, à contempler aux jumelles le chantier de sa vie… laissé sous la supervision de sa femme, la téméraire Emilie (vous entendez l’incompréhension d’une époque pas prête à l’évolution sociale et égale?).

Passant la couverture éclatante de de format comics et souple, témoin et complice d’un trésor d’architecture, le lecteur suit au jour le jour, presque, la conception de cette folie. En vieux briscard (qui a mis plus de vingt ans à voir son histoire se mettre en dessin) passionné des ponts, Tomasi réussit le bond dans le temps et au-dessus de l’East River, précis (même si on aurait aimé savoir, comme au générique des films véridiques et dramatiques, combien d’hommes y ont laissé leur vie) et humain, généreux en détails.

La jeune Sara Duvall signe, elle, un premier roman graphique dont le principal défaut est le manque de clarté sur deux scènes décisives. Loin de jeter une ombre, pourtant, sur ce trait qui tient la route, très plaisant et chaleureux, fort en ambiance de cette ère de pionniers. Une jolie et très enrichissante réussite.

Récit complet
Scénario : Peter J. Tomasi
Dessin : Sara Duvall
Couleurs : Gabriel Eltaeb et John Kalisz
Traduction : Marc Sigala
Genre : Biopic, Histoire
Éditeur VF : Kamiti
Collection : Légendes
Éditeur VO: Abrams ComicArts
Nbre de pages : 204
Prix : 22€
Date de sortie : le 17/01/2018
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